A Audierne, l’histoire d’amour de Jeanne pour sa caserne

Comme c’est drôle de voir que parfois nous utilisons le mot maison à la légère. Comme dans l’expression : « se sentir comme chez soi ». Au fond, qu’entend-on par là ? Est-ce l’endroit où nous sommes nés ? De celui où nous avons grandi ? Ou est-ce celui qui a été construit plus tard, au fil des années ?

A Audierne, Jeanne Cloarec a mis plusieurs années à trouver sa maison, cette coquille qui, loin d’être une simple demeure, nous protège des afflictions du monde. Pendant longtemps, la Finistérienne a pensé qu’il s’agissait du « ti forn » où elle est née, en 1944, sur la commune d’Esquibien. Une petite boulangerie sur un sol en terre battue.

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Après la guerre, deux types de casernes sont construits : les casernes américaines, plutôt grandes et confortables, et les casernes françaises, plus petites et rudimentaires. C’est dans l’une de ces dernières qu’habite Jeanne Cloarec. (Le télégramme/Laura Ayad)

« C’est là que j’ai vécu les douze premières années de ma vie », se souvient Jeanne. Ma mère allait à l’usine tous les jours et mon père allait à la pêche. Il n’y avait ni eau ni électricité, mais cela n’avait pas d’importance. La nuit, on pouvait entendre le responsable de la construction de la digue crier après les ouvriers. Et en journée, nous avions une superbe vue sur la rade de Sainte-Evette. » Reste qu’en 1956, la petite famille s’installe dans une maison à Audierne où Jean-Marie, le père de Jeanne, est nommé gardien. La maison est grande, située à proximité de la plage de Trescadec et reliée à l’eau et à l’électricité. Mais la famille n’y verra jamais de maison. Comme l’explique Jeanne : « Nous ne nous sentions pas chez nous. Les propriétaires de la maison pouvaient venir à tout moment. Mon père, en particulier, n’aimait pas cet endroit. Il a dit qu’il était né à Esquibien et qu’il ne voulait pas mourir à Audierne.

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Au fil des années, Jeanne Cloarec a amélioré le confort de sa caserne. Récemment, elle y a par exemple installé un poêle à granulés. mari a également fait construire une salle de bain… Inutilisable l’hiver : « Il fait beaucoup trop froid ! explique le retraité. Je préfère utiliser une grande bassine et me laver dans la cuisine. (Le télégramme/Laura Ayad)

Une cabane au Cap-Sizun

Un jour, en 1964, la famille Cloarec entend parler de la « caserne de Brest ». C’est un voisin qui leur explique qu’il s’agit de maisons préfabriquées construites après la destruction de la ville pendant la guerre. S’en procurer ne coûte pas très cher : seulement 60’000 francs. Chez les Cloarecs, l’information ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Ils ont rapidement demandé au maire adjoint d’Esquibien, Jean Perrot, de se procurer une de ces petites maisons. « Il nous a prévenu que c’était petit et pas très confortable, avec seulement deux chambres et une petite cuisine. Mais mon père s’en fichait : pour lui, l’important était d’être propriétaire de sa maison. »

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Légèrement plus grande qu’une petite maison, la maison de Jeanne se composait initialement de deux chambres et d’une cuisine-salle à manger. Le garage et la salle de bain ont été construits plus tard par son mari. (Le télégramme/Laura Ayad)

Mes enfants me disent régulièrement qu’ils aimeraient que j’aille en maison de retraite. Mais je préfère mourir plutôt que de quitter ma caserne.

“C’était peut-être une cabane, mais c’était la nôtre”

Un dimanche de 1964, la caserne Cloarec arrive au Cap-Sizun. Elle est située sur un terrain appartenant à la famille, sur les hauteurs de Sainte-Evette. Jeanne et ses parents doivent alors se réhabituer à un mode de vie rudimentaire. « Au début, c’était très mal isolé », raconte Jeanne. Le toit était recouvert de papier goudronné, donc quand il y avait une tempête, on pouvait tout entendre. Et puis, il n’y avait ni lavabo ni salle de bain : il fallait aller chercher l’eau à la fontaine. En hiver, il faisait si froid qu’une couche de glace se déposait sur le café. » Autant de contraintes qui, aux yeux de Jeanne et de sa famille, n’ont pas d’importance. « C’était peut-être une cabane, mais c’était la nôtre. »

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« L’été c’est bien, tout est ouvert et on n’est pas loin de la plage. Mais en hiver, ce n’est pas pareil », raconte Jeanne. (Le télégramme/Laura Ayad)

De l’espace de vie à la maison

Après son mariage, Jeanne a continué à vivre quelque temps dans la maison de ses parents, même après la naissance de ses quatre enfants. La mort de ses parents marque cependant un tournant, et Jeanne finit par quitter sa caserne pour une maison plus confortable, construite par son mari. Mais cela ne le quittera jamais de l’esprit : « En 1987, quand il y a eu l’ouragan, j’ai eu la peur de ma vie. Toute la nuit, j’ai pensé à ma petite cabane. Le matin, je me précipitais sur ma mobylette. J’ai eu les larmes aux yeux quand je l’ai vue : elle était debout.

Il y a quelques années, Jeanne est retournée vivre seule dans sa petite maison préfabriquée. Des logements conçus pour être temporaires mais qui ont résisté à l’épreuve du temps. Et que Jeanne considère sa maison, la vraie. « Mes enfants me disent régulièrement qu’ils aimeraient que j’aille en maison de retraite. Mais je préfère mourir plutôt que de quitter ma caserne. C’est vrai que dans mon autre logement, il y avait plus de confort. Mais ici, il y a les souvenirs. Et c’est pour ça que c’est ma maison. »

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Comme aime à le dire Jeanne, sa maison, « c’est du provisoire qui dure ! » » (Le Télégramme/Laura Ayad)
 
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