Les futurs avions de lutte contre les incendies seront français

Un manque d’avions bombardiers d’eau

La flotte actuelle de 12 appareils de Canadair montre des signes d’usure importants. Avec un âge moyen supérieur à 25 ans et des coûts de maintenance en constante augmentation, ces appareils nécessitent un contrôle régulier pour rester opérationnels, même si la connaît une pénurie de mécaniciens qualifiés. Avec les changements climatiques et les incendies de plus en plus fréquents et violents, les Canadairs français ne sont plus en mesure de répondre adéquatement aux besoins de sécurité civile. Alors que la demande en capacités d’intervention augmente, la flotte est déjà à sa limite opérationnelle. De plus, la production de nouveaux Canadairs n’est pas prévue avant une décennie et le DASH8 Q400 MR, également utilisé par la sécurité civile, n’est plus fabriqué.

Par conséquent, le renouvellement complet du parc automobile de la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises devient indispensable, avec un calendrier fixé entre 2030 et 2040.

Deux solutions françaises

L’option d’acquérir de nouveaux Canadairs a bien entendu été envisagée. La production est toutefois suspendue par le fabricant De Havilland Canada depuis 2015. Bien qu’une relance de sa chaîne de production ait été annoncée en 2022, les travaux de certification de l’appareil DHC-515 n’ont pas démarré au Canada, après quoi plusieurs années seront nécessaires pour transposition en Europe, et la dimension industrielle semble également au point mort. Il faudra donc attendre au mieux la fin de la décennie avant que de nouveaux appareils soient disponibles. La DGSCGC a donc pris l’initiative de sélectionner deux nouveaux programmes pour remplacer les Canadair : le KE 72 de Kepplair Evolution, déployé depuis les aéroports, ainsi que le amphibie Fregate-00 proposé par Hynaero.

Le KE 72 : « Le gardien de la forêt »

Le KE 72 est un bombardier d’eau multirôle développé par la société française Kepplair Evolution. L’entreprise a pour objectif de transformer l’avion de transport ATR72 en avion spécialisé dans la lutte contre les incendies. Cette dernière devient alors capable de transporter jusqu’à 7 500 litres d’eau, libérés selon deux modes distincts : un débit continu pour créer des barrières retardatrices ou un rejet rapide en 1,2 seconde pour les interventions d’urgence. Outre ses capacités de lutte contre l’incendie, il peut également être utilisé pour des missions de transport de marchandises grâce à une surface de chargement de 75 m³, ou pour des évacuations sanitaires avec la possibilité de transporter jusqu’à six blessés ventilés.

En utilisant un avion fiable, robuste, largement disponible et aux coûts d’exploitation maîtrisés, l’ambition est de pouvoir livrer les premières unités dès 2027. L’avion aura le même domaine de vol que l’ATR-72 et pourra donc voler à basse altitude et faible vitesse, assurant une meilleure précision lors des chutes. Sa vitesse de pointe atteint 590 km/h et son autonomie lui permet d’opérer depuis un large éventail d’aéroports, les « pélicandrômes » d’où il peut être rechargé en eau ou en produits retardateurs, à l’image du Dash8 Q400 aujourd’hui exploité par la Sécurité Civile. Une relance sera possible en moins de 15 minutes, permettant une cadence d’opérations élevée. Enfin, l’appareil consomme 30 % de carburant en moins que ses équivalents, tout en étant compatible avec les carburants aviation durables (SAF). Kepplair annonce ainsi un coût d’exploitation 40% inférieur à celui que connaît aujourd’hui la Sécurité Civile, estimé à 7 808 € par heure de vol mais 18 000 €/hv en feu pour le Canadair ou 7 392 €/hv pour le Dash-8, chiffres tirés d’une étude de 2012. Rapport du Sénat et probablement beaucoup plus élevé aujourd’hui.

En reprenant un avion civil dont les développements se poursuivent, le KE 72 bénéficiera également de lunettes de réalité augmentée, de la caméra Falcon eye lui permettant de fonctionner de nuit, d’une maintenance prédictive utilisant le big data, de simulateurs de vol performants, etc. KE 72, actuellement en phase de conception avec de nombreux partenaires industriels, annonce une seconde levée de fonds peu après les six millions d’euros déjà financés, plus de 10% du budget nécessaire étant ainsi déjà assuré.

Le Frégate-F100 : un hydravion plus performant que le Canadair

Le Frégate-F100, développé par la start-up bordelaise Hynaero, est un avion amphibie d’une capacité d’écopage de 900 mètres (la même que Canadair). Pour le reste, ses compétences seront améliorées : il pourra voler plus vite (460 km/h) mais disposera également d’une capacité de charge utile supérieure à 10 tonnes. Il aura une autonomie de vol supérieure à 4 ou 2,5 heures en fonctionnement aux feux tricolores (jusqu’à 400 km de la base de stationnement).

Conçu avec les dernières technologies, le Fregate-F100 intègre des commandes de vol électriques pour une meilleure précision de pilotage et un affichage tête haute permettant l’intégration des données en temps réel. Il est également prévu d’exploiter le big data à travers le développement d’un jumeau numérique des avions permettant de suivre leur état et leurs performances en temps réel.

Initié il y a un peu plus d’un an, le projet Hyanero a levé un million d’euros et noué plusieurs partenariats industriels, pour un programme dont le montant total atteindrait 1,5 milliard d’euros. Si la start-up ne construit pas l’avion de A à Z, elle se chargera de son assemblage. Soutenue par la région Nouvelle-Aquitaine, mais aussi le gouvernement et la Commission européenne, l’entreprise envisage de s’implanter à proximité de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac.

Un vol d’essai est espéré en 2030, avec une entrée en service souhaitée dès 2031 dans le meilleur des cas, logiquement après le DHC-515 canadien, mais avec l’avantage de proposer une solution souveraine.

Une future flotte souveraine

L’arrivée du KE 72 et du Frégate-F100 permettra à la France, comme à l’Europe, de répondre rapidement aux enjeux des incendies de forêts dont le rythme et l’intensité augmentent chaque année. Ces projets aideront également l’Europe à retrouver sa souveraineté dans ce domaine, alors que les flottes actuelles sont majoritairement composées d’avions nord-américains.

En choisissant des solutions européennes, la France évite les retards à l’importation et les incertitudes liées aux achats. Elle assure également un contrôle direct sur ses capacités opérationnelles et participe aux efforts de réindustrialisation de la France. En effet, comme nous l’évoquions dans notre numéro spécial, la production du DHC-515 s’appuie sur des subventions européennes et permettra la création d’une double chaîne d’assemblage dédiée à la fois au successeur du Canadair, mais aussi à la reprise de la production du le Q400, concurrent direct de l’avion ATR. Ces initiatives pourraient également déboucher sur de nombreux contrats à l’exportation, la pénurie mondiale d’avions bombardiers à eau s’accentuant avec l’obsolescence des flottes et l’augmentation des besoins.

 
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