Démanteler les mensonges du nazi Albert Speer

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Adolf Hitler et Albert Speer, en 1936, devant une maquette du pavillon allemand de l’Exposition universelle de 1937 à Paris. IMAGES DE BRIDGEMAN

« Tu es l’amour malheureux du Führer », de Jean-Noël Orengo, Grasset, 264 p., 20 €, numérique 15 €.

Sélectionné pour le Prix Littéraire « Le Monde » 2024

Pendant longtemps, Jean-Noël Orengo n’a pas « Je ne savais pas » ce qu’il a écrit avec ” « Tu es l’amour malheureux du Führer »Aujourd’hui, il en parle au Monde des livres « roman » (c’est ainsi que la couverture le présente, de manière générique), son cinquième, en tant que « contre-fiction »ou un exemple de « récit et non-fiction hybride » sur Albert Speer (1905-1981). Ce dernier fut l’architecte favori d’Hitler et, à partir de février 1942, son ministre de l’Armement ; condamné à vingt ans de prison au procès de Nuremberg en 1946, l’ancien dignitaire nazi finit par devenir « Une étoile de la culpabilité allemande »explique Jean-Noël Orengo, notamment grâce à son livre de MémoiresAu coeur de IIIet Reich (Fayard, 1971).

L’écrivain, né en 1975, l’a lu à l’âge de 25 ans et a été captivé par ce « figure romane » et par « L’incarnation du couple artiste-homme puissant » que Speer a formé avec Hitler, « comme une terrible caricature du tandem Jules II et Michel-Ange [au XVIe siècle] ». Cette lecture l’a laissé “troublé”Aussi, « sans comprendre pourquoi. » Au fil des années, alors que son esprit revenait régulièrement à l’idée d’un roman sur Speer, les historiens ont mis en lumière son malaise : en faisant semblant d’avouer, l’architecte n’a cessé de mentir. Dès le procès de Nuremberg, il a assuré n’avoir pas été au courant de la politique d’extermination des Juifs, avec une force de conviction suffisante pour éviter la peine de mort. En 1971, deux ans après la publication originale deAu coeur de IIIet ReichL’Américain Erich Goldhagen démontre l’impossibilité de cette ignorance. D’autres suivront, mais “séduction” « La version des événements de Speer demeure.

Et puis, « il y a sept ou huit ans »Jean-Noël Orengo découvre Albert Speer. Son combat contre la véritéde Gitta Sereny (Seuil, 1997). La journaliste et historienne britannique (1921-2012), née en Autriche, a assisté au procès de Nuremberg ; en 1978, elle a longuement interviewé Speer, avec qui elle s’est liée d’amitié ; elle a attendu près de quinze ans après sa mort pour écrire son livre. Ce dernier est destiné à Orengo « un grand geste » dans ce qu’il montre « l’histoire d’une relation entre une historienne et son objet vivant d’étude, la prodigieuse simultanéité de deux temps généralement disjoints : le temps vécu des passions historiques et le temps ultérieur des historiens et de leur narration. » Quand il s’y mettra, plus tard, « pendant le confinement »à son projet sur Speer, « le personnage extraordinaire qu’est Sereny, cette femme juive qui était déterminée à affronter le mal et qui est devenue l’amie de son sujet » son « donner le fil ». Cela lui permet de mettre le doigt sur l’imbrication de fictions qu’est Albert Speer, et sur l’idée queAu coeur de IIIet Reich est un « autofiction radicale avant l’heure : son but n’est pas de révéler la vérité, mais de la cacher ».

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