L’imitateur et comédien Didier Gustin, installé en Uzège depuis plusieurs années, ouvre ce mercredi 6 novembre la quatrième édition des Toqués du Rire à l’Ombrière d’Uzès avec son spectacle « Johnny, libre dans ma tête ».
Un spectacle sur Johnny Hallyday réalisé par Éric Bouvron, où s’entremêlent imitation, comédie et chanson. Entretien.
Objectif Gard : Pour commencer, revenons sur la genèse de ce show, d’un côté fan de Johnny au point de vouloir le relancer ?
Didier Gustin : En fait, je suis un peu comme tout le monde, ma vie a été émaillée des chansons de Johnny depuis mon enfance jusqu’à sa mort et encore aujourd’hui. J’ai trouvé qu’à sa mort, il y avait un hommage national, mais que l’hommage médiatique était un peu léger pour une star comme lui. Alors je me suis dit que si je ne pouvais pas faire une série télé, je pourrais faire une série, et j’ai eu l’idée d’un Johnny qui ne veut pas mourir, et qui me vient à l’esprit pour mettre ensemble un spectacle avec tous ses amis. J’en ai parlé à Éric Bouvron, qui est un ami de longue date, réalisateur qui a eu plusieurs rôles de Molière. Nous venons de deux univers très différents, lui d’un côté culturel, et moi plutôt d’un côté has been. Il est rentré à la maison et il nous a fallu un an et demi pour écrire la série.
Vous avez prononcé le mot has-been, vous le jouez pas mal à cet égard. En faisant revivre Johnny, est-ce que vous relancez vous-même, ou du moins votre carrière ?
J’ai lu une phrase dans un journal, que je répète, qui disait qu’avec ce spectacle, on se ressuscite. Didier Gustin ressuscite Johnny, et vice versa.
Johnny a été beaucoup imité, pas seulement par vous, au point que parfois on a le sentiment d’imiter un imitateur qui imite Johnny. Comment aborder cette imitation en 2024 ? Devons-nous le renouveler ?
Non, nous l’imitons comme nous l’avons imité auparavant. Ce qui est amusant aujourd’hui, c’est de l’imiter tel qu’il était : un gars plaisant, super sympa, généreux.
Le connaissiez-vous ?
Pas du tout, je ne l’ai rencontré qu’une fois. Mais quand nous avons monté cette émission, j’ai feuilleté les biographies, lu les articles, écouté les interviews de lui et d’autres qui parlaient de lui, et à chaque fois que nous creusions, nous ne trouvions que de bonnes choses, ou des anecdotes incroyables. Il ne faut pas lui dire : « Hé, tu as une belle moto », sinon il te la donnerait. C’était une personne extrêmement généreuse.
Il y a quand même un aspect performance dans ce spectacle.
Oui, mais ce n’est pas le sujet. Le sujet est l’histoire de ce road movie entre Johnny et moi. C’est l’histoire, les musiciens et l’imitation qui soutiennent ce point. En ce sens, il y a une performance dans le spectacle, le spectacle n’est pas une performance en soi.
“On est sur une sorte d’OVNI, à mi-chemin entre le concert, le théâtre, la comédie musicale”
Plus largement, comment aborder un spectacle d’imitation en stand-up time ? On en voit moins qu’avant, les imitateurs sont moins populaires.
Complètement. La formule que j’utilise dans ce spectacle est de raconter une véritable histoire d’amitié, qui dure 1h40. D’ailleurs, les spectateurs me disent souvent : « on a adoré ton film… euh, ton spectacle ». C’est la mise en scène, Éric Bouvron met en scène de manière à solliciter l’imaginaire du public, et quand on sort, on ne sait plus si on a vu un film ou une pièce de théâtre. On n’est plus dans le théâtre français, on est plus proche de Caubère que du stand-up. Le stand-up, c’est tellement loin de ça, c’est : je monte sur scène, je prends un micro et je dis des bêtises, sans histoire. La tendance semble bouger, on voit Arthus, qui cartonne énormément, avec des stand-up où il y a encore des sketchs dedans. Je pense que le stand-up est très bon, mais cela ne montre pas les qualités d’un comédien, cela montre juste qu’il est drôle. Le rire, c’est bien mais ça ne dure pas, ce n’est pas une émotion. Ce que les gens aiment, c’est être ému, touché, il faut qu’il y ait une vraie histoire derrière.
Qu’il y ait de la substance.
C’est tout, et que le fond soit bon. Ce que nous voulions faire, c’était un film, mais au théâtre. Il y a donc de la musique, avec des musiciens qui jouent aussi. On est sur une sorte d’OVNI, à mi-chemin entre un concert, un théâtre, une comédie musicale.
Cette émission est déjà en cours, avez-vous déjà reçu des retours positifs ?
Nous n’avons que des retours positifs, même de la part de bikers, le groupe de motards que Johnny a fondé avec son garde du corps. Il y en a 15 000 en France, le patron Joe est venu avec le plus grand collectionneur de Johnny de France, ils ont adoré le spectacle et depuis ils en font la pub.
C’est une validation.
Oui, c’est une validation, et ce qui est intéressant aussi, c’est de voir le public de Versailles, qui est venu aux écuries Bartabas dans le cadre du mois de Molière, des gens qui sont venus uniquement pour le théâtre, on a joué deux fois et le public était en délire à la fin. C’est un show pour toutes les générations, et qu’on aime Johnny ou pas, qu’on le connaisse ou pas, ça ne change rien car il y a une histoire, on raconte quelque chose.
« Un has been est un artiste entre deux réussites »
Vous allez jouer chez vous, à quelques kilomètres de chez vous, est-ce une sensation particulière ?
Je suis contente, Lara Mauger (l’organisatrice des Toqués du rire, NDLR) me rend service en m’invitant au festival. Je voulais jouer dans cette salle, mais c’est compliqué. Mais grâce à elle et au maire, je joue enfin à l’Ombrière. C’est une satisfaction de pouvoir jouer dans de bonnes conditions, enfin à domicile.
Ce spectacle fera une tournée parisienne en janvier au théâtre de Passy. Et Avignon ?
Oui nous avons le projet, nous y sommes. Les dates commencent à arriver. Comme ça fait longtemps que je ne suis pas venu ici, c’est le côté has been, il faudrait presque prouver encore une fois que c’est bon. Les gens peuvent dire : « c’est un vieux qui va chanter Johnny, oublie ça », et quand ils viennent ils disent que c’est génial, donc le bouche à oreille se propage bien. Ça fait boule de neige petit à petit, on a une bonne quarantaine de dates de prévues, et je pense qu’on va le jouer pendant trois ou quatre ans.
Allez-vous alors finir par ne plus être un has been ?
J’ai une formule, je dis qu’un has been est un artiste entre deux réussites. Johnny était un has been, dans sa carrière il y a eu des moments où il s’est cherché, puis il est revenu avec un autre album, et cela vaut pour beaucoup. C’est ce qu’il y a de bien dans ce métier, c’est que du jour au lendemain, on peut changer de métier, soit parce qu’on a créé quelque chose, soit parce que quelqu’un pense à nous, et c’est reparti. C’est pourquoi il faut se méfier des hasbeens, car souvent ce sont eux qui compteront demain.
« Johnny, libre dans ma tête », de Didier Gustin, mise en scène Éric Bouvron, mercredi 6 novembre à 20h30 à l’Ombrière d’Uzès. Billetterie ici.