« Mesrine, les Français… Tous ces gars étaient très violents. Ils ne respectaient pas beaucoup les femmes. Bruno, il déchirait les chèques… C’était une sorte de Robin des Bois. Ce qui était intéressant dans ce projet et qui symbolise l’histoire de l’humanité, c’est qu’on se souvient de Mesrine, on se souvient des Français, on se souvient de tous ces gangs, mais on ne se souvient pas de Sulak Il. était pourtant l’ennemi public numéro un, il faisait la une de tous les journaux. On parlait beaucoup de lui à l’époque, mais ce n’est pas quelqu’un dont l’histoire se souvient. “ Pour le dossier de presse de Libre, un film Prime Video disponible vendredi 1er novembre 2024, Mélanie Laurent (à qui l’on doit notamment Voleurs et Le Bal des Fous) raconte ce qui l’a fascinée dans l’histoire de Bruno Sulak, au point de confier son rôle à Lucas Bravo. Mais qui était réellement l’homme qu’elle décrit dans son long métrage ?
Qui était Bruno Sulak ? Retour sur la vie de l’ancien braqueur et légionnaire qui a inspiré Libre by Mélanie Laurent
En 29 ans de vie, Bruno Sulak a réussi à entrer au Panthéon des braqueurs français. Et ce, même si son nom ne vous dit pas grand chose. Au milieu des années 1980, il multiplie les braquages de supermarchés et de bijouteries à Paris et à Cannes, sans jamais recourir à la violence. Souvent arrêté, il a gagné le surnom “roi de l’évasion” pour ses sorties de prison, à la fois spectaculaires et humiliantes pour les forces de police de l’époque. Il a d’abord scié les barreaux de sa cellule, puis, une autre fois, a été sauvé par des complices armés lors d’un transfert de police en train. Avant de se lancer dans cette vie de brigand, ce fils de légionnaire a aussi porté un temps l’uniforme. « Depuis qu’il est très jeune, il est agité. Gamin marseillais, élevé face à la mer, il s’engage dans la Légion étrangère à 20 ans. Un joli geste, mais surtout le respect d’une tradition familiale. Son père est un ancien Képi blanc, ayant servi en Indochine d’où il est revenu avec un bras manquant et quelques décorations supplémentaires. A Calvi, où il sert dans les parachutistes, Sulak est le légionnaire Bernard Suchon. “a écrit Le Figaro en 2008. S’en sont suivis des démêlés avec la justice, une fuite, une clandestinité et, au milieu, semble-t-il, un mariage avec la naissance d’un bébé. Sa complicité avec Steve Jovanović (de son vrai nom Novica Zivkovic), ancien garde du corps de Jean-Paul Belmondo, a également marqué nombre de ses crimes. Mais ni l’un ni l’autre ne sont là pour le leur dire aujourd’hui. Si le dernier a été abattu près d’un hélicoptère en 1984 alors qu’il tentait de libérer son ami incarcéré à Bordeaux, Sulak est décédé l’année suivante, toujours lors d’une tentative d’évasion, alors qu’il avait décidé de prendre sa retraite. Les circonstances de son décès ont longtemps hanté sa famille, qui avait alors porté plainte et demandé l’ouverture d’une enquête.
Georges Moréas, former police officer, challenges Mélanie Laurent’s version of the film
En imprégnant l’histoire d’une romance passionnée entre Sulak et une certaine Annie, Mélanie Laurent propose un film rythmé, touchant et coloré. Et surtout très romantique. On se demande : à quel point est-il fidèle à la réalité ? Pauline, la sœur du braqueur, ne cesse de crier qu’elle s’oppose au projet et que celui-ci ne reflète en rien la personne qu’était réellement son frère. Sur son site Internet, elle accuse notamment le réalisateur, qui n’a pas pris en compte leur refus de voir le film sortir, de « vol de vie qui, contrairement au vol de bijoux qui le concernait, n’a aucune noblesse, aucun honneur. Et il est même possible que la loi [lui] donne raison comme elle a donné raison à ceux qui l’ont froidement abattu un soir de mars 1985. ». Quant à Georges Moréas, ancien policier chargé du dossier, il a pris la plume dans les colonnes de Mondele 25 octobre 2024, pour rétablir sa vérité. « La sortie de Libre correspond à quelques jours à l’anniversaire de Bruno Sulak et à celui de son amie Radisa Jovanovic, précise Steve. Tous deux auraient eu 69 ans. Steve est mort sous les balles d’un policier de la PJ bordelaise, en mars 1984 ; Bruno lors d’une nouvelle tentative d’évasion, en mars 1985. […] Le film de Mélanie est une belle histoire d’amour entre Bruno (Lucas Bravo) et Annie (Léa Luce Busato), sa complice, mais pour le reste, c’est une fiction à part entière. Seule la perruque d’Yvan Attal dans le rôle du commissaire (moi) peut rappeler ma coiffure de l’époque”plaisante-t-il. Mais ce qui laisse le plus perplexe l’ancien flic, c’est cette fin du film très stylisée. Dans la vraie vie, Bruno Sulak serait tombé par la fenêtre en tentant de s’évader de la prison de Fleury-Mérogis…
Les récits controversés de la mort de Bruno Sulak
« En mars 1983, après un braquage à Thionville qui avait mal tourné et qui aurait pu se terminer dans le sang, Bruno Sulak décide d’arrêter. […] Pour les vols, il a tenu parole. En août, il s’est rendu à la bijouterie Cartier à Cannes ; en décembre, la bijouterie Les Ambassadeurs dans l’agréable galerie du Hilton de Genève – et il s’est envolé pour le Brésil. […] A son retour du Brésil, via le Portugal, un douanier stagiaire coche ses papiers d’identité, au nom de Radisa Savik. […] Ce qu’il ne sait pas, c’est que la voiture qu’il a payée en espèces au Portugal est un véhicule volé. Direction la prison. […] Bien qu’inscrit au DPS, Bruno Sulak est un détenu sans problème, plutôt bien considéré par ses gardiens. Il se lie d’amitié avec Marc Metge, un stagiaire pour qui c’est son premier poste. […] Aussi, lorsqu’il lui demande de l’aider à s’échapper, il ne dit pas non. D’autant que Sulak lui promet une grosse somme d’argent. Un virement vers un compte offshore”dit Georges Moréas. Mais rien ne se passe comme prévu. « Ce qui s’est passé ensuite, personne ne le sait. Sans doute à l’approche d’une ronde, Sulak s’est réfugié dans un bureau du deuxième étage, le seul qui ne soit pas fermé à clé, celui où il trouve la machine à café. Peut-être même a-t-il ouvert la fenêtre avec l’idée de sauter. La porte s’ouvre… Il a juste le temps de se glisser dans un placard avant que les gardes n’entrent dans les chambres. lieux. […] Le fugitif retient son souffle – mais pas son talkie-walkie.[…] Profitant de l’effet de surprise, il se précipite vers la fenêtre. Les surveillants tentent de l’arrêter. Ils l’attrapent par sa veste. Cela reste entre leurs mains. Sulak tombe plutôt que saute sept mètres plus bas, sur l’asphalte du parking.. Une version contestée depuis près de 40 ans par les proches de Sulak.