l’idée ne plaît pas à tous les Italiens

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Venise (Italie), reportage

“ J’ai réussi à m’inscrire mais c’est bloqué lors du paiement », soupire Ségolène Morel, ambulancière de 34 ans, en tapotant sur son smartphone. À son arrivée à Venise, vendredi 26 avril, la Bretonne n’a pas pu échapper aux soixante-dix contrôleurs en gilets fluo postés aux principales entrées du centre historique. Depuis la veille, entre 8h30 et 16h, il est impossible d’y accéder sans présenter un QR codé. Coût du billet : cinq euros. Les prévenus risquent une amende de 50 à 300 euros.

Cette mesure unique au monde sera en vigueur jusqu’au 5 mai, et presque tous les week-ends jusqu’au 14 juillet. L’objectif : dissuader les touristes quotidiens de visiter Venise les jours de forte affluence. La mairie en a recensé vingt-neuf à compter du 25 avril, jour férié en Italie. Chaque année, 28 millions de visiteurs se mélangent aux 49 000 habitants du centre historique. Et 80 % n’y restent que pour la journée.

Pour les habitants, cette initiative est loin d’être une bonne idée : ils doutent de son efficacité et, surtout, elle ne repense pas la place du tourisme dans la ville. Lequel est “ fondamental »c’est de “ faire en sorte que cette ville trouve des habitants »résume Laura Fregolent, professeur d’urbanisme à l’Université de Venise.

Des touristes déçus par « attractions » pour demander un remboursement

Alors que Ségolène a encore du mal à télécharger le ticket, un homme l’interpelle. “ Ne vous inscrivez pas et dites aux inspecteurs que vous êtes un résident. C’est une mesure inconstitutionnelle ! » il l’a incité en distribuant un manifeste contre “ la folie du ticket d’entrée ». Selon les opposants, cette dernière porte atteinte à la liberté de circulation prévue par la Constitution. Plusieurs associations préparent même un recours devant le tribunal administratif.

Jeudi 25 avril, jour du lancement du ticket, les Vénitiens ont organisé plusieurs actions contre cette mesure. Dans la matinée, quelques centaines de manifestants scandaient “ Nous, le ticket, nous n’en voulons pas ! »bloquer un instant la circulation sur l’avenue reliant le continent au centre historique. “ On se sent comme des figurants »déplore Giovanna, une Vénitienne de 60 ans qui soutient la manifestation, tandis que des militants déploient une banderole “ Bienvenue à Veniceland » sur la Piazzale Roma, la seule place où les bus et les voitures peuvent circuler.

Plus tard dans la journée, dans les rues du centre historique, un message diffusé en cinq langues annonçait la possibilité aux touristes déçus de “ attractions » pour demander un remboursement. Une communication qui n’est pas sans rappeler celles que l’on peut entendre dans les parcs de loisirs.

Une ville qui ressemble à parc de jeux payant »

“ Une ville avec un ticket d’entrée… ce n’est pas possible ! Cela donne l’image terrible d’une ville qui est un terrain de jeu payant. C’est logique qu’après les touristes oublient qu’il y a des gens qui vivent ici »déplore Matteo Secchi, président de Venessia.com, une association d’habitants à l’origine de cette action. “ Ce qui m’énerve le plus, c’est qu’aucun quota n’est prévu. Je suis contre l’entrée payante, mais je l’aurais mieux accepté s’il y avait eu une limite »poursuit le quinquagénaire qui travaille de nuit dans un hôtel.

Depuis plusieurs années, Giovanni Andrea Martini, conseiller municipal de l’opposition, prône également l’instauration d’un quota. Selon lui, la mesure mise en place par la mairie est “ inutile. Les cinq euros ne bloqueront personne »il dit.

Un avis partagé par Rossana Basile. “ Regarde le monde il y a ! », raconte l’avocat de 60 ans, en désignant la horde de touristes qui défilent devant la gare. Ce vendredi, son cousin est venu lui rendre visite. En tant que proche d’un résident, il n’a rien à payer. Il en va de même pour tous les habitants de la région Vénétie, les touristes qui y dorment et les enfants de moins de 14 ans. Des dérogations qui rendent la mesure encore moins efficace, insiste Rossana. En effet, la veille, sur les 113 000 visiteurs qui ont téléchargé le QR code, seulement 15 700 payés.

“ Je pense que ce ticket a été fait pour des raisons politiques ou pour renflouer les caisses de la ville », commente l’avocat. Une accusation récurrente chez les habitants. Un peu plus loin, dans son épicerie, Neva Favaretta se montre plus optimiste. “ Tout ce qui peut aider Venise est le bienvenu. Si l’argent sert ensuite à la ville, aux monuments, c’est bien »dit le sexagénaire.

De son côté, Simone Venturini, adjointe au maire chargée du tourisme, insiste : “ Ce n’est pas une formule magique, mais c’est le début d’un voyage. » En fonction des résultats de cette première expérimentation, le dispositif pourrait être adapté, explique-t-il.

Mais pour les opposants au ticket, les solutions au tourisme de masse sont ailleurs. “ Pour sauver la ville, il faut commencer par la question du logement »explique Federica Toninello, 32 ans, l’une des organisatrices de la manifestation du jeudi 25. En effet, en septembre 2023, le nombre de lits pour touristes (dans les hôtels, AirBnb, B&B, etc.) a dépassé celui des résidents. (49 693 contre 49 304), selon deux compteurs installés par les associations d’habitants Ocio et Venessia.com, sur la base de chiffres officiels.

Les raisons de ce dépeuplement, en cours depuis les années 1950, sont nombreuses (habitations ravagées par les marées hautes, vieillissement de la population, etc.). Mais aujourd’hui, ce sont les hébergements touristiques qui sont pointés du doigt, accusés de gonfler les prix et de pousser les habitants à migrer vers le continent. Sur ce sujet, “ rien n’a été fait »dit Laura Frégolent.

Les bars et restaurants se multiplient

Selon elle, il faut travailler “ un plan global de la ville ». Le professeur évoque également le nombre de bars et de restaurants, qui a augmenté “ exponentiellement. Cela crée du bruit et les habitants se plaignent. La question est de savoir quel est le projet pour Venise : pensons-nous d’abord aux résidents ou aux touristes ? ? Aujourd’hui, les hommes politiques accordent peu d’importance à la résidence »elle dit.

De son côté, Simone Venturini assure que la municipalité “ a déjà fait beaucoup ». Il fait référence à l’interdiction de créer de nouveaux hôtels, sauf exemption. Ou plus récemment, la limitation des groupes touristiques à vingt-cinq personnes.

Pas de quoi convaincre Ruggero Tallon, porte-parole du comité No Grandi Navi, créé contre le passage des bateaux de croisière dans la lagune. “ Ce n’est pas vrai que le maire agit contre le tourisme de masse. Au contraire, il fait tout pour attirer plus de touristes. »déplore l’enseignant de 30 ans.

Il évoque notamment le projet visant à approfondir un canal afin de permettre à certains navires touristiques d’accoster au terminal Marittima, à l’entrée du centre historique. Alors que depuis l’été 2021, les bateaux de croisière – interdits d’entrée dans le canal Saint-Marc – font escale au port de Marghera, face à Venise. “ En plus des catastrophes environnementales, cela attirerait plus d’un million de touristes par an. »dit le militant.

 
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