L’autre grand film de Michael Cimino sur le traumatisme du Vietnam

L’autre grand film de Michael Cimino sur le traumatisme du Vietnam
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Après l’échec de « Heaven’s Gate » en 1980, le cinéaste tente de se remettre en selle, avec un film co-écrit par Oliver Stone. Ce grand thriller de Chinatown, lui aussi reçu froidement, répond en grande partie à « Voyage au bout de l’enfer ».

Dans « L’année du dragon », Stanley White (Mickey Rourke), un policier traumatisé par le Vietnam, tente de nettoyer Chinatown du crime organisé. Photo Société Dino De Laurentiis – Met/MGM

Par Augustin Pietron-Locatelli

Publié le 28 avril 2024 à 20h00

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PASNous sommes en 1982 et le grand Michael Cimino se remet d’un triple échec avec son non moins immense La porte du Paradis. Personnel, d’abord, puisque le cinéaste est apparu plus que jamais comme un tyran sur ce tournage (où il a abusé des « cartes blanches » artistiques) ; économique, car il atomise un budget en principe illimité sans que le box-office ne lui emboîte le pas ; et justement, le public et la critique : à sa sortie, peu de gens s’intéressaient à son magnum opus.

Son prochain film sera donc une adaptation, non plus un scénario inédit : moins risqué. Avec Oliver Stone (alors scénariste prometteur depuis Minuit Express), ils adaptent un roman de Robert Daley, sur le crime organisé et le trafic d’héroïne dans le quartier chinois. Les deux hommes imaginent un scénario qui répond bien plus à Voyage au bout de l’enfer (1978) que le film précédent.

De Oliver Stone dans le texte

L'expérience d'Oliver Stone, vétéran du Vietnam, inspire largement le scénario.

L'expérience d'Oliver Stone, vétéran du Vietnam, inspire largement le scénario.

L’expérience d’Oliver Stone, vétéran du Vietnam, inspire largement le scénario. Photo Société Dino De Laurentiis – Met/MGM

Cimino n’a rien à voir avec l’œuvre de Robert Daley. Le réalisateur s’intéresse bien plus à l’expérience d’Oliver Stone, un jeune vétéran du Vietnam qui fait de cette expérience une de ses obsessions créatives. Les deux hommes, qui ont déjà travaillé ensemble sur une première version abandonnée du scénario de Né le 4 juillet, faire un arrangement. Stone participera pour pas trop d’argent à l’écriture de L’année du dragon et Cimino aidera à financer Section – en effet, Stone a réalisé son film de guerre en 1986, mais sans l’aide de Cimino et de son producteur Dino de Laurentiis.

Dans L’année du dragon, le protagoniste, Stanley White, est un vétéran avant d’être policier. Il veut faire le ménage dans Chinatown et revisite chaque enquête à travers le prisme de son traumatisme, sans manquer de confronter tout le monde ; les supérieurs ont compris quand ils ne le soutiennent pas dans sa croisade anti-triade : C’est à nouveau le Vietnam, personne ne veut gagner ce combat, n’est-ce pas ? »

L’anti-« Voyage au bout de l’enfer »

Mickey Rourke livre l'une de ses meilleures performances dans le rôle de Stanley White.

Mickey Rourke livre l'une de ses meilleures performances dans le rôle de Stanley White.

Mickey Rourke livre l’une de ses meilleures performances dans le rôle de Stanley White. MGM

Voyage au bout de l’enfer (1978), La porte du Paradis (1980) et L’année du dragon (1985) : Cimino voit ces films comme une trilogie qu’il aurait tourné dans le désordre. Logique donc que ce troisième long métrage réponde plutôt au one shot premier, tout en en étant le négatif. Voyage au bout de l’enfer était un sublime film de groupe (trois garçons et Meryl Streep), où les protagonistes partent au Vietnam. L’année du dragon appartient à Mickey Rourke (dans l’une de ses meilleures performances avec James rouillé) : Stanley White est déjà revenu de l’enfer, tout seul. Il ne reste qu’une colère et une obsession : rendre justice à tout prix. Il déteste ce que l’opinion publique des années 1980 pense du conflit, mais aussi les institutions et la presse. Il mène sa guerre seul, confondant les rues de Chinatown avec la jungle.

La brillante ironie de Cimino

Chinatown est reproduit à l’identique… en studio.

Chinatown est reproduit à l’identique… en studio.

Chinatown est reproduit à l’identique… en studio. Photo Société Dino De Laurentiis – Met/MGM

Si la plus grande étape de Voyage au bout de l’enfer, celui de la roulette russe, reste un fantasme cinématographique peu adossé à la réalité historique, Cimino tente au contraire de reproduire le plus fidèlement possible un quartier chinois de studio. Rues, décorum et inscriptions sur les boutiques : tout est reproduit à l’identique. Plusieurs dialogues en mandarin ou en cantonais ne sont pas sous-titrés. Cependant, dès sa sortie, une partie du public a accueilli le film comme étant raciste et plein de stéréotypes. Stanley White (le bien nommé !) est en effet raciste (et sexiste).

Mais à travers la mise en scène, le réalisateur met à mal ce personnage qui croit avoir le dessus alors que ce n’est pas le cas – notamment lors de la première scène avec le journaliste, qui lui raconte ses quatre vérités. Cimino et Stone savent « où ils parlent » et déploient leur nébuleuse ironie. Trop engagé, ce dernier ne passe pas toujours le test des coupe finale, comme cette réplique de Stan, scène 127 du scénario, remplacée dans le montage final par une tournure plus mièvre. Quand on se bat trop longtemps contre un ennemi, on finit par l’épouser. »

r L’année du dragon, ce soir sur Arte à 21h

 
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