Que peut-on faire pour (enfin) rendre les femmes plus en sécurité dans les espaces publics ? Notre enquête commence

Que peut-on faire pour (enfin) rendre les femmes plus en sécurité dans les espaces publics ? Notre enquête commence
Que peut-on faire pour (enfin) rendre les femmes plus en sécurité dans les espaces publics ? Notre enquête commence

Comment assurer la sécurité des femmes dans les espaces publics ? C’est le thème que vous avez choisi pour l’enquête de rentrée du service Nice-Matin/Var-Matin #solutions. Vous l’avez placé en tête des suffrages avec 60 % des voix, devant « Comment remettre notre smartphone à sa juste place » (23%) et « Comment réinventer notre rapport au travail » (17%). Merci pour votre participation !

Il faut dire que, malgré le mouvement #MeToo et la libération de la voix des femmes dans le débat public au sujet des violences sexistes et sexuelles, celui-ci reste très ancré dans notre société, comme le souligne le Baromètre du sexisme 2024 du Haut conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes du gouvernement.

« Face au sexisme, les femmes renoncent de plus en plus à leurs libertés. Ils semblent plus conscients cette année que les situations qu’ils vivent les poussent à mettre en œuvre des stratégies de renoncement ou d’évitement pour ne pas avoir à subir ces stéréotypes. »souligne l’étude. Certaines données implacables en témoignent.

Lutte contre un sentiment d’insécurité omniprésent

À Nice, le 7 septembre 2024, un fait divers (re)mettait violemment le problème en lumière : ce soir-là, un étudiant de 23 ans qui marchait dans la rue était agressé par un homme armé d’une arme blanche.

Aux niveaux national et local, ces crimes, bien moins fréquents que les violences contre les femmes commises dans la sphère privée par des personnes connues des victimes (9 cas sur 10), renforcent néanmoins un sentiment d’insécurité rampant.

Ainsi, en 2023, une étude Ipsos pour L’Oréal, réalisée dans plusieurs pays, révélait que 80 % des femmes ont été victimes de harcèlement sexuel dans l’espace public au moins une fois dans leur vie. Notre enquête participative en ligne, à laquelle ont participé plus de 160 habitants des Alpes-Maritimes et du Var, âgés de 16 à 75 ans, ne dit pas le contraire.

« En matière de violences sexistes et sexuelles, les chiffres sont malheureusement en deçà de la réalité. La réalité est que les victimes ont toujours du mal à verbaliser, à être visible, à être crue, y compris lorsqu’elles portent plainte.note Khadidja Guebache, chef de service du pôle égalité, intégration et accueil au Centre d’information sur les droits des femmes et des familles dans les Alpes-Maritimes.

Présentes dans chaque département, ces 1901 associations de droit, agréées par l’État, œuvrent pour aider les femmes à accéder à leurs droits. Tous disposent de permanences juridiques, mais aussi psychologiques, et proposent des actions spécifiques aux réalités de chaque territoire.

« Depuis très longtemps, les Alpes-Maritimes sont l’un des départements les plus touchés par les violences conjugales et les féminicides, souligne-t-elle. Dans 9 cas sur 10, la victime de violences sexistes et sexuelles connaît son agresseur. Mais le sentiment d’insécurité dans l’espace public est bel et bien présent. Le harcèlement de rue est une réalité pour 100 % des femmes.

Un espace public encore trop genré

Plus largement, c’est la question de l’imaginaire autour de l’espace public qui est ici en cause. « Depuis la nuit des temps, elle véhicule une répartition genrée : les femmes auraient davantage leur place à l’intérieur, au sein du foyer ; les hommes dehors »se souvient Khadidja Guebache. Et même si les chiffres montrent, implacablement, que les attentats les plus violents ont lieu dans la sphère privée, des marches exploratoires, menées en 2019 et 2020 par le CIDFF dans différents quartiers de la « cité politique » de Nice, prouvent bien la peur et la gêne. qui s’installe dans les rues pour les femmes.

Selon les données du fichier statistique des victimes de crimes et délits enregistrées par la police et la gendarmerie de 2021 à 2023, les cas se multiplient dans la ville.

