Un coup dur, un de plus. La fin annoncée du système Pinel, qui ne sera pas reconduit en 2025, ne devrait pas aider à résoudre la crise du logement en France. “Ne jetez plus, la coupe est pleinelance Arnaud Bastide, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Provence. Pour le gouvernement, c’est une question de dogme : il ne faut plus aider le méchant propriétaire privé. »
Car ce dispositif, instauré en 2014 par la ministre du Logement de l’époque, Sylvia Pinel, avait en réalité pour objectif de soutenir les nouvelles constructions et de dynamiser le marché locatif dans les zones tendues, en encourageant l’investissement. Concrètement, un acquéreur d’un appartement neuf, situé dans un quartier tendu, qui acceptait de le louer pour une certaine durée (6, 9 ou 12 ans), bénéficiait d’une réduction d’impôt (12, 18 ou 21 %) du montant de l’acquisition (dans la limite de 300 000 €).
Et la révision de 2023 n’a pas rendu l’offre moins attractive : les acquéreurs ont dû se tourner vers des logements Pinel+ (plus de qualité) ou situés dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) afin de conserver le même avantage fiscal, tandis que les taux d’actualisation ont été légèrement abaissés. sur les produits Pinel classiques désormais définis.
Pinel : des loyers encore trop élevés
D’un autre côté, c’était aussi intéressant car le loyer était plafonné et s’adressait à certains ménages soumis à des conditions de revenus. Sur le papier, du moins. Parce que « l’efficacité en termes d’accessibilité n’était pas aussi importante que prévuregrette Cherifa Laidani, directrice de l’association de défense des consommateurs et usagers CLCV (Consommation de l’habitat et conditions de vie) des Bouches-du-Rhône. Les loyers des logements Pinel restent trop élevés et ne sont pas accessibles à suffisamment de Provençaux. On voit même des appartements en loi Pinel avec les mêmes loyers que d’autres en location classique. Et beaucoup de ces logements sont restés vacants.
En Provence-Alpes-Côte d’Azur, troisième région la plus peuplée de France, un peu plus de 16 000 logements ont été construits en 2024, sachant que 79 % de la population est concentrée dans les quatre grandes agglomérations (les métropoles d’Aix Marseille , Nice, Toulon et Avignon), tous situés en zones éligibles Pinel (A et B1), selon FPI Provence. Au niveau national, un peu moins de 200 000 logements ont été acquis via le dispositif Pinel entre 2014 et 2017, soit 48 % des logements neufs, selon une étude conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable.
La crainte des professionnels du secteur est que sans le système Pinel, les biens sur le marché locatif se raréfient. “Les investisseurs placeront leur argent ailleurs, donc les constructeurs ne construiront plus et il y aura une pénurie encore plus grande de logements.prophétise Didier Bertrand, président Paca de la Fédération nationale des agents immobiliers (Fnaim). Or, nous avons calculé qu’il faudrait 400 à 500 000 nouveaux logements par an en France, alors que depuis des années, nous en produisons 200 à 250 000. »
« Autant de logements construits en 2024 que dans les années 1950 »
Ce que partage Isabelle Lonchampt. “D’ici 2024, nous aurons construit autant de logements que dans les années 1950, même s’il y a 8 millions de foyers supplémentairesestime le président régional de la Fédération française du bâtiment (FFB). Le gouvernement ne voit que la niche fiscale qui lui coûte 38 milliards d’euros, alors qu’elle rapporte entre 50 et 60 milliards supplémentaires en impôts divers. Le secteur est en crise pour plusieurs raisons et je me demande comment cela aurait pu se passer sans la loi Pinel… »
Elle aura sa réponse en janvier. Car la nouvelle ministre du Logement, Valérie Létard, a assuré que le système Pinel serait achevé et non remplacé, estimant toutefois, dans les colonnes de parisienlequel “l’investissement locatif doit être soutenu » et prétendant être attentif à «propositions des parlementaires pour trouver des pistes de transition ». Arnaud Bastide évoque ainsi «le statut de bailleur privé vous permettant d’être moins imposé » alors que Cherifa Laidani imagine qu’il faudrait “aider davantage les investisseurs mais les obliger à facturer des loyers plus bas ».
Avec le retrait de la loi Pinel, Arnaud Bastide en est convaincu, «nous sommes en train de supprimer le caractère incitatif de l’immobilier ». Sa prolongation faisait pourtant partie des demandes de la FFB ou, le moinsson remplacement par un autre appareil. Les députés ont bien amendé le projet de loi de finances 2025 afin de reporter au 31 mars 2025 la date limite de signature de l’acte d’investissement à Pinel, mais il n’est pas sûr que cela apparaisse dans la version définitive. “Nous avons besoin d’investisseurs, nous ne pouvons pas compter uniquement sur les propriétaires occupants, nous avons aussi besoin de biens locatifsmartèle Isabelle Lonchampt. Nous demandons depuis longtemps quelque chose de durable pour les propriétaires, pas pour les grandes entreprises..»
Sur ce point, le représentant de l’association de défense des locataires est d’accord : «Le système ne doit pas disparaître mais être réformé pour prendre en compte les enjeux locaux et les niveaux de vie. Nous voulons que les ménages à revenus moyens puissent louer un appartement et pour cela nous devons nous concentrer sur quelque chose de durable. Parce que là-bas, on voit surtout la demande de logements sociaux augmenter… »
Cette peur de ne plus pouvoir trouver un logement, Didier Bertrand affirme le « ressentir chaque jour ». “Nous sommes confrontés à deux problèmes : le manque de logements sur le marché et le manque de moyens des ménages. Chaque jour, des locataires me demandent de les aider. J’ai reçu de nombreux étudiants qui finissent par abandonner leurs études parce qu’ils ne trouvent pas de toit, cela leur fait mal au cœur et au ventre. Nous menaçons l’avenir de notre pays.
Et l’expansion du prêt à taux zéro, qui fait partie des mesures envisagées par le gouvernement pour relancer le marché de l’accession à la propriété, ne compensera pas la pénurie croissante du marché locatif.