Un faux plafond s’est effondré jeudi 17 octobre au matin dans une salle du collège Roger Martin du Gard, à Epinay-sur-Seine. L’enseignante qui y officiait avait évacué ses élèves deux heures auparavant, après avoir entendu le premier « craquement ».
Ce vendredi 18 octobre, les couloirs du collège Roger Martin du Gard à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) sont bien vides. Non pas que les vacances de la Toussaint aient été déclarées un jour à l’avance, c’est avant tout une mesure de sécurité : un plafond s’est effondré dans une salle de classe la veille. Ce jeudi matin, le premier cours de la journée venait de commencer, comme d’habitude. Sauf qu’un bruit étrange a retenti dans l’une des pièces du premier étage, l’A29, vers 8h40. Un deuxième, bien plus lourd, a résonné deux heures plus tard, à 11h15 : le faux plafond de l’immeuble s’est complètement effondré. Aucun étudiant ou membre du corps professoral n’était à l’intérieur. Les photos prises sur place, relayées par les délégués syndicaux sur les réseaux sociaux, parlent d’elles-mêmes : une structure métallique est tendue à travers la salle, tombée sur les tables et les chaises ; des câbles noirs et un panneau blanc pendent toujours. En arrière-plan subsistent les traits de feutres sur le tableau blanc, traces d’un cours brusquement interrompu.
« Au premier bruit, l’enseignante concernée a immédiatement évacué la salle avec ses élèves et a terminé son cours dans une autre. La salle a été condamnée.raconte Libé un professeur de l’établissement, qui souhaite rester anonyme. Comme beaucoup de ses collègues, il était conscient de la “croquer” dans cette salle pendant la récréation du matin. Puis c’est lors d’une autre conversation entre collègues qu’il apprend l’effondrement. “J’ai fini à 12h30, je suis parti, mais ensuite les professeurs se sont rassemblés pour demander leur droit de retrait.”
Les étudiants ont pu suivre leurs cours à distance pour le reste de la journée. Pendant ce temps, des experts sont dépêchés sur place. Conclusions : l’incident n’a rien à voir avec le mauvais temps. Il s’agit d’un défaut de fixation du faux plafond lors de sa pose en 2022. Une enquête technique est en cours sur les installations de l’entreprise concernée, indique le département de Seine-Saint-Denis, joint ce vendredi par téléphone.
Pendant ce temps, l’étonnement se répand dans les rangs de l’establishment. « Le couloir était sécurisé et interdit d’accès», a fait savoir le chef d’établissement dans un message au personnel, consulté par Libération. Ce vendredi, le “continuité éducative” a été réalisée à distance, raconte l’enseignant avec qui nous avons discuté. Le collège reste ouvert aux quelques étudiants qui souhaitent encore venir, « avec du matériel informatique mis à disposition »détaille le Rectorat à Libération.
« Pendant deux ans, nous avons travaillé sans le savoir avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Heureusement, il n’y avait personne. soupire notre professeur. D’autant que cet incident s’inscrit dans un quotidien marqué par des problèmes récurrents. Il décrit “infiltration d’eau” et le « coupures de courant fréquentes » dans certaines pièces, le « inondations » au rez-de-jardin, un moment “réparé” mais revenu avec le mauvais temps, le chauffage s’est allumé tardivement. Sollicitée, la direction de l’établissement n’a pas répondu.
Vérifications avant la reprise des cours
“Un CHSCT” [comité d’hygiène, de santé et des conditions de travail] sera organisé le lundi 4 novembre″, à la rentrée, toujours selon des messages internes consultés par Libé. “Je ne suis pas serein à l’idée de retourner en classe, poursuit notre professeur. Je ne pense pas que beaucoup de mes collègues le soient. Pour l’instant, nous n’avons pas de projection pour la rentrée : si d’ici là nous n’avons pas de garantie de sécurité, je déposerai mon droit de rétractation.
Avant jeudi, “il n’y a eu aucune alerte” au sujet des faux plafonds, précise le département de Seine-Saint-Denis. La collectivité, chargée de gérer les bâtiments collégiaux sur son territoire, indique que tous les faux plafonds du premier étage de l’établissement sont en cours de dépose et de remplacement. « Un contrôle technique sera effectué dans les salles concernées avant la reprise des cours. Nous avons fixé une règle : aucun étudiant ou personnel ne pénétrera dans une salle qui n’a pas été contrôlée. nous l’assurons. La manière dont les cours seront dispensés à la rentrée, en présentiel ou à distance, sera décidée pendant les vacances en fonction de l’avancement des travaux, précise le Rectorat.
Depuis 2021, le Département précise avoir investi 560 000 euros dans ce collège, soit 100 millions par an dans l’ensemble des établissements de son territoire. Et je m’inquiète pour « restrictions budgétaires demandées par le gouvernement ». L’incident de ce collège d’Epinay-sur-Seine n’est qu’une sévère illustration des problèmes qui affectent tous les bâtiments scolaires du département. « Le même jour, nous avons été informés que deux lattes d’un faux plafond d’un autre lycée, à Stains, tombaient derrière un élève. Nous avons failli avoir un grave accident. » soupire Lucas Marchand, élu CGT pour les formations spécialisées en santé, sécurité et conditions de travail. « On sait que des efforts sont faits par le conseil départemental, il y a un vrai travail qui est fait, mais ce n’est pas suffisant. Nous avons des bâtiments extrêmement dégradés dans toute la Seine-Saint-Denis, avec des bâtiments anciens ou des rénovations mal exécutées. »souligne Zoé Butzbach, co-secrétaire départementale de la CGT Educ’action 93. Cette dernière est également déléguée de l’intersyndicale qui alerte depuis plus d’un an sur l’état des écoles en Seine-Saint-Denis. Elle appelle l’Etat à mettre en place un plan d’urgence spécifique, doté de deux budgets distincts, de 358 millions d’euros au total. L’un pour plus de ressources humaines, l’autre pour les bâtiments.
Dans une enquête réalisée par l’intersyndicale à partir des retours d’expérience des établissements du département, plus de la moitié des collèges ont fait état d’un manque de chauffage, de chaises et de tables, de portes et fenêtres en mauvais état, d’humidité, de moisissures ou encore de fuites dans leurs locaux. locaux. Situation similaire dans les lycées. « On est tout le temps en mode dégradé, déplore encore Lucas Marchand. Pour de nombreux collègues, il est devenu normal d’accueillir des étudiants dans le noir, ou avec l’ordinateur qui ne s’allume pas, des coupures de courant, des stores cassés. Évidemment, lorsqu’un plafond s’effondre, on se réveille, mais c’est surtout la continuation d’une situation catastrophique.