Des lois… mal appliquées

« Mademoiselle, vous êtes belle ! », « Dis bonjour, salope », « Tu es trop jolie pour marcher seule, tu viens avec moi ? », « Putain, les seins… », sifflements, mains sur les fesses… Le flot de témoignages que nous livrent les plus de 160 participants à notre enquête en ligne sur le harcèlement de rue est édifiant. En témoigne cette nuée de mots, tirés des propos que vous nous avez confiés.

Face à cela, « il faut réaffirmer aux femmes la possibilité de dire : “non, ce comportement est interdit par la loi, c’est un outrage sexiste et il y a des amendes pour cela”rappelle Céline Cabon, chargée d’égalité au CIDFF 06.

En France, depuis 2018, l’article 621-1 du Code pénal définit l’outrage sexiste comme « le fait d’imposer à une personne des propos ou des comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante. » Des actes qui peuvent, en théorie, faire l’objet d’une amende de 4e à 5e classe (de 750 € à 3 000 €).

« En fait, la question de la preuve et les difficultés à croire les victimes font que peu de plaintes aboutissent à une condamnation »se souvient Céline Cabon. Ainsi, en 2023, seules 279 personnes ont été reconnues victimes d’indignation sexiste… dans toute la France, selon les données du ministère de l’Intérieur. « Néanmoins, connaître ses droits, les réaffirmer à chaque fois qu’ils ont été bafoués, fera forcément bouger les choses. C’est aussi important pour l’estime de soi de dénoncer ces actes, de se dire que ce droit t’appartient”adds Céline Cabon.

8 mars 2024, manifestation à Nice pour la Journée internationale des droits des femmes. Photo Dylan Meiffret.

Défier la sensibilisation à l’école

A l’école aussi, il y a ce que dit la théorie… et la pratique. Depuis 2001, la loi Aubry prévoit un « information et éducation à la sexualité [soient] dispensées dans les écoles, collèges et lycées à raison d’au moins trois sessions par an et dans des tranches d’âge homogènes.

En fait, « le soutien du public à la déconstruction des stéréotypes et à l’éducation à la vie relationnelle et affective reste largement insuffisant »» souligne le Baromètre du sexisme 2024 du gouvernement.

Selon une enquête en ligne réalisée par l’association #Noustoutes auprès de 10 938 personnes qui auraient dû en bénéficier durant leur scolarité, il ressort que « les répondants ayant effectué au moins 7 années de collège et lycée [depuis 2001] ont reçu en moyenne 2,7 séances d’éducation sexuelle tout au long de leur scolarité, au lieu du minimum de 21 séances prévu par la loi.

Dans le Var, le tout jeune collectif de l’association nationale #NousToutes entend œuvrer pour inverser cette tendance. Parmi leurs premiers axes d’action : animer des ateliers de sensibilisation à ces enjeux dans les collèges du département.

Un mois pour mettre en avant les solutions


« Le constat est affligeant mais il ne faut pas non plus perdre espoir. Au contraire, il faut continuer à agir et sensibiliser le plus possible aux comportements déviants et aux injustices faites aux femmes. Les femmes comme les hommes doivent le faire, car ils ont des compagnes, des sœurs, des mères. »plaident ensemble Sarah Offrefy, Alexandrine Harson et Lucie De Jussieu, qui ont fondé au printemps 2024 le premier collectif #NousToutes du Var.

Dans les prochaines semaines, la rédaction #solution du groupe Nice-Matin rencontrera des acteurs et actrices du domaine, spécialistes d’ici et d’ailleurs, pour mettre en avant des pistes concrètes pour sécuriser les femmes dans l’espace public.

Ateliers d’autodéfense verbale non violente, sensibilisation des jeunes, aspects psychologiques, formation des forces de l’ordre, aspect juridique… Nous avons un mois pour enquêter.

Vous souhaitez nous contacter pour nous faire part d’une initiative, partager un point de vue, ou un témoignage dans le cadre de cette problématique ? Écrivez-nous à [email protected]

 
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