« une forme de sadisme », huit ans de prison pour l’ancien légionnaire

« une forme de sadisme », huit ans de prison pour l’ancien légionnaire
Descriptive text here
D

Selon Mariusz Wardzala, tout est « possible ». Rien est certain. “J’étais trop ivre pour m’en souvenir.” » Devant les magistrats chargés de le juger pour des faits de torture et de barbarie, ce jeudi 2 mai à Pau, le Bayonnais a fait preuve de bravade. Caché derrière une barbe épaisse, l’ancien militaire de 48 ans ne veut plus prendre ses responsabilités. “Je pense que je suis innocent.” » Avec un fort accent polonais, il se lance dans une digression sur « ceux qui font des choses sérieuses et ne vont pas en prison ». Une manière de mettre en lumière « l’injustice » dont il s’estime victime.

Le 29 novembre 2021, Mariusz Wardzala a élargi le sourire de Pawel Czyz, 39 ans, à l’aide d’un couteau. Les policiers ont retrouvé ce Polonais dans une cage d’escalier du quartier Habas La Plaine à Bayonne. Cinq blessures le défigurent. Trois vont des commissures des lèvres aux lobes des oreilles. Si profonds qu’ils révèlent les dents. Dans le jargon, un « sourire d’ange ». Le Dr Didier Charrel n’avait jamais vu cela. «La littérature fait état de telles blessures dans les groupes mafieux», précise le médecin légiste. Chez les yakuza, par exemple, où il s’agit de punir celui qui parle ou de soumettre quelqu’un. »

Ouvrir les huîtres

En tout cas, des « lésions destinées à faire mal », dénotant « une forme de sadisme ». «Ils n’auraient pas pu se produire sans une réaction de la victime. » Il aurait dû crier de douleur. “À moins que vous ne soyez profondément inconscient.” » Pawel Czyz avait 2,5 g d’alcool dans le sang. Cannabis et drogues. Il se sentait « comme endormi ». Le cocktail l’a peut-être anesthésié. Peut-être à insu. Pawel Czyz ne recevait aucun traitement. “Je suppose que quelqu’un a mis quelque chose dans mon verre”, a-t-il déclaré aux enquêteurs.


Mariusz Wardzala disposait également d’un fusil « trouvé dans la poubelle », de munitions, d’une machette « pour couper les ronces », d’un hachoir, d’un gilet tactique et d’un couteau de lancer. « Je suis un consommateur. Quand j’aime quelque chose, je l’achète. »

David Le Déodic/SO

Lui aussi ne peut pas retracer le déroulement de la soirée. Les deux hommes se connaissent peu. Mariusz Wardazala lui a offert des meubles, puis l’a invité à partager bières et vins. Deux heures plus tard, lorsque la police est arrivée, une serviette éponge tachée de sang gisait au milieu du salon. Des bouteilles vides jonchent le sol, sous un grand drapeau représentant un aigle aux ailes déployées. L’évier déborde de vaisselle. Un couteau taché de rouge sèche dans l’égouttoir.

L’arme du crime ? « Possible », répond Mariusz Wardzala. « Je l’emmenais parfois en excursion pour ouvrir des huîtres. C’est un petit couteau universel. » En réalité, un poignard commando en titane. Une lame de combat. 23 centimètres, à double tranchant. Un héritage de la Légion étrangère.

Mémoire du feu

Entre 1997 et 2005, le militaire participe à toutes les opérations extérieures. Au Kosovo, au Tchad et en Côte d’Ivoire, il rencontre l’horreur. L’explosion d’une mine le prive d’une oreille. Sa mémoire est criblée de trous. L’odeur des cadavres en décomposition hante toujours ses rêves. Des traumatismes jamais traités. « Je ne supporte plus les cris. Si l’autre ne s’arrête pas, je me mets en colère. J’ai mal à la tête. Je sens une boule gonfler derrière ma tête. Après, j’ai une montée d’adrénaline. J’explose. » Le soir des faits, les voisins ont entendu des voix fortes. Pour l’expert psychologue, « il aurait pu se retrouver dans les mêmes conditions psychologiques que lorsqu’il se battait. C’est instinctif à l’extrême. Tout son être se sent en danger. Sa personnalité l’oblige à attaquer pour se défendre. »

“S’il ne s’ouvre pas, c’est qu’il a peur qu’on le voie comme un monstre.”

