Malgré l’assèchement du Grand Lac Salé, l’Utah pardonne le climato-scepticisme de Trump

Malgré l’assèchement du Grand Lac Salé, l’Utah pardonne le climato-scepticisme de Trump
Malgré l’assèchement du Grand Lac Salé, l’Utah pardonne le climato-scepticisme de Trump

Depuis son ranch sur la rive nord du Grand Lac Salé, Joel Ferry est aux premières loges face au changement climatique : originaire de l’Utah, l’agriculteur républicain a vu cette immense étendue d’eau rétrécir des deux tiers en 40 ans.

En tant que directeur du département des ressources naturelles de cet État de l’Ouest américain, il sait que l’assèchement du lac est une « bombe nucléaire environnementale », qui menace l’existence de la capitale Salt Lake City et des deux millions de personnes vivant sur ses rives.

Mais il votera sans hésiter pour Donald Trump en novembre, malgré ses débordements climato-sceptiques.

Le milliardaire républicain a eu « de bons résultats économiques » et s’est montré « très ferme sur les valeurs familiales », apprécie ce mormon, reconnaissant à l’ex-président d’avoir donné une majorité conservatrice à la Cour suprême qui a permis de profaner le droit à l’avortement.

Un bilan qui relègue au second plan le fait que M. Trump se moque du changement climatique. Cet été encore, le septuagénaire estimait que la montée des océans qu’il provoque se traduirait simplement par « davantage de propriétés balnéaires ».

“C’est juste une blague, je ne pense pas qu’il pense vraiment ça”, s’excuse M. Ferry.

Une réaction courante dans l’Utah, où les mormons – qui représentent la moitié de la population – restent largement fidèles au Parti républicain, malgré des réserves sur la personnalité de M. Trump. Ici, tous les candidats démocrates à la présidentielle ont échoué depuis 1964.

– Scénario façon « Mad Max » –

La région a pris conscience de sa fragilité en 2022.

Le Grand Lac Salé atteint alors son niveau le plus bas historique, pris entre d’un côté une surconsommation d’eau par le secteur agricole et l’industrie minière, et de l’autre une sécheresse historique qui s’étend sur deux décennies.

“Cela a vraiment alerté les scientifiques, mais aussi tout le monde, sur le risque d’assèchement complet du lac”, a déclaré à l’AFP David Parrott, directeur adjoint de l’Institut du Grand Lac Salé de l’Université de Westminster.

Dans ce scénario « Mad Max », Salt Lake City deviendrait invivable et « il faudrait fuir la ville », résume ce biologiste.

Car le lit du lac, de plus en plus exposé à l’air libre, contient de l’arsenic et des métaux lourds toxiques, qui contaminent l’atmosphère lors des tempêtes de poussière.

Pour éviter cette catastrophe, “il y a eu une mobilisation générale” des Républicains locaux, vante M. Ferry.

Incitations financières pour les agriculteurs à réduire leur consommation d’eau, technologies pour optimiser l’irrigation ou ensemencer les nuages ​​pour qu’il pleuve davantage, travaux pour couper le lac en deux et limiter sa salinité : la majorité conservatrice a lancé « plus d’un milliard de dollars » d’investissements dans trois ans.

Frédéric J. BROWN

Même l’Église mormone a donné l’exemple en renonçant à utiliser des millions de mètres cubes d’eau.

L’Utah “est un excellent exemple d’État très conservateur qui prend des décisions écologiques”, poursuit M. Ferry.

Au niveau national, « l’environnement devrait aussi être une priorité pour les Républicains », estime cet ancien élu local.

– « Problème local » –

Or, le programme de Donald Trump est à mille lieues de cette ambition. Sa victoire en novembre mettrait fin aux espoirs de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C, selon une récente étude de l’organisation Carbon Brief.

Le milliardaire promet un nouveau retrait des États-Unis de l’accord de Paris, signé pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Il insiste également sur sa volonté de « forer » du pétrole « comme un fou ».

“Une présidence Trump serait désastreuse pour l’environnement en général et pour le Grand Lac Salé”, s’alarme M. Parrott.

Le scientifique salue les « efforts herculéens » lancés par les républicains locaux.

Mais il rappelle aussi que chaque dixième de degré supplémentaire renforce la nécessité d’adopter des mesures impopulaires, comme l’augmentation du prix de l’eau ou l’interdiction d’arroser les pelouses.

A Salt Lake City, la plupart des électeurs conservateurs rencontrés par l’AFP s’inquiètent de l’état du lac.

Mais beaucoup, comme Bill Clements, estiment que la Maison Blanche n’a aucune influence sur ce « problème local ».

A 75 ans, ce mormon s’accroche au répit offert par deux hivers anormalement pluvieux, qui ont permis au lac de monter un peu — sans atteindre le niveau minimum nécessaire à sa préservation.

« Beaucoup de ces choses sont naturelles. Ça descend, ça monte, ça descend», veut croire ce retraité. “Je n’ai pas encore rejoint la religion du changement climatique.”

 
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