Le Pacifique en proie à une nouvelle poussée de fièvre ? Un navire militaire japonais et deux autres venus de Nouvelle-Zélande et d’Australie ont traversé ces dernières heures le détroit de Taïwan, île démocratique revendiquée par la Chine comme faisant partie de son territoire.
Pékin a déployé ces dernières heures 72 avions et huit navires chinois autour de l’île, selon le ministère taïwanais de la Défense, au lendemain d’un essai de missile balistique intercontinental chinois dans cet océan, le premier du genre. Le point sur ce regain de tensions régionales.
Tokyo, Wellington et Canberra exploitent des navires
Les médias japonais ont rapporté jeudi qu’un navire de guerre japonais avait traversé le détroit de Taïwan pour la première fois mercredi, une semaine après qu’un porte-avions et deux destroyers lance-missiles chinois ont effectué un passage sans précédent entre des îles japonaises dans la région sud d’Okinawa près de Taïwan. La flottille chinoise est entrée le 18 septembre dans les « eaux contiguës » du Japon, une zone qui borde sa mer territoriale, ce que Tokyo avait jugé « totalement inacceptable ».
Dans son édition de jeudi, le journal Yomiuri Shimbun, citant des sources gouvernementales anonymes, a déclaré que le Premier ministre Fumio Kishida avait ordonné la traversée du détroit de Taiwan, craignant que cela encourage Pékin à se montrer plus agressif s’il ne répondait pas à l’incursion taïwanaise. Mais le porte-parole du gouvernement japonais Yoshimasa Hayashi a refusé de commenter ces informations, affirmant qu’elles concernaient des opérations militaires.
Quelques heures plus tard, la Nouvelle-Zélande a annoncé avoir envoyé mercredi un navire militaire dans le détroit, pour la première fois depuis sept ans, aux côtés d’un navire australien, pour faire valoir le “droit à la liberté de navigation”, a déclaré à l’AFP un porte-parole du ministère néo-zélandais de la Défense. Il a précisé que la mission n’avait pas été menée conjointement avec le Japon.
La Chine « très vigilante » envers le Japon
Peu après, la Chine a réagi à la traversée sans précédent d’un navire de guerre japonais, déclarant jeudi qu’elle était « très vigilante quant aux intentions politiques du Japon ». Pékin « a fait part au Japon de sa ferme protestation », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Lin Jian lors d’une conférence de presse régulière.
Le ministère de la Défense de Taïwan a annoncé la détection de 72 avions et de huit navires de guerre chinois autour de Taïwan en une trentaine d’heures. Il a fait état de 43 avions entrés dans la « zone d’identification de défense aérienne (Adiz) » de Taïwan et de huit navires, puis a annoncé que 29 autres avions avaient été détectés jeudi matin, « dont 21 ont traversé la ligne médiane du détroit de Taïwan ».
La Chine considère le détroit comme ses eaux territoriales et envoie régulièrement des avions de chasse, des drones et des navires autour de l’île. Elle a même annoncé qu’elle n’excluait pas le recours à la force pour prendre le contrôle de Taïwan si nécessaire, intensifiant ces dernières années la pression militaire et politique sur l’île.
Un nombre aussi important d’avions n’avait pas été détecté depuis le 11 juillet, lorsque Taipei avait signalé un record de 66 avions militaires chinois en 24 heures.
Essai rare d’un missile balistique chinois
Ce nouveau déploiement militaire d’envergure intervient peu après que la Chine a reconnu mercredi avoir procédé à un essai de missile balistique intercontinental dans le Pacifique, apparemment le premier du genre depuis des décennies. Pékin communique rarement ouvertement sur de tels exercices.
L’opération a été rapidement critiquée par Taïwan : le ministère des Affaires étrangères de l’île a exprimé dans un communiqué « sa condamnation solennelle des actions militaires continues de la Chine dans la région qui menacent le statu quo pacifique », appelant Pékin à « être rationnel et à faire preuve de retenue ».
Le lancement a également suscité des protestations de la part des pays de la région, notamment le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui s’inquiètent du renforcement des capacités militaires chinoises. Tokyo a déclaré que le renforcement des capacités et le manque de transparence dans la région étaient une Source de « grave préoccupation ».
Les tensions régionales s’accentuent
La tension monte dans le Pacifique depuis plusieurs semaines. Le Japon avait déjà condamné avec force l’incursion d’un navire de la marine chinoise dans ses eaux territoriales pendant près de deux heures début septembre. Quelques jours plus tôt, Tokyo avait dépêché des avions de chasse après qu’un avion militaire chinois eut « violé » son espace aérien pendant environ deux minutes au large des îles Danjo, en mer de Chine orientale.
Des navires japonais et chinois ont été impliqués dans des incidents dans des zones contestées, en particulier les îles Senkaku en mer de Chine orientale, également connues sous le nom d’îles Diaoyu par Pékin.
Quant à Taïwan, le printemps avait déjà été marqué par une poussée de fièvre régionale, lorsque Pékin avait lancé des manœuvres militaires dans la zone du détroit deux jours après le discours d’investiture du nouveau président taïwanais Lai Ching-te, qui avait promis un soutien « indéfectible » au maintien de la souveraineté de l’île démocratique.
VidéoTensions à Taïwan : l’île encerclée par des exercices militaires chinois
Plus largement, l’influence économique et militaire croissante de la Chine dans la région Asie-Pacifique et ses revendications, notamment sur Taïwan, inquiètent même les pays occidentaux, dont les États-Unis, alliés entre autres du Japon. Des navires de guerre américains et canadiens ont traversé le détroit de Taïwan à plusieurs reprises ces derniers mois, ce qui a conduit l’armée chinoise à se déclarer en « état d’alerte ».