Pulsatif, donc irréfléchi. Mariusz Wardzala a-t-il cherché à nier la dignité humaine de Pawel Czyz, comme le suggère la qualification de torture et de barbarie ? « Le message qui lui a été envoyé disait : ‘Si je voulais te tuer, j’aurais pu.’ Il y avait l’envie de le lui rappeler chaque jour », raconte Me Jessica Henric. Son avocat constate également une forme de haine envers cet étranger au chômage. Aujourd’hui, Pawel Czyz ne sort plus. Les regards sont trop insistants. Sous les sourires, il décèle des moqueries. “J’aurais préféré mourir plutôt que de ressembler à ça”, a-t-il déclaré aux enquêteurs.

Barbarie ou violence

« Les coups avaient pour seul but de lui toucher le visage dans toute sa largeur », appuie le procureur. M. Wardzala était certain de laisser des cicatrices visibles à tous. Ce visage peut être amélioré par des thérapies au laser. Mais ce n’est plus celui de M. Czyz. Et ce ne sera plus jamais le sien. » Amandine Boyer requiert quatorze ans de réclusion criminelle. Dans un délai d’un an, la peine maximale prévue par la loi. « Il n’a montré aucune empathie envers la victime et surtout aucun regret. »

Un homme inadapté. Inspiré de la Légion. «Pendant des années, on l’a entraîné à ne rien laisser paraître», se souvient Me Grégoire Barreau. S’il ne s’ouvre pas, c’est qu’il a peur que vous le voyiez comme un monstre. C’est à ça que ça ressemble de s’effondrer. » L’avocat de Mariusz Wardzala décrit un homme perdu « dans la jungle de la vie civile ».

Après huit ans de guerre, chargé de médailles, le voici, chauffeur-livreur. Une carte d’identité française dans votre poche. 48 euros par mois pour la perte de son oreille. Et quand vient la justice, « le prisme déformant de l’aura du légionnaire ». « Ces guerriers un peu mystiques qui portent une légende de voyous. Qui répugnent autant qu’ils fascinent », décrit Me Barreau. Sans ce passé, la situation aurait été différente. Il plaide pour requalifier les faits en violences aggravées, passibles de sept ans d’emprisonnement. « Il est difficile d’expliquer qu’il ait nié la personnalité humaine de M. Czyz. Ce jour-là, ils se retrouvent autour d’un verre et il lui offre des meubles. »

Les juges ne lui ont pas donné raison en maintenant la qualification d’acte de torture et de barbarie. Mariusz Wardzala a été condamné à huit ans de prison.

Au cours de l’enquête, il a fini par dire : « Ces blessures, c’est bien moi. Mais nous sommes très loin de la torture et de la barbarie. Cette personne est vivante, elle vit dans la joie et obtiendra un titre de séjour. C’est juste une égratignure. » Les photos des blessés « ont été retouchées ». Rétréci dans la boîte, le gros soldat peinait à les regarder. « J’espère ne pas être considéré comme un barbare ou une mauvaise personne. »

Deux semaines avant, la hache

Les propos de la victime, retenue au chevet de sa mère en Pologne, ont manqué lors du procès. Pawel Czyz aurait pu expliquer une autre attaque. Deux semaines avant les faits, assis sur le canapé de Mariusz Wardzala, il sentit une chaleur lui monter à la joue. Un peu de sang. Son hôte se tient à proximité, une hache à la main. Le trentenaire affirme avoir pris la fuite. Avant de pardonner. « Une invention », assure Mariusz Wardzala.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV les prix chutent sur les marchés spot et contractuels
NEXT Le jury croira-t-il le menteur en série Michael Cohen ? – .