« comment, avec ce corps vieillissant, partager le poétique, le sensible… »

« comment, avec ce corps vieillissant, partager le poétique, le sensible… »
« comment, avec ce corps vieillissant, partager le poétique, le sensible… »

Avec Beauséjour, du 7 au 9 octobre au théâtre du Cratère, le chorégraphe interroge avec tendresse la collision entre la vitalité du hip-hop et le temps qui passe… La première sera l’occasion d’une soirée événement pour le Cratère avec un programme d’animations à partir de 19h et finir tard avec un DJ set de Tajmahal !

Ce thème de la vieillesse va à l’encontre de la vitalité et de la virtuosité attachées à la danse Hip-Hop. Quand la notion du temps qui passe a-t-elle éclairé ce projet chorégraphique ?

Cette situation s’est accélérée au cours des deux ou trois dernières années. En effet, mon métier m’amène à un rapport au temps assez particulier. On a l’impression que tout va très vite, je l’ai souvent dit. Mais là, les choses se sont vraiment accélérées à l’approche de mes cinquante ans où je me posais un certain nombre de questions. Ce corps changeant, cette danse portée par une jeunesse qui, aujourd’hui, continue d’être portée mais par des corps plus âgés. La question était alors : comment puis-je l’inclure dans mes émissions ? Le partager avec le public ? Que vais-je continuer à raconter avec cette danse ? Comment peut-on continuer à créer avec cette énergie, cette danse issue du hip-hop avec des corps plus âgés ?

Une chorégraphie alliant légèreté et virtuosité.
ML – Julie Cherki

Votre choix est alors de vous maquiller, de transformer vos danseurs plutôt que de faire appel à des artistes plus âgés. Pourquoi ce biais ?

Il y a deux choses. J’aurais pu travailler et intégrer des personnes âgées mais, pour des raisons logistiques, c’était compliqué. J’espère qu’un jour j’aurai l’occasion d’imaginer un spectacle avec des personnes âgées. « Beauséjour » est en quelque sorte une première étape qui va m’amener à travailler différemment. Ensuite le fait de transformer les danseurs est là pour donner une forme de légèreté, de décalage. Pour avoir une approche humoristique, un peu caricaturale si vous préférez… Ensuite, ce qui m’a encouragé dans la démarche de ce projet, ce sont les retours de personnes d’un certain âge qui m’ont dit : “Quand on voit un spectacle comme celui-ci, on a envie de prendre ses responsabilités, de danser, de bouger.” La vieillesse est le chemin de chacun de nous mais comment avoir une approche différente d’un corps qui n’est plus celui de 20 ans. Et comment avec ce corps partager le poétique, la lumière, le sensible… « Beauséjour » émane de tout cela et il y a une forme de simplicité qui nous ramène à un regard avec tendresse.

« Lundi sera notre soirée et ce sera une soirée de folie. Viens!”

« Me retrouver à danser avec 16 artistes de la compagnie Käfig, je trouve ça assez excitant. Lundi sera notre soirée et ce sera une soirée de folie. Viens!” Alors que le spectacle est programmé du 7 au 9 octobre, c’est à partir de lundi, en écho à la première édition de la semaine « Alès agglo scène des mondes », qu’Olivier Lataste, directeur du théâtre du Cratère, donne le feu vert au spectacle. Au programme : à 19 heures, lancement de la semaine et vernissage, au théâtre, de l’exposition par les élèves du collège Jean-Moulin (en présence de Mourad). 19h30 : Pré-show de All’Style dans la salle du cratère (gratuit). 20h30 : Beauséjour de Mourad Merzouki et enfin en fin de show DJ set dans la salle par Dj Tajmahal (gratuit).

Charlie Chaplin est l’un des personnages inspirants de votre quête artistique. Trouvons-nous ici une trace de son influence ?

Oui, définitivement. Ce que j’admire dans le travail de cet artiste, c’est qu’il a déjà quelque chose d’intemporel. Et c’est un touche-à-tout. Il n’y a pas de frontières dans son approche musicale, chorégraphique, thématique. Tout cela influence mon travail car j’ai à cœur de travailler cette transversalité des disciplines. Et puis aussi toucher le public le plus large possible. C’est ce que l’on retrouve dans les films de Chaplin. Il s’adresse à tout le monde. C’est vraiment une Source d’inspiration.

La transversalité des disciplines que vous évoquez se nourrit du fait que vous n’êtes pas allé au conservatoire mais avez grandi au contact de multiples univers : le cirque, le hip-hop ou encore les arts martiaux ?

Aujourd’hui, je vois cela comme un atout, une opportunité. Cela n’a pas été facile, c’est sûr. Mais si c’était à refaire, je le referais. Parce que ça m’a amené à avoir cette approche d’autodidacte, de curiosité et puis de liberté aussi… Ça n’a pas toujours été facile mais c’est aussi le pays dans lequel j’ai grandi avec cette façon de pouvoir réussir j’ai fait de cette approche esthétique un atout . Finalement, n’ayant aucun lien avec un conservatoire ou une école, le hip-hop a dû s’écrire, s’inventer. Nous étions devant une page blanche qui m’a amené à essayer de créer des liens pour me construire et concevoir quelque chose d’unique à mon image et à l’image de notre pays d’une certaine manière.

A 50 ans, j’ai encore le sentiment que cette culture m’incite à apporter du beau et de la positivité, à inventer et à créer du lien entre les générations.

Le hip-hop porte-t-il encore cet instinct de dénonciation et de production de sens ?

Oui. Il existe donc de nombreuses façons de procéder. Dans les battles, il y a toujours cette spontanéité, cette urgence et dans les créations, les spectacles, il y a une approche peut-être plus artistique, plus mature 30 à 40 ans après. Mais il y a toujours cette démarche sociétale, cette envie de s’exprimer et de créer du lien avec les autres. Quoi qu’il en soit, exister est l’ADN du hip-hop, et ce dans une société qui n’est pas toujours facile. A 50 ans, j’ai encore le sentiment que cette culture m’incite à apporter du beau et de la positivité, à inventer et à créer du lien entre les générations.

Cette culture considérée comme non essentielle pendant le covid, subissant des coupes budgétaires, pourquoi faut-il la défendre ?

La place de la culture est vitale pour une société. Je vois clairement les bénéfices que cela apporte aux jeunes et au public en général. Nous partageons des émotions communes à travers la culture. Malgré nos différences, d’âge, d’origine, d’histoire… Elle rassemble, nous rassemble, nous permet de réfléchir, de mieux comprendre nos sociétés. On s’inquiète quand on voit la situation politique et géopolitique, on se pose beaucoup de questions sur l’avenir de la culture. On entend dire qu’elle serait en première ligne en cas de compression budgétaire et ce n’est pas rassurant. Alors que c’est un investissement pour nos sociétés. Nous, les artistes, devons continuer à nous battre et à nous rappeler son importance. C’est ce que je fais pour deux raisons : l’une qui concerne tout le monde et l’autre qui concerne les jeunes des quartiers populaires qui n’ont pas forcément un accès immédiat au monde de la culture. C’est un vrai défi, un combat, une vraie problématique que je vis au quotidien dans mon travail.

 
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