Marc A. Agnifilo, 60 ans, s’est donné pour mission d’empêcher Sean « Diddy » Combs d’aller en prison à vie.images : getty, montage : watson
Avec son client, le rappeur Sean « Diddy » Combs, arrêté et incarcéré lundi à New York, Marc A. Agnifilo a la délicate tâche de lui éviter la prison à vie. Discret mais puissant, cet avocat de 60 ans est un poids lourd du système pénal, spécialisé dans les affaires morales plutôt sales et explosives.
18/09/2024, 06:0018/09/2024, 07:12
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Pour lui, tout cela n’est que du pipeau. Alors que son client, Sean « Diddy » Combs, risque la prison à vie pour « complot en vue de commettre du racket, du trafic sexuel et du transport à des fins de prostitution », Marc A. Agnifilo rejette l’acte d’accusation d’un revers de main et dans un communiqué. Lundi, peu après l’arrestation du célèbre rappeur dans un hôtel de New York, il a publié une déclaration qui tranche avec les accusations portées contre son client :
« Veuillez attendre d’avoir tous les faits avant de juger. Il ne s’agit pas d’un criminel. Ce sont les actes d’un homme innocent qui n’a rien à cacher et qui est impatient de laver son nom devant le tribunal. »
Me Marc Agnifilo, avocat de Sean Combs
Une poigne qui n’a pas empêché la juge Robyn Tarnofsky de refuser, mardi, d’accorder la caution qu’il demandait, car « aucune condition ne nous permet de garantir qu’il comparaîtra devant le tribunal s’il est libéré ». Conscient qu’il allait croupir en prison jusqu’à son procès, le rappeur n’a pas réagi, se contentant d’avaler une gorgée d’eau.
Son avocat, lui, s’est indigné dès les premiers micros braqués sur lui : « Il est venu ici pour se rendre. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas qu’il se rende ? Nous ferons tout ce que nous pouvons pour le faire sortir d’ici. »
Marc A. Agnifilo, 60 ans, dont 30 de métier, aura fort à faire s’il veut pouvoir prouver que « Puff Daddy » est un petit ange tombé du ciel. Car l’affaire est dense, tentaculaire, explosive.
Le rappeur est embourbé dans un bourbier judiciaire depuis (au moins) septembre 2023, lorsque son ex, la chanteuse Cassie Ventura, l’accuse de viol et de trafic sexuel. Quatre mois plus tard, ses propriétés à Los Angeles et Miami seront perquisitionnées.
Une sale histoire. Mais Me Marc Agnifilo en a vu d’autres. Véritable bouledogue du système pénal depuis qu’il a quitté son poste de chef de l’unité des crimes violents au bureau du procureur des États-Unis (district du New Jersey) en 2006, l’homme a prouvé à plusieurs reprises qu’il avait les reins solides. L’un de ses clients les plus infâmes s’appelle Keith Raniere. Et cet homme purge depuis 2020 une peine de 120 ans de prison pour « trafic sexuel et racket ».
Ce qui prouve que Diddy n’a pas choisi son avocat au hasard.
Keith Raniere est un prédateur déguisé en gourou, qui était à la tête de NXIVM, initialement présenté comme une vague communauté sociale de développement personnel. Le New York Times qui sera le premier à révéler les sordides agissements de ce qui était en réalité une secte, dans laquelle les femmes étaient réduites au statut d’esclaves sexuelles, leur peau marquée des initiales du gourou, surnommé « Vanguard ».
Keith Raniere, le gourou prédateur défendu par l’avocat de « Sean Diddy Combs ».
En replongeant dans les archives de ce procès qui a duré deux mois, on s’aperçoit que Marc Agnifilo avait déjà saisi cette apparente légèreté lorsqu’il s’agissait de décrire l’ADN de son client :
« Un excentrique, mais pas un criminel »
Marc Agnifilo, en défendant le prédateur sexuel Keith Raniere
L’affaire DSK
L’idée était, comme avec Sean Combs cette semaine, de tout rejeter en bloc et de raconter la grande humanité de son client. Alors que des femmes étaient obligées de lui envoyer des images rapprochées de leurs parties génitales et poussées à avoir des relations sexuelles avec lui, son avocat avait seulement admis que « ce comportement, considéré objectivement, est assez flagrant. Mais cela n’en fait pas un crime ». Circulez, il n’y a rien à voir.
Quelques années plus tôt, une autre affaire très médiatisée concernait Marc Agnifilo, mais aussi son épouse, Karen Friedman Agnofilo. Le New York Timeslui encore, raconte les circonstances qui ont conduit l’avocat de Diddy Combs à accepter la mission. Nous sommes en mai 2011 et le téléphone sonne :
« L’avocat était dans sa maison de campagne, occupé à s’occuper de ses trois enfants après le dîner, lorsque son téléphone portable a sonné. Son associé Benjamin Brafman lui a dit que Dominique Strauss-Kahn, qui venait d’être arrêté à Manhattan pour agression sexuelle, avait retenu leur cabinet. »
Oui, l’inoubliable affaire DSK. Problème ? A l’époque, l’épouse de notre avocat n’était autre que la procureure adjointe de New York. Cette dernière allait donc devoir se récuser pour laisser travailler son mari. Un couple dans lequel « le silence règne », une fois de retour au pays, et une situation cocasse dans laquelle ils se retrouveront une vingtaine de fois en dix-huit mois.
Marc Agnifilo était donc assis aux côtés de l’ancien patron du FMI ce fameux 19 mai 2011, au moment de sa mise en examen formelle et de sa libération sous caution.
Ce même conflit d’intérêts se retrouvera également lorsqu’un certain Harvey Weinstein décidera, en 2017, d’ajouter un nouveau cabinet d’avocats à son équipe de défense déjà très dense. Agnifilo, longtemps avocat senior du cabinet Brafman, ouvrira plus tard son propre cabinet, dans lequel sa femme le rejoindra en 2021.
Désormais chargé de sortir un célèbre rappeur du pétrin, Marc Agnifilo a une première échéance importante à respecter. Ce mardi après-midi, un nouveau juge devra décider, en appel cette fois, si la libération sous caution de Sean Combs sera définitivement refusée avant son procès.