Mardi à Chaumont, le docteur Rossinot a invité les professionnels de santé à devenir « alliés » des aidants familiaux, qui prennent soin au quotidien d’un proche vulnérable.
Spécialiste de la thématique des soignants, le Dr Hélène Rossinot a été médecin en Ehpad. Autant dire qu’elle connaît bien les relations avec les familles, les patients ou les résidents. Une expérience qui ne lui a pas été inutile pour prodiguer, mardi 5 novembre, quelques conseils avisés aux professionnels qui entrent en contact avec les aidants familiaux, ces proches – parents, mais pas seulement – qui s’occupent au quotidien d’un proche vulnérable. . .
« Vous avez un rôle vis-à-vis de l’aidant de la personne accompagnée, celui d’en faire un allié, insista le médecin lorrain. Parce que les soignants sont sacrément utiles : ils répètent à leurs proches les consignes que vous leur avez données, ils veillent à ce que les médicaments soient bien pris, les rendez-vous honorés. Cette alliance est nécessaire car elle apporte la confiance. »
Le monde du travail réagit
Dans le cadre de cette journée de sensibilisation proposée mardi à Chaumont par la Plateforme Répit (jhm quotidien du 28 octobre 2024), journée destinée à présenter « des moyens d’améliorer les relations entre les soignants, les soignés et les professionnels » selon les organisatrices, Virginie Benneka et Nathalie Fey, le Dr Rossinot a d’abord rappelé que les soignants représentent, selon les dernières estimations, « 25 % de la population française ». La même proportion s’applique aux salariés français qui seront soignants d’ici cinq ans. « Ce qui fait réagir le monde du travail, et plus vite que le monde de la santé »a noté la spécialiste d’un sujet sur lequel elle a écrit plusieurs ouvrages.
Être aidant familial n’est pas une tâche facile. “L’enfant que j’étais est décédé deux jours après l’accident de mon père”Ainsi témoigne, dans un poème lu par Hélène Rossinot, un jeune de 14 ans confronté, avec sa mère, au handicap de son père. Qu’ils s’occupent de personnes âgées et/ou handicapées ou de malades, les soignants peuvent être confrontés à de l’anxiété ou des troubles du sommeil. “Beaucoup de gens ne se considèrent pas comme aidants, estimant que c’est normal, que c’est un devoir d’aider un proche, et que ce sont ceux-là qui sont les plus difficiles à soutenir”a estimé le médecin nancéien, qui a cité de nombreux exemples de personnes confrontées à un sentiment de culpabilité.
« Interlocuteur légitime »
Par exemple, celle d’une femme dont les deux dernières années auprès de sa mère malade ont été très difficiles à cause de ses accès de violence. « Il lui a fallu quatre ans pour verser une larme suite à la mort de sa mère, pour que l’amour revienne »a témoigné le Dr Rossinot, indiquant que pour cette fille, “Ne pas tenir aurait été un échec, elle se serait considérée comme ayant échoué.”
Si le Dr Rossinot a voulu s’adresser à ses consœurs et confrères, professionnels du domaine du handicap, des soins aux personnes âgées ou du médico-social, c’est, insiste-t-elle, parce que leur rôle est plus important qu’il n’y paraît. « De nombreux conflits seraient mieux résolus s’il y avait dès le départ un réel soutien aux soignants, s’ils étaient acceptés comme des interlocuteurs légitimes »estime le médecin.
Et en conclusion de ses propos, le Dr Rossinot a précisé : « Lorsque vous parlez à un patient, ayez le réflexe de regarder à côté de lui. Allez plus loin que ce qu’on vous a enseigné et vous changerez la vie des soignants et celle de familles entières. Nous serons tous des aidants un jour ou l’autre. »
LF