Face à un déficit public inquiétant, la Cour des comptes suggère de réduire massivement les effectifs des collectivités locales. Une mesure qui a suscité une vive opposition de la part des élus locaux, alors que le gouvernement de Michel Barnier prépare son budget 2025.
C’est une proposition qui fait l’effet d’une bombe au sein des communautés locales. Un rapport de la Cour des comptes préconise la suppression de 100 000 postes dans les collectivités locales d’ici 2030. Cette mesure, aussi choquante que controversée, s’inscrit dans le cadre des efforts de réduction du déficit public, objectif devenu impératif pour le gouvernement de Michel. Barnier, déterminé à réduire le déficit à 5% du PIB d’ici 2025, et en dessous de 3% d’ici 2029.
La Cour des comptes tire la sonnette d’alarme, les dépenses de personnel des collectivités, qui représentent près du quart de leur budget, connaissent une croissance continue. Une situation que les magistrats de la rue Cambon jugent préoccupante, notamment au sein de l’îlot communal, principal moteur de cette hausse. « La maîtrise de cette évolution est une question centrale », prévient le rapport. Pour y répondre, la Cour propose un retour aux effectifs du début des années 2010, une période plus sobre en termes d’embauches et de masse salariale, qui permettrait, selon ses estimations, d’économiser 4,1 milliards d’euros. par an d’ici 2030.
Mais pour les élus locaux, cette solution, perçue comme brutale, est difficile à avaler. David Lisnard, président de l’Association des maires de France (AMF), a réagi fermement dès la publication des conclusions de la Cour. « Les personnels territoriaux ne peuvent être réduits à une question comptable », s’insurge-t-il, dénonçant une approche technocratique déconnectée des réalités du terrain. Car derrière ces chiffres se cachent des agents municipaux, des salariés dévoués, souvent au cœur du fonctionnement des services publics locaux : crèches, écoles, infrastructures sportives, aides sociales… « Supprimer 100 000 postes, c’est affaiblir ces services essentiels, notamment dans les collectivités rurales, » ajoute-t-il, inquiet de voir les maires déjà confrontés à des contraintes budgétaires de plus en plus sévères.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle réduction des effectifs publics est évoquée. En 2017, lors de son premier quinquennat, Emmanuel Macron avait déjà envisagé de supprimer 120 000 postes dans la fonction publique. Un projet resté en partie lettre morte face aux résistances des élus et aux réticences des syndicats. Mais cette fois, l’urgence financière semble plus pressante. La dégradation des finances publiques, exacerbée par les crises successives, pousse le gouvernement à rechercher des leviers d’économies, et la maîtrise des dépenses locales apparaît, aux yeux de la Cour des comptes, comme un axe stratégique essentiel.
Toutefois, cette vision purement économique ne prend pas en compte, selon les élus, la complexité des missions locales. Les mairies sont souvent le dernier bastion contre les inégalités, fournissant des services qui, s’ils étaient démantelés, risqueraient d’accentuer les divisions sociales. « Réduire les effectifs, c’est réduire les services », insiste Lisnard, tout en dénonçant un projet qui, pour lui, ignore la dimension humaine et sociale du service public territorial.
A quelques jours de la présentation du projet de loi de finances 2025, prévue le 10 octobre, le débat promet de s’intensifier. Le gouvernement devra jouer un rôle serré, entre impératifs budgétaires et pressions politiques. Si la Cour des comptes voit dans cette réduction d’effectifs une solution viable pour redresser les comptes publics, les élus locaux y voient un danger pour le réseau des services publics et la cohésion sociale de leurs territoires. La confrontation ne fait que commencer.