Pourquoi est-il si difficile de trouver une ambulance à Paris ? – .

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Par Julie Bossart
Publié le

21 avril 24 à 6h32

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Tout commence avec le témoignage d’une habitante de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), contrainte, un samedi matin, à trouver une ambulance qui transportera son père à Créteil (Val-de-Marne) deux jours plus tard pour un hospitalisation dans un centre de rééducation.

“Au total, j’ai appelé 23 compagnies d’ambulances”

« Boulogne, Issy, Montrouge, Paris 15e, Paris 16e, Rueil-Malmaison, Créteil, et même Essonne… Au total, j’ai appelé 23 compagnies d’ambulances ! raconte le quadragénaire. Ils ont tous refusé de prendre en charge mon père, qui disposait pourtant d’une prescription médicale de transport liée à son ALD. [affection longue durée]. Certains ont affirmé qu’ils n’avaient pas de place pour lundi matin, d’autres que ce n’était pas dans leur secteur. »

Finalement, l’homme s’est rabattu sur un taxi classique. Une solution qui aurait pu s’avérer dangereuse pour son père : sa prescription médicale de transport précisait que le patient devait être transporté en position semi-assise ou allongée, puis tendu sur une civière jusqu’au centre de rééducation. « Je comprends mieux pourquoi on dit que la région Île-de-France est désormais le premier désert médical de France… » dit amèrement notre témoin.

Pourquoi est-il si difficile de trouver une ambulance à Paris et en petite couronne ? Au bout du fil, le patron d’une petite entreprise du Val-de-Marne met en cause “des problèmes de circulation sur les grands axes routiers”, et en profite pour s’en prendre à certains collègues pour qui “certaines courses ne conviennent pas”. [seraient] pas rentable. Qu’est-ce que c’est vraiment ? Pour le savoir, nous avons contacté Maxence Jeandirecteur de plusieurs entreprises de véhicules sanitaires en Seine-Saint-Denis et délégué régional Paris-Île-de-France de la Chambre nationale des services ambulanciers (CNSA).


Dans une longue interview avec Actualités parisiennes, le professionnel n’a cessé de mettre en avant « un métier magnifique, où l’on sert vraiment un but en accompagnant une personne dans le besoin ». UN métier en tensionmais de ceux qui ont été en première ligne lors de la crise sanitaire liée au Covid-19, mais qui sont aujourd’hui dans le viseur de Bercy.

Le 6 mars 2024, Bruno Le Maire, en quête d’économies pour réduire le déficit public (5,5 % en 2023), citait le cas du transport sanitaire comme levier potentiel : « Est-il possible de continuer à dépenser 5,7 milliards d’euros par personne ? par an pour le transport sanitaire des patients ? » il s’est alors lancé dans Le monde ? Un coup de pression supplémentaire sur une profession qui craint ses déplacements et le maintien de la qualité de ses prestations lors des Jeux olympiques de Paris 2024.

Actualités parisiennes : Le témoignage de notre lecteur vous surprend ?

Maxence Jean : Non, il y a un vrai sujet. Le transport sanitaire sur prescription médicale, c’est au patient de le trouver, et il est de plus en plus difficile d’y parvenir en Île-de-France, où les ressources sont nombreuses. Depuis l’apparition du Covid-19, le trafic est saturé sur les grands axes routiers.

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Ajoutez à cela les travaux et restrictions, ceux qui relèvent de la Ville de Paris, ceux qui sont liés aux Jeux Olympiques. Ce n’est un secret pour personne : la situation est catastrophique, y compris pour les deux-roues. Alors je ne te parle pas les ambulances, qui ne sont pas autorisées à emprunter les voies réservées aux bus. Sauf urgence, et à la demande du Samu. Excepté, dans 95% des cas, nos déplacements ne sont pas des urgences, mais de voyages pour des patients dits chroniques. C’est votre petit grand-père qui doit être hospitalisé, ou simplement subir une consultation ou un examen médical, qui ne subit aucun retard, pour ne pas encombrer davantage le système.

Actualités parisiennes : A combien estimez-vous l’augmentation des temps de trajet ?

MJ : Avant, on savait qu’on avait des créneaux, entre 9h et 15h par exemple, où ça marchait. Désormais, tout ce que l’on sait, c’est qu’il n’existe plus de période « creuse » pour voyager. Depuis le 93, aller à Paris nous prenait trois quarts d’heure maximum, pas une heure, une heure et demie comme aujourd’hui. Nous sommes donc à Augmentation de 50% du temps de trajet.

Ce qu’il faut aussi garder à l’esprit, c’est qu’un patient qui habite en banlieue et qui est suivi à La Pitié-Salpêtrière [13e], et dont le rendez-vous est à 9 heures du matin, eh bien, sa prise en charge doit avoir lieu deux heures avant, à partir de 7 heures du matin. Avant cela, les ambulanciers doivent d’abord prendre leur poste puis se rendre chez le patient, ce qui prend déjà une demi-heure. Sur place, ils doivent le sortir de chez lui et l’installer dans de bonnes conditions dans le véhicule. Ensuite, il y a le trajet jusqu’à l’hôpital et l’accompagnement à la visite. Durant ces deux heures et demie, les ambulanciers ne peuvent bien entendu pas prendre une autre mission.

