Combien faut-il gagner pour ne pas être pauvre ? – .

Roule-t-on dans l’or dès qu’on possède une maison, un chalet, une voiture ? Un parent peut-il être qualifié de démuni s’il achète des livres et assiste aux concours de ses enfants ? La pauvreté, comme la richesse, sont des concepts éminemment subjectifs et relatifs.


Publié à 1h31

Mis à jour à 6h30

Encore faut-il se donner des lignes directrices pour savoir de qui on parle exactement lorsqu’il s’agit de pauvres et de riches.

Chaque année, l’Institut de recherche et d’information socio-économiques (IRIS) mesure le montant nécessaire pour vivre décemment, ce qu’il appelle un revenu viable. La crédibilité d’un tel exercice repose évidemment sur sa méthodologie, elle aussi revue. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est la partie la plus intéressante, car elle nous oblige à réfléchir à ce qui constitue une dépense normale pour un Québécois en 2024.

Bien sûr, certains diront que les montants sont trop faibles, qu’ils ne laissent aucune marge de manœuvre en cas de problème. D’autres jugeront au contraire que certains postes budgétaires pourraient être encore resserrés, qu’il y a toujours moyen de tout réduire. Notre apparence en dit long sur notre vision du monde, nos préjugés, nos expériences.

Les chiffres révélés ce lundi par IRIS concernent sept localités du Québec et trois types de ménages. Pour mettre les choses en perspective, vous pouvez les comparer avec votre propre revenu disponible. L’information est obtenue en 20 secondes avec l’outil en ligne⁠1 du Ministère des Finances.

Commençons par le type de ménage le plus répandu au Québec, celui composé de… une seule personne. Ils sont 1,3 million, ce qui équivaut à 35 % de l’ensemble des ménages, une proportion en constante augmentation.

Pour sortir seul de la pauvreté à Montréal, il faut maintenant un revenu disponible de 38 000 $, soit 19,3 % de plus que l’an dernier. La forte hausse des prix du logement et de la nourriture en est la cause. Cela correspond à un salaire brut de 48 000 $ (26 $ de l’heure) en tenant compte des crédits d’impôt pour solidarité et de la TPS.

C’est à Trois-Rivières que le coût de la vie est le plus bas. Avec 31 000 $, vous pourrez subvenir à vos besoins essentiels et avoir un minimum de vie sociale et culturelle. Ce revenu équivaut à un salaire brut de 37 000 $ (20 $ de l’heure).

Sept-Îles se situe à l’autre bout du spectre avec un revenu viable de près de 44 000 $ (33 $ l’heure brut). Ce montant plus élevé s’explique principalement par la nécessité de disposer d’un véhicule. L’offre de transports en commun n’est pas « fonctionnelle », selon l’IRIS, qui est crédible.

Le service TaxiBus est disponible uniquement en semaine, sur réservation. Il ne peut pas répondre aux besoins de tous les travailleurs. Une somme est également allouée pour les longs déplacements hors région, parfois nécessaires pour consulter un médecin spécialiste ou participer à un événement culturel ou sportif. Cette réalité a tendance à nous échapper lorsque l’on vit dans un grand centre.

Dans d’autres villes, le budget pour une vie « simple et décente » prend en compte le coût des transports en commun, qui s’élève à environ 1 100 dollars par an. Un montant a été ajouté pour un trajet mensuel en taxi, ce qui est très raisonnable.

Pour une famille de quatre personnes, dont deux enfants d’âge préscolaire, le revenu viable moyen dans la province avoisine les 79 000 $.

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Si les deux membres du couple gagnent chacun 45 000 $, on peut donc dire qu’ils ont la tête hors de l’eau. Cependant, de nombreux compromis seront nécessaires, notamment à l’épicerie. S’il y a un poste budgétaire qui peut facilement passer du simple au double, c’est bien la nourriture. Déterminer ce qui est nécessaire, raisonnable et superflu n’est pas chose aisée.

Dans ses éditions précédentes, l’IRIS utilisait comme référence un panier d’épicerie qui répond uniquement aux besoins nutritionnels, celui d’Alima. coût suppose que tous les repas sont préparés à la maison et qu’aucun aliment non nutritif tel que le pop-corn n’est consommé. Ce panier ne correspond plus à l’idée de « sortir de la pauvreté », mentionne la chercheuse Eve-Lyne Couturier. Il manque également de variété alors même que les enfants en ont besoin pour leur développement.

Elle s’est donc tournée vers une nouvelle base de données, en plus de réaliser des enquêtes de prix dans chaque ville. Le coût du panier a ainsi bondi de 2 000 $ pour les familles montréalaises et de 800 $ pour les personnes seules.

Le parent qui vit avec son enfant d’âge préscolaire dans un appartement de deux chambres aura besoin, en moyenne, de 50 000 $ en poches… soit un salaire de 50 000 $. Oui, les impôts sont intégralement restitués sous forme d’allocations familiales et de crédits.

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La question du transport est particulièrement intéressante pour ce type de foyer.

IRIS a utilisé Google Maps pour déterminer, à l’aide d’une centaine de simulations, s’il était possible pour un parent du Saguenay de quitter le bureau à 17 heures, d’aller à la garderie et de rentrer chez lui à 18 heures… tout cela en transport en commun.

La réponse est non dans 65 % des cas. Je m’attendais à pire. Même si vous habitez à moins de 10 kilomètres des bureaux de La presse, je n’ai quasiment jamais réussi, avec le métro, le bus, mes jambes et une poussette, à réaliser ce type de parcours en moins d’une heure. Qui veut récupérer son enfant de 2 ans à 17h56 ? Bref, au Saguenay, les parents seuls ont besoin d’une voiture.

Évidemment, en pleine crise du logement, la question des loyers était cruciale. En scrutant Kijiji, IRIS a constaté que les prix des logements sur le marché n’ont rien à voir avec les prix moyens établis par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Cela comprend aussi bien les logements occupés par le même locataire depuis 10 ans que ceux actuellement sur le marché.

Les données de la SCHL «sous-estiment largement ce que paient les familles avec de jeunes enfants», qui, «dans la majorité des cas», n’habitent pas à la même adresse depuis des lustres, constate Eve-Lyne Couturier. Un déménagement, a-t-elle calculé, peut augmenter le coût du logement jusqu’à 25 %.

Un forfait couvre d’autres nécessités comme les lunettes, le dentiste, les appels téléphoniques. Ce montant permet également de financer certaines activités sociales, des livres, des vacances modestes et des tournois de football pour enfants.

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Bref, l’exercice montre qu’il faut entre 6 et 19,3 % d’argent en plus que l’année dernière pour vivre décemment. Ce n’est pas pour rien que l’anxiété financière augmente, tout comme le recours aux banques alimentaires.

1. Consultez l’outil québécois pour découvrir votre revenu disponible

Consultez le rapport IRIS

 
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