Par Maryse Dumas, syndicaliste
Cadillac-sur-Garonne, 2 800 habitants, ce 20 octobre. Une centaine de personnes se sont rassemblées pour une cérémonie de dévoilement d’une plaque donnant le nom de « René Gérard » à l’esplanade, nouvellement construite en bordure des remparts. La place qui précédait l’esplanade portait déjà le même nom depuis le 24 octobre 1944. Ce sont des militants locaux du PCF, de la CGT et des associations de résistance, notamment l’un d’entre eux, Jacques Brisset, qui savaient convaincre la municipalité d’organiser une cérémonie à cette occasion. Ainsi, en l’espace d’une heure seulement, ils ont pu revivre la mémoire, l’engagement et les valeurs de ce premier résistant, fusillé par les nazis, avec 49 autres « otages », au camp de Souge, en Gironde. . , 24 octobre 1941. « Il faisait partie de ceux qui se levaient avant le jour et se préparaient à ce qui allait suivre. Il a mené les luttes de son temps, les yeux tournés vers l’avenir », disait de lui en 1989 Henri Chassaing, militant syndical et politique qui fut son ami.
Journalier, marin, employé communal, ouvrier, commerçant, René Gérard a exercé à peu près tous les métiers, mais le fil conducteur de sa vie a été son engagement pour le PCF et la CGT, son engagement de classe et pour la paix. Il est arrêté à Cadillac, par la police de Vichy, avec 147 autres personnes, le 22 novembre 1940. En 1941, le 21 octobre, la Résistance élimine un officier allemand à Bordeaux. Les autorités décrétent alors que, pour chaque mort d’un officier allemand, 50 otages seront exécutés. A cet effet, la police de Vichy prépare une liste d’internés administratifs dans laquelle les occupants pourront piocher. Le 24 octobre 1941, à 8 heures du matin, 35 otages, tous communistes, sont pris au camp de Mérignac, 15 autres résistants, dont 5 communistes, sont pris au fort du Hâ à Bordeaux. Ils sont emmenés dans une clairière de la lande de Gironde et fusillés. Leurs corps sont enterrés sur place dans une fosse commune dont la Résistance fera un lieu de mémoire. Les Allemands sont chassés de Bordeaux en août 1944. Les restes des fusillés, dont ceux de René Gérard, sont exhumés en octobre. Souge, avec 256 hommes fusillés, était le deuxième lieu de fusillades collectives en France, après le Mont-Valérien.
L’Association « Mémoire des Tireurs de Souge » poursuit un important travail non seulement de mémoire mais d’éducation populaire auprès des jeunes générations. C’est la deuxième partie de l’histoire : le travail inlassable accompli par plusieurs générations successives pour combattre l’oubli et trouver les moyens de passer le relais. Il ne s’agit pas seulement d’honorer la mémoire de ceux à qui nous devons notre liberté et bien plus encore, mais aussi de redonner vie à des idéaux et des valeurs particulièrement malmenés aujourd’hui. En cette année 80e anniversaire de la Libération, un peu partout en France, des initiatives sont prises pour restaurer des plaques commémoratives et en ajouter de nouvelles. Les organisations CGT sont particulièrement attentives à ce que les résistances spécifiques des salariés, fondées sur leurs réalités professionnelles, ne soient pas effacées par les restructurations et les disparitions d’entreprises. Merci et reconnaissance à tous ceux dont le travail patient, souvent invisible, minutieux permet de préserver la mémoire collective de cette grande aventure humaine qu’a été la Résistance et de transmettre le message pour l’avenir qu’elle nous adresse.