Actualités parisiennes : Un de vos collègues du 94 a laissé entendre que certaines entreprises refuseraient certaines courses parce qu’elles ne seraient pas rentables. Pouvez-vous nous expliquer comment est calculé le prix du transport en ambulance ?

MJ : C’est vrai que nous sommes confrontés à un problème de prix. C’est Medicare qui fixe nos prix. Ils sont révisés assez rarement, pas tous les six mois comme le salaire minimum. La dernière fois, c’était en novembre 2023. Pour les trajets en Île-de-France, assez courts de toute façon, la réévaluation était de 5%.

Notre tarification comprend le forfait prise en charge du patient – ​​la mise à disposition d’un véhicule agréé avec équipage, la fourniture d’oxygène, tout le matériel médical, etc. –, le temps de prise en charge du patient et les kilomètres, en tout cas l’itinéraire le plus court, sur papier, celui qui ne prend pas en compte les embouteillages et les détournements.

L’autre problème, c’est ce temps de traitement, qui est intenable : l’Assurance maladie l’estime à quinze minutes, soit sept minutes et demie pour récupérer le patient à domicile, autant pour le déposer à l’hôpital. . Mais lorsque la personne habite au 3e étage sans ascenseur, les ambulanciers mettront beaucoup plus de temps à la récupérer et à la placer dans une chaise à porteurs.

Maxence Jean

Actualités parisiennes : Il n’y a donc pas de frais supplémentaires à déclarer ?

MJ : Non, au final, avant de faire le transport, on sait combien on va le facturer. Le transport fait dix kilomètres, peu importe si cela vous prend une heure ou deux heures, vous serez facturé 85 euros [à Paris et en banlieue].

Mais j’aimerais vraiment que nous ne mélangez pas les choses et disons que tous les ambulanciers privilégient certaines courses « plus rentables ». Le prix fait partie du problème. Comprendre que l’entreprise a un périmètre d’activité sur lequel elle travaille. Si elle a un patient qui sort de ce périmètre, le véhicule sera immobilisé pendant le traitement, puis devra surtout regagner son secteur, ce qui est finalement non facturable. Et pendant ce temps, il y a d’autres patients qui attendent leur rendez-vous pour une dialyse, une radiothérapie, une rééducation…

Actualités parisiennes : L’augmentation du vieillissement de la population (selon une étude de l’Apur, 21 % de la population de la Métropole du Grand Paris aura plus de 65 ans en 2050) joue-t-elle un rôle dans l’augmentation du nombre de demandes d’accompagnement ?

MJ : L’activité est de plus en plus importante pour tous ces patients dits chroniques. Nous ne l’avons pas calculé spécifiquement. Ce que je peux vous dire, c’est que fin 2010, nous avions toujours un collègue qui pouvait nous dépanner, en cas d’urgence ou de panne de véhicule. Aujourd’hui, ce n’est plus possible, toutes les sociétés de transport sanitaire sont saturées.

Actualités parisiennes : Pourquoi la profession est-elle arrivée à saturation ? Le nombre d’agréments délivrés est-il insuffisant ? Le métier n’est-il pas assez attractif ?

MJ : Il y a certainement un problème d’autorisation de mise en service. C’est l’ARS qui réalise des audits tous les cinq ans environ et qui sait, en fonction de l’augmentation de la population notamment, s’il est nécessaire de délivrer davantage d’autorisations. Nous avons également besoin de plus de personnel. Nous avons créé un site Internet, Paramedic for Life, qui nous permet de présenter la profession le plus fidèlement possible.

Actualités parisiennes : Pour quoi ? Y a-t-il un réel écart entre le métier de rêve et la réalité ?

MJ : Beaucoup de gens pensent que le métier implique des urgences et se disent : « Super, on est comme des pompiers ! » » Il y a ça, mais la majorité de notre activité consiste à accompagner au quotidien les malades.

Actualités parisiennes : Comment rendre le métier plus attractif ?

MJ : Depuis quatre ans, nous travaillons en partenariat avec les écoles, Pôle emploi, les missions locales, etc. pour qu’ils nous aident à rendre le métier plus attractif. Une des solutions était de développer l’apprentissage. Récemment, une école, Aftral, a ouvert ses portes à Aulnay-sous-Bois. Les formations se remplissent, mais cela reste insuffisant.

L’autre obstacle que l’on rencontre dans le recrutement des futurs paramédicaux est le permis de conduire. Pour être ambulancier, il faut trois ans de permis de conduire, vous imaginez bien qu’un véhicule médical ne peut pas être conduit ou garé n’importe comment. Pour le jeune qui a fait un baccalauréat professionnel ou un CAP, à 18 ans, il a terminé ses études, il n’aura pas spécialement envie d’attendre trois ans pour commencer à travailler.

Actualités parisiennes : Concernant l’effectif, pouvez-vous nous donner un aperçