il est urgent d’améliorer la qualité des données en écologie

il est urgent d’améliorer la qualité des données en écologie
il est urgent d’améliorer la qualité des données en écologie

Le déclin des insectes soulève des enjeux environnementaux, économiques et sociétaux majeurs, menaçant la biodiversité, perturbant les chaînes alimentaires et impactant des secteurs essentiels comme l’agriculture et la santé. Pour évaluer l’évolution de la biodiversité, les scientifiques s’appuient sur des bases de données écologiques de plus en plus nombreuses. Ces données alimentent des publications scientifiques qui influencent souvent l’opinion publique et les décideurs. Toutefois, la fiabilité des tendances estimées repose avant tout sur la qualité des données. Ces bases de données ne font cependant pas l’objet d’une évaluation systématique et exhaustive.

La fiabilité de la base de données mondiale des données temporelles sur les insectes remise en question

L’étude révèle que la base de données InsectChange contient 553 problèmes répartis en 17 types et 4 catégories principales : erreurs, incohérences, problèmes méthodologiques et déficits d’information.

Publié en 2021 dans la revue Écologiela base de données InsectChange a été créée comme référence pour évaluer les tendances temporelles des populations d’insectes à travers le monde. Elle a notamment été utilisée pour la méta-analyse de van Klink et al., publiée en 2020 dans Science, qui a relancé le débat sur la réalité et l’ampleur du déclin des insectes. Selon cette étude, le déclin des insectes serait moins important qu’on ne le pensait auparavant, les zones de cultures agricoles n’en seraient pas une des causes, et les populations d’insectes d’eau douce auraient même tendance à augmenter. Malgré de nombreuses critiques de la communauté scientifique internationale, seul un erratum mineur a été publié, laissant inchangés les résultats de la méta-analyse, et délivrant au grand public un message rassurant sur l’avenir des insectes.

Une nouvelle étude publiée dans Journal communautaire des pairs identifié plus de 500 problèmes dans la base de données InsectChange. Après une analyse minutieuse des 165 études qui y sont incluses, deux chercheurs du CNRS et d’INRAE ​​démontrent qu’en l’état, cette base de données ne permet pas d’estimer l’évolution des populations d’insectes, ni d’analyser les facteurs anthropiques qui les influencent. . Les problèmes identifiés sont très variés et proviennent parfois d’autres bases de données utilisées dans les publications qui ont alimenté la méta-analyse. S’il s’agit parfois d’une simple erreur de calcul facilement corrigible, elles sont le plus souvent d’ordre méthodologique nécessitant une restructuration complète de la base de données. Ces problèmes incluent les biais d’échantillonnage, les unités de mesure non standardisées, les données expérimentales et les coordonnées géographiques inadéquates pour mesurer l’influence de l’agriculture ou de l’urbanisation à l’aide de données satellitaires sur la couverture terrestre. .

Répartition moyenne et nombre de types de problèmes rencontrés par jeu de données dans la base de données InsectChange : erreurs (bleu), incohérences (jaune-orange), problèmes méthodologiques (vert) et déficits d’information (rouge-violet).

Par exemple, de nombreux ensembles de données sur les environnements d’eau douce incluent tous les invertébrés aquatiques, et les soi-disant augmentations du nombre d’« insectes » correspondent en réalité à des proliférations de moules envahissantes, surestimant ainsi la tendance des insectes aquatiques. doux. Un autre problème concerne la moitié des jeux de données InsectChange qui ne reflètent pas la dynamique des insectes en conditions naturelles, celles-ci étant souvent liées à des facteurs expérimentaux étudiés dans les publications originales mais rarement mentionnés dans InsectChange. Par exemple, les libellules colonisant des étangs expérimentaux créés spécifiquement pour les étudier sont comptées comme des données temporelles d’insectes en conditions naturelles. L’intégration de ces données expérimentales sans mention de leur contexte fausse les résultats, entraînant artificiellement une augmentation des populations d’insectes. De plus, l’utilisation de données non standardisées dans InsectChange exprimées par exemple en g/m², mg/m² ou encore g/échantillon compromet la comparaison des séries temporelles et l’estimation des tendances mondiales des abondances ou biomasses d’insectes. Enfin, une surestimation de la couverture agricole, due entre autres à des données de localisation inexactes, conduit à écarter sans fondement le rôle de l’agriculture parmi les causes possibles du déclin des insectes.

Pour une évaluation systémique des bases de données en écologie

Les chercheurs ont détaillé leurs critiques pour chacune des 165 études qui alimentent InsectChange dans des fichiers supplémentaires, précisant l’origine des erreurs, afin de faciliter leur prise en compte par les auteurs de la base de données et ses futurs utilisateurs. Pour réaliser cette évaluation, ils ont développé une méthode reproductible, qui définit des critères précis et regroupe les problèmes en quatre catégories : erreurs, incohérences, problèmes méthodologiques et manque d’information.

Les chercheurs proposent une méthodologie reproductible pouvant inspirer le développement de grilles d’évaluation systémiques pour garantir la qualité des bases de données.

Au-delà de son utilité pour les utilisateurs potentiels, cette analyse met en avant la nécessité d’une évaluation systémique des bases de données qui se multiplient, notamment en écologie, sans toujours garantir la rigueur et la traçabilité nécessaires. La méthodologie développée pour examiner InsectChange pourrait inspirer le développement d’une grille d’évaluation généralisable. Ces travaux mettent également en garde contre les risques d’une science toujours plus rapide. Elle appelle les revues scientifiques à renforcer leur processus d’évaluation par les pairs et à mieux prendre en compte les commentaires post-publication, afin de préserver la qualité de l’information scientifique diffusée. C’est crucial pour les revues renommées, dont les publications sont largement médiatisées.

Enfin, cette approche inédite met en lumière le rôle fondamental de l’organisation de recherche à but non lucratif Peer Community In. En publiant la revue complète des données d’InsectChange selon une approche scientifique ouverte, avec un processus d’évaluation indépendant et transparent, cette organisation éditoriale contribue à préserver l’intégrité scientifique et la qualité de la recherche.

Abeille (Apidae : Meliponini) sur le pollen d’une fleur de Nepenthes au nord de l’île de Bornéo. Comme de nombreux pollinisateurs, ces abeilles sans dard sont en déclin dans le monde entier en raison de menaces telles que la perte d’habitat, les produits agrochimiques, le changement climatique et l’introduction d’espèces exotiques. © Laurence Gaume / CNRS

POUR ALLER PLUS LOIN

• La recommandation de Massol, 2024 dans Communauté de pairs en écologie
• La méta-analyse de van Klink et al., 2020 dans Science et les lettres électroniques sur cette publication, le commentaire de Desquilbet et al., 2020 et la réponse de van Klink et al., 2020 dans Science
• Le document de données InsectChange de van Klink et al., 2021 dans Écologie
• Le commentaire de Jähnig et al., 2020 et la réponse de van Klink et al., 2020 dans Fils d’eau
• L’article de Duchenne et al., 2022 dans Journal communautaire des pairs

 
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