« J’ai vu arriver des vagues, plus hautes qu’un camion »

« J’ai vu arriver des vagues, plus hautes qu’un camion »
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Samuel Njoroge a échappé de peu au désastre. Cet habitant de Ngeya se souvient avoir été réveillé par « un bruit énorme, comme un tremblement de terre « . Dans la nuit du dimanche 28 avril au lundi 29 avril, ce village, situé à proximité de la ville de Mai Mahiu, à une soixantaine de kilomètres de Nairobi, a vu un puissant écoulement d’eau. Au moins quarante-six personnes ont perdu la vie, une centaine ont été secourues et soixante-seize sont portées disparues, selon les derniers bilans officiels. Dans le village, il ne reste que des pierres et une vaste étendue de boue là où se trouvaient autrefois les maisons. Au bord d’un chemin, une vache décédée gît dans les buissons. Plus loin, une voiture a été projetée contre un arbre.

Ngeya était situé en contrebas d’une colline. A son sommet, un tunnel, obstrué par les débris d’un précédent glissement, avait constitué au fil du temps un réservoir d’eau. En raison des fortes pluies de ces derniers jours, ses contreforts en terre ont cédé. L’eau s’est déversée sur les maisons en contrebas, emportant tout sur son passage.

Bottes en caoutchouc aux pieds, Samuel Njoroge a tenté, avec sa moto, de venir en aide à ceux qui tentaient de fuir les eaux. Les secours sont arrivés depuis mais cet habitant reste sous le choc des nombreux corps retrouvés. Il dénonce la négligence des autorités qui ont laissé l’eau s’accumuler. Il aurait surtout fallu selon lui aider les habitants à évacuer.

Des bus, des poules et des chèvres emportés par les eaux

Depuis, la Croix- kenyane poursuit ses recherches. ” Nous utilisons des drones et des images satellite pour essayer de comprendre où se trouvaient les maisons » explique Joe Mbalu, secrétaire général adjoint de l’association. « Comme les routes sont encore inondées, nous ne pouvons pas utiliser d’équipement mécanique, c’est donc un travail manuel, très laborieux, nous avons des individus qui marchent avec des bâtons pour fouiller les débris. » L’ONG a installé un bureau supplémentaire dans une école voisine. Plusieurs personnes font la queue pour tenter d’avoir des nouvelles de leurs proches.

Abritée sous un auvent, Veronica Muthoni attend avec son père. Elle est venue signaler la disparition de son frère âgé de neuf ans. ” Nous sommes allés dans tous les hôpitaux, sans succès, explique la jeune fille de dix-sept ans. Nous venons de recevoir un message nous informant qu’il était mort et qu’il avait été transporté à la morgue. » Veronica se sent traumatisée par la nuit qu’elle vient de passer. ” J’ai été emporté par l’eau mais j’ai réussi à m’accrocher à un arbre » se souvient Veronica Muthoni, venue avec son père trouver refuge dans cette école transformée en dortoir. Les matelas arrivent, des bols de riz et de haricots rouges sont distribués.

Assis sur une chaise en plastique, Clément Utashiri tente d’avaler quelque chose. Les larmes coulent alors qu’il raconte sa nuit d’horreur : « Les cris des voisins m’ont réveillé, j’ai ouvert la porte et j’ai vu des vagues arriver, plus hautes qu’un camion. Nous ne pouvions pas sortir alors, avec mon frère et ma mère, nous sommes montés sur le toit d’où nous avons été secourus. De là, nous avons vu, impuissants, un bus emporté par l’eau, des voisins appelant à l’aide, mes poules et mes chèvres emportées. » A côté, David Warura ne cache pas non plus son émotion. Il a réussi à sauver ses six enfants mais a perdu sa femme.

169 morts sous les pluies depuis mars

Cette dernière tragédie à Ngeya porte à plus de cent soixante-neuf le bilan de la saison des pluies qui a débuté en mars au Kenya. Les précipitations sont aggravées par le phénomène climatique El Nino qui provoque de très fortes précipitations en Afrique de l’Est. La semaine dernière, un bidonville de Nairobi s’est également retrouvé sous l’eau. Plus de 180 000 personnes ont été déplacées à travers le pays.

En Tanzanie voisine, au moins cent cinquante-cinq personnes ont perdu la vie à cause d’inondations ou de glissements de terrain. Alors que les autorités s’attendent à ce que les pluies continuent, les survivants de Ngeya s’inquiètent : où iront-ils lorsque les écoles rouvriront ? De quoi vivront-ils lorsque leur potager et leur bétail auront été emportés ?

 
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