peut-on encore parler de tout ce qui est en cours ?

peut-on encore parler de tout ce qui est en cours ?
peut-on encore parler de tout ce qui est en cours ?

La Shoah, le conflit israélo-palestinien ou encore la théorie de l’évolution sont-ils devenus des sujets trop dangereux pour les enseignants ? Lorsque la République a rendu hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard, cinq professeurs d’histoire-géographie et de SVT ont témoigné.

Ce lundi 14 octobre quatre ans après l’assassinat de Samuel Paty et un an après celui de Dominique Bernarddes commémorations ont eu lieu dans les collèges et lycées de .

Enseignants tués dans l’exercice de leur fonction : enseigner. L’un pour avoir montré des caricatures en classe, l’autre simplement parce qu’il était enseignant.

Ces événements tragiques soulèvent la question de la liberté d’enseigner. Aujourd’hui, La peur des représailles pousse-t-elle les enseignants à censurer l’enseignement de certaines matières ? discuté en classe ? Non, assurent les cinq professeurs d’histoire-géographie et de SVT rencontrés par l’Etudiant. Au contraire, ils mettent en place des stratégies pour engager davantage le débat avec leurs élèves, notamment sur des thématiques jugées « sensibles ».

Les sujets sensibles actuels, un phénomène pas nouveau

Des étudiants qui refusent de regarder un document d’anatomie à SVT, qui remettent en question les attentats du 11 septembre ou encore les premiers pas de l’Homme sur la Lune ? Un phénomène qui ne semble pas nouveau.

« Quand j’ai commencé à enseigner en 2007, nous avions des modules de formation concernant l’enseignement des matières dites sensibles », se souvient Déborah Caquet, enseignante dans l’Essonne et présidente des Clionautes, une association de professeurs d’histoire-géographie. . “Nous évoquions déjà la difficulté d’aborder la Shoah ou encore la colonisation, thèmes encore aujourd’hui très sensibles.

Même chose pour Julien Samuel, professeur SVT dans un collège du 18e arrondissement de Paris. Selon lui, «il y a toujours eu les mêmes questions lorsqu’il s’agit de reproduction ou même de théorie de l’évolution. Des matières pour lesquelles je remarque que les étudiants remettent en question les faits scientifiques.

Une parole plus libérée

Si les sujets sensibles sont toujours plus ou moins les mêmes, les élèves expriment davantage leurs doutes ou leurs avis à leur sujet. « Ils revendiquent leur désaccord. Je trouve qu’il y a une plus grande liberté d’expression qu’avantt » indique Aude Amilhat, enseignante SVT dans un lycée du 16e arrondissement de Paris (75).

Pour sa collègue, Camille Delavande, professeur d’histoire-géographie, « c’est plutôt positif. Les étudiants s’intéressent davantage au monde qui les entoure.

Une liberté de parole qui ne surprend pas Pascal Mériaux, professeur d’histoire-géographie dans un lycée du 9e arrondissement de Lyon (69). “La classe est le miroir de la société. Lorsque nous abordons des sujets socialement vifs, qui font débat dans la société parce qu’ils sont instables médiatiquement, voire scientifiquement, il est normal que les réactions de nos étudiants soient également instables.

Neutralité et approche scientifique

En revanche, selon lui, les enseignants doivent recentrer leurs cours sur des faits historiques ou scientifiques. « Ce qui est compliqué aujourd’hui avec ces sujets, c’est que la discussion glisse dangereusement vers un domaine qui est celui des valeurs.« Une situation où le dialogue n’est alors plus possible. “Par exemple, nous ne sommes plus dans la compréhension du conflit israélo-palestinien, mais dans des questions morales, sur le plan émotionnel, alors qu’en tant qu’enseignant, nous devons rester dans un univers de raison.”

Nous devons rester neutres, factuels et ne pas tomber dans l’affectprécise Camille Delavande. Les étudiants n’ont pas toujours le contexte historique. En expliquant l’Histoire, on leur montre qu’un conflit, par exemple, n’est pas comme ce qu’on voit sur les réseaux sociaux : tout blanc ou tout noir. Nous devons nous qualifier.

Lorsqu’il aborde des thèmes « sensibles » d’actualité, Julien Samuel porte une attention particulière à rester dans un cadre strictement scientifique. « Durant SVT, notre approche est scientifique et expérimentale. Même chose pour Aude Amilhat : « Sur la reproduction, je ne parle jamais de leur sexualité, mais de la sexualité, ce qui n’est pas la même chose. Parfois, je rappelle la loi pour montrer qu’il y a des croyances et puis des réalités du pays dans lequel nous vivons.

Dans ses cours, Déborah Caquet met ses élèves en situation de travail historique. « Je suis dans un enseignement horizontal où les étudiants travailleront de manière autonome. Travail de recherche documentaire de sorte qu’ils ne sont pas dans la position de simples consommateurs d’un discours, mais dans la position d’un historien qui doit rassembler des documents.

Ouvrir la discussion pour apaiser les tensions

Mais pour les chapitres sujets à débat, il est important de construire un cadre sécurisé pour en discuter en classe. “Nous devons créer des espaces d’enseignement centrés sur le dialogue avec nos étudiants.estime Pascal Mériaux. Aujourd’hui, il n’y a pas assez d’espaces de dialogue et trop de tabous qui conduisent à des silences assourdissants et pleins de tension.»

« Ce qui se passe actuellement, c’est que notre société est de plus en plus fragmentée. Plus personne ne se parle vraiment et surtout plus personne ne s’écoute », déplore Déborah Caquet. Pourtant, « à l’école, il faut lutter contre cette situation. Il faut donner de l’espace à la voix de l’étudiant et le faire s’exprimer. C’est important d’apprendre à débattre et surtout à bien débattre”, soutient un président des Clionautes “admiratif de voir autant de confrères qui, malgré les difficultés, rivalisent d’ingéniosité pour faire vivre notre métier et faire un travail intéressant pour les étudiants”.

L’enseignant reconnaît cependant que « l’assassinat de Samuel Paty a créé des tensions avec un résurgence des défis à notre programme éducatif« . Selon elle, la peur de voir ses propos déformés est bien présente car le cours ne se cantonne plus à la seule salle de classe. “On peut très vite avoir une réaction des familles, voire un mécanisme de harcèlement sur les réseaux sociaux.”

Un risque de distorsion ou de décontextualisation de ce qui se passe en cours, que reconnaît Pascal Mériaux. “Nous faisons alors plus attention à ce que nous disons et à ce que nous faisons, car les choses peuvent mal tourner à tout moment.”

La volonté de ne pas se censurer

Malgré ces craintes, les cinq professeurs réitèrent leur volonté de poursuivre leur travail et surtout de ne pas cesser d’évoquer certaines thématiques d’actualité.

« Il faut pouvoir tout enseigner et surtout, il faut pouvoir aborder tout ! affirme Pascal Mériaux. Il n’y a pas de « censure » mais une réflexion sur la façon dont on aborde un sujet en classe, surtout si ce sujet implique beaucoup de représentations.

« Je ne suis pas libre d’enseigner ce que je veux, nuance Aude Amilhat. Ma liberté est limitée par le programme que je dois suivre. Par contre, je me sens libre dans ma façon de le faire

 
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