« Ni chaînes, ni maîtres », enfin un film français sur la révolte des esclaves

Un drame historique sur l’esclavage et surtout sur le marronnage, presque jamais vu dans le paysage cinématographique français. Pas de chaînes, pas de maîtresSimon Moutaïtou signe un premier long métrage qui ambitionne de rivaliser avec les superproductions américaines, près de trente ans après Amitié. Signe qu’il était temps que l’industrie française s’empare de ces questions. « Quelques fictions ont été publiées sur ce sujet à la fin des années 1990 par des réalisateurs antillais comme Christian Lara, Guy Deslauriers ou Euzhan Palcy. C’est important pour moi de les citer, car ils ont fait de très beaux films, mais ils n’ont pas eu ma chance, celle d’être diffusés À « Le grand public », explique le réalisateur, dont l’idée du film a émergé en 2009. Une époque où « la société n’était pas encore prête ».

Quand la France regarde son passé

Vingt-cinq ans plus tard, le cinéaste a pu bénéficier d’un budget de huit millions d’euros, beaucoup pour la France, mais rien comparé aux États-Unis, et d’une avance sur recettes du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée). Peut-on y voir les prémices d’un tournant ? « Je pense que les choses ont commencé à bouger au moment du mouvement Black Lives Matter, qui a eu une résonance dans le monde entier, explique-t-il. Mais la France a une capacité à s’aveugler et à mettre les choses sous le radar. tapis « C’est un film qui me passionne artistiquement. J’aime utiliser la métaphore de la famille. Il est toujours préférable de révéler les secrets de famille aux enfants : si on leur cache des choses, si on les nie, c’est le meilleur moyen de créer une famille dysfonctionnelle. Je pense que c’est la même chose pour une nation. » « Le cinéma français a la responsabilité de filmer ses mythes fondateurs, qu’il s’agisse de pages glorieuses ou de pages sombres. J’ai voulu raconter cette histoire avec cette détermination », poursuit l’auteur de plusieurs polars, dont Boîte noirenominé aux César en 2021.

Une scène du film « Ni chaînes, ni maîtres » de Simon Moutaïrou © Studiocanal

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Cette histoire parle de Massamba et de sa fille Mati. Tous deux sont réduits à l’esclavage Et travaille sur la plantation d’Eugène Larcenet (joué par Benoît Magimel), sur l’île Maurice, nommée Isle de France en 1759. Celui que le maître appelle Cicéron en raison de son éloquence et de ses bonnes manières, est d’abord fermement décidé à faire de sa fille une esclave affranchie en lui apprenant la langue du colon. Mais elle refuse catégoriquement de se soumettre au système esclavagiste. Une nuit, la menace d’un viol finit par la convaincre de fuir. Son père n’a alors d’autre choix que de s’échapper à son tour de la plantation de canne à sucre, et de partir à sa recherche. Il n’est pas étonnant que ce drame historique, plutôt bien écrit, documenté, puis se transforme en un « film de survie ».

C’est dans un environnement hostile que le père tente d’échapper à un véritable chasseur d’esclaves (Camille Cotin), engagé par le roi pour traquer les Marrons. Massamba, un rôle physique pour lequel l’acteur sénégalais Ibrahima Mbaye, qui occupe l’écran pendant presque tout le film, s’est clairement investi. « Je me suis probablement surpassé parce qu’en tant qu’Africain, cette histoire est la mienne, mais c’est aussi celle de l’humanité. Ce rôle m’a tout de suite parlé, parce que je suis aussi un peu un rebelle », sourit-il. Car Simon Moutaïrou n’avait pas l’intention de faire de ses personnages des victimes passives, comme beaucoup le font avec des personnages de la même trempe. trop souvent représenté dans les empires coloniaux ou dans l’imaginaire collectif.

Redonner la fierté aux peuples opprimés

Le réalisateur franco-béninois a donc situé son film dans un pan précis de l’histoire de l’esclavage en choisissant le prisme du marronnage. Ce phénomène d’évasion des personnes asservies pendant l’époque coloniale a largement contribué à leur libération, sans qu’elles aient eu à attendre les abolitionnistes. « Au sein du système esclavagiste, il y a des gens qui étaient dans la banalité du mal. Et d’autres qui doutaient, comme le personnage d’Honoré (joué par Félix Lefebvre), révolutionnaire, abolitionniste avant l’heure. Mais je ne voulais pas tomber dans le mythe du « sauveur blanc ». recherché « que les Marrons soient les sujets de leur propre libération. » Un angle assez nouveau qui s’inscrit dans le sillage de l’exposition phénoménale, « Osez être libre » présentée l’an dernier au Panthéon, et qui montrait déjà un autre regard sur l’histoire des luttes contre l’esclavage. Un autre signe, sans doute, d’un réveil de la France face à son passé esclavagiste et colonial. « Ce tournant doit donner lieu à une réflexion sur la reconnaissance, estime Ibrahima Mbaye. Il faut reconnaître que certains ont eu tort et que d’autres ont vécu l’horreur et se sont révoltés, et qu’aujourd’hui leurs petits-fils en France et ailleurs font la fierté de tous ces peuples du passé opprimé”, il observe.

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Le cinéaste fait le même constat. « Quand j’ai découvert le marronnage à travers la littérature antillaise, de Chamoiseau à Glissant, en passant par Maryse Condé et Frantz Fanon, cela a été une immense fierté. Il faut donner ce type d’image pour qu’un peuple puisse être fier. Je voulais aussi parler du présent », poursuit-il. « Aujourd’hui, on peut être opprimé en fonction de sa couleur de peau, de son genre, de ses préférences sexuelles ou encore de sa religion. Si, il y a quatre siècles, des hommes et des femmes ont pu échapper aux pires oppressions, alors nous pouvons le faire aussi. C’est là que les Marrons et les Marrons, les héros de « Mon film, parle-nous. Car il est toujours possible de dire non, de s’extraire et de résister », théorise-t-il.

Une scène du film « Ni chaînes, ni maîtres » de Simon Moutaïrou © Studiocanal

Une histoire collective

Si Pas de chaînes, pas de maîtres raconte des histoires individuelles, pour mieux restituer leur part d’humanité à des êtres longtemps réduits à l’état de biens mobiliers, le réalisateur rend aussi compte de l’histoire collective. Celle d’un système esclavagiste et économique adopté par tous, et qui laissait très peu de place au doute. « C’était très complexe à travailler. Je me suis appuyé sur la première étape de La controverse de Valladolidun débat du XVIe siècle au cours duquel deux théologiens catholiques ont décidé du sort des Indiens d’Amérique dans « Les Noirs ont admis qu’ils avaient une âme, qu’ils étaient frères en Christ et qu’ils pouvaient donc être évangélisés. Contrairement aux Noirs, qui, selon eux, n’avaient pas d’âme. C’est à partir de là qu’un système se met en place et que l’Église catholique valide la possibilité de l’esclavage, rappelle-t-il. Les personnages incarnés par Camille Cotin et Benoît Magimel ne sont pas des monstres. Ce sont des êtres humains qui commettent des actes monstrueux, mais ils croient être dans leur bon droit. J’ai voulu parler d’un système, dont on aurait tort de croire qu’il ne peut pas se reproduire », prévient-il.

Affiche du film

Affiche du film « Sans chaînes, sans maîtres »

Pas de chaînes, pas de maîtres de Simon Moutaïrou, en salles le 18 septembre

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