Quel est le lien entre les « Curucucus », ces cavaliers masqués brésiliens, et la ?

Quel est le lien entre les « Curucucus », ces cavaliers masqués brésiliens, et la ?
Quel est le lien entre les « Curucucus », ces cavaliers masqués brésiliens, et la France ?

Pourquoi avez-vous photographié la Festa do Divino Espírito Santo à Pirenópolis ? Qu’est-ce qui rend cette célébration unique ? ?

Dans le monde lusophone, cette célébration est l’équivalent de la Pentecôte. Plusieurs villes du Brésil et du Portugal le célèbrent. A Pirenópolis, petite ville nichée dans les montagnes, à l’architecture coloniale très colorée, elle constitue le principal événement culturel, loin devant le carnaval. Et depuis plus de deux cents ans, les festivités, qui durent vingt-trois jours autour de la Pentecôte, culminent lors des trois derniers, avec les cavalhadas : une reconstitution théâtrale d’une bataille légendaire entre les chrétiens et les maures qui s’est déroulée en Europe. pendant le Moyen Âge.

Ce spectacle extravagant trouve ses origines dans la Chanson de Roland, cette chanson gestuelle française du XIIe siècle qui évoque la bataille de Roncevaux. Les habitants de Pirenópolis affirment que c’est ici, et nulle part ailleurs au Brésil, que ces célébrations sont les plus festives et colorées.

Au Brésil, les « Curucucus » partent en croisade

Comment se déroulent les cavalcades ?

Dans une grande arène, le Campo das Cavalhadas, ou Cavalhódromo, deux armées s’affrontent : d’un côté, douze cavaliers chrétiens en bleu, de l’autre, douze cavaliers maures en rouge. Le premier jour est la bataille, le deuxième, les maures se rendent et la journée se termine par leur baptême, le troisième jour donne lieu à une sorte de tournoi, avec des acrobaties, des courses, des têtes de carton percées de lances, etc.

Les cavalhadas sont une sorte d’ode à l’empereur Charlemagne qui mit fin à l’avancée des Maures. Les prêtres jésuites ont introduit ces célébrations au Brésil au XVIIIe siècle pour catéchiser les indigènes et les esclaves africains, leur montrant ainsi la puissance de la foi chrétienne. Cette fête est restée forte à Pirenópolis car de nombreux colons qui ont fondé la ville venaient du nord du Portugal, une région connue pour sa résistance contre les Maures.

Des personnages pittoresques, les mascarados ou curucucus, perturbent le bon déroulement de ces cavalhadas. Ne sont-ils pas les véritables héros de ces vacances ?

Dans le Cavalhódromo, ils sèment le chaos à chaque interruption, pendant que les cavaliers reprennent des forces. Les organisateurs les rappellent à l’ordre mais ils se montrent têtus et restent bien plus longtemps que prévu. Cela fait partie du spectacle ! Mais l’expérience à vivre se trouve surtout dans la rue. Durant les trois jours des cavalhadas, par centaines, voire milliers, ils défilent à pied et à cheval, parés de masques, de vêtements colorés, de gants et de bottes, d’où leur nom les mascarados, c’est à dire les « masqués ». On les appelle aussi curucucus, en raison des sons durs qu’ils produisent. Ils déguisent leur voix, ils ne veulent pas être identifiables, mais ils veulent être appréciés, regardés, photographiés. Ils vont vers des gens qui leur donnent des boissons, des cigarettes, de l’argent pour acheter une bière. Il y a toujours des jeunes qui circulent partout. C’est un peu magique lorsqu’une mascarade apparaît au coin d’une rue. C’est comme si c’était un autre monde.

Les mascarados font référence à la forte division des classes sociales au Brésil…

Le rôle de chevaliers était réservé aux riches. Les mascarados n’existaient pas au début des caval-hadas, en 1826. Très vite, les pauvres, notamment les esclaves, récupéraient les têtes en carton percées lors du tournoi et s’en servaient comme masques. Puis ils sont descendus dans les rues, semant le trouble et chantant. Les mascarades profitaient de leur anonymat pour brandir des banderoles avec des messages exprimant leur désaccord avec l’État, la mairie… Le mascarado était un peu comme un hors-la-loi. Il n’a montré aucune partie de sa peau afin de rester méconnaissable et ainsi être à l’abri de représailles.

Quels sont les principaux changements intervenus dans le déroulement de ces festivités au cours des dernières décennies ?

Traditionnellement, chaque année, un prix est décerné au meilleur masque. Les mascarades défilent dans le Cavalhódromo devant un jury. Certains artisans passent des semaines, voire des mois, à préparer masques et costumes. Mais, depuis peu, des masques prêts à l’emploi de type Halloween sont apparus. Pour contrer ce phénomène, les enfants de Pirenópolis suivent des cours à l’école pour apprendre à les fabriquer avec du papier traditionnel et de la colle à base de farine de blé. Quant aux banderoles en faveur du changement politique, elles sont très souvent remplacées par des publicités pour des entreprises ou des remerciements adressés aux élus locaux qui les financent.

Comment avez-vous découvert l’existence de ces fêtes traditionnelles ?

Je suis tombée sur cet événement lors d’un appel à projets de l’Alliance Française sur les liens culturels entre la et le Brésil. Le folklore derrière ces fêtes tisse un fil vers la France, via la Chanson de Roland. Sur place, je n’ai pas été déçu ! Je suis arrivé le soir, alors que des centaines de cavaliers galopaient dans les rues. Pirenópolis est située dans l’État de Goiás, un vaste plateau central avec une longue tradition d’élevage, souvent considéré comme le Texas du Brésil. Les habitants y entretiennent une relation très forte avec les chevaux.

➤ Article paru dans le magazine GEO Hors-Série n°123, « Le cheval et nous », d’octobre-novembre 2024.

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