« J’ai moins peur de l’extrême droite que des partis démocrates qui adoptent son langage et ses positions » – .

« J’ai moins peur de l’extrême droite que des partis démocrates qui adoptent son langage et ses positions » – .
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Qu’est-ce qui, dans l’évolution de l’Union européenne, est allé plus loin que vous auriez pu l’imaginer ou même l’espérer ?

Je dirais le Green Deal et la réponse à la guerre à grande échelle en Ukraine. Car franchement, je n’aurais jamais pensé qu’on irait aussi loin dans la remise en cause du mercantilisme allemand. Cependant, il a fallu une Allemande à la tête de la Commission pour y parvenir. Déjà en 2009, nous avons fait campagne sur le Green Deal, puis nous avons eu Barroso II et Juncker à la tête de la Commission, qui ont été des années de stagnation et d’impuissance pour l’Union. C’était une Europe qui regardait passer les trains.

Et inversement, dans quels domaines l’UE a-t-elle fait moins de progrès que vous ne le pensiez ?

Asile et migration. Lors de la législature 2014-2019, on avait trouvé une majorité au Parlement européen de cinq groupes politiques sur le paquet asile-immigration pour revoir les règles de Dublin (relatives à l’asile, NDLR), à un moment où le Conseil était complètement bloqué. Au Parlement européen, nous avions trouvé un point d’équilibre qui allait des conservateurs du PPE à la gauche. Et maintenant, nous sommes sur un programme d’extrême droite.

« L’enjeu des élections européennes est l’avenir du Green Deal », prévient Philippe Lamberts

La montée de l’extrême droite en Europe est-elle inévitable ?

Ce n’est pas tant l’extrême droite qui me fait peur que les partis démocrates qui adoptent le langage et les positions de l’extrême droite. On entend la Première ministre socialiste danoise Frederikssen, elle plaide la solution « rwandaise » (externalisation de la politique d’asile, NDLR). C’est également dans le manifeste du PPE. En France, Macron a fait adopter une loi sur l’asile et l’immigration qui instaure la préférence nationale – heureusement réfutée par la Cour constitutionnelle. Ces gens continuent envers et contre tout à nier les leçons de l’histoire qui montrent que lorsqu’on utilise le langage narratif de l’autre, on le valide .

Le risque d’une montée de l’extrême droite dans les institutions européennes est-il un démantèlement de l’UE ou un changement politique du projet et de ses valeurs ?

Aujourd’hui l’extrême droite ne prône plus la déconstruction européenne, mais quand on lit ses programmes, cela reste l’idée.

L’Union européenne est-elle trop importante pour échouer ou ne peut-on pas exclure qu’elle s’effondre un jour ?

Je ne crois pas qu’il y aura un mécanisme politique par lequel les gens annuleront les traités de l’Union. S’il y a un effondrement, ce sera comme une grande construction dont on constatera, après des changements imperceptibles, qu’elle n’est plus saine. Qu’on ne construit plus, qu’on a arrêté d’entretenir tout ça, et puis à un moment, il y a un tronçon qui tombe et puis un autre. Ce sera une coquille vide. Il y aura encore des Conseils européens pendant très longtemps. Est-ce que ça fera quelque chose ?

Le Parlement européen est-il plus ou moins fort dans le processus décisionnel qu’à votre arrivée ?

C’est la même chose. Quand il y a des combattants au Parlement, ils obtiennent des victoires. Pas quand nous avons des béni-oui-oui. Le trilogue (négociation entre le Parlement, le Conseil et la Commission) sur les règles budgétaires a été colossal. Le ministre Van Peteghem (de la présidence belge du Conseil, NDLR) nous a dit qu’il avait été très difficile de trouver un accord entre les Vingt-Sept, pour qu’il ne faut toucher à rien parce que le bâtiment est fragile, mais qu’il était prêt à négocier. « Négocier quoi, la numérotation des articles du texte ?, Je lui ai demandé. Si j’avais été rapporteur du Parlement sur ce sujet, j’aurais dit « Monsieur, je rentre à la maison. Tu me rappelles quand tu veux négocier”. Mais évidemment, quand on a deux rapporteurs du Parlement européen dont la principale ligne rouge est un accord à tout prix…

De quelle action au Parlement européen êtes-vous le plus fier ?

A terme, c’est avoir incarné, je crois, en tant que président une alternative verte à la fois fondamentalement crédible et souhaitable. Même si les gens ne sont pas d’accord avec moi, ils veulent quand même faire affaire avec moi. Mon autre fierté est l’organisation de la Beyond Growth Conference. Amener véritablement les idées d’un changement de paradigme économique au cœur des institutions européennes et de manière œcuménique avec le monde politique.

L’Europe est appelée à imaginer l’avenir au-delà de la croissance

Et votre plus grand regret ?

Le fait qu’il a fallu attendre mes dix premières années ici pour que les gens parlent du Green Deal. Je ne sais pas si on peut encore parler de transition car les changements vont être assez brutaux. Le rapport du Club de Rome (sur les dangers d’une croissance effrénée pour l’environnement et l’humanité, ndlr) date de 1972. Et nous n’avons rien fait. Je pense à la métaphore de l’étudiant qui a 4 heures pour son examen et pendant 3 heures et demie il observe les oiseaux dehors. Et puis, à une demi-heure de la fin, demande plus de temps. Ce ne sont pas seulement les décisions que nous prenons qui comptent, mais aussi le moment où nous les prenons. Tout ce que nous avons fait sur le Green Deal, sur la dette commune, aurait pu être fait il y a dix ans. Mais bon, nous en sommes là.

 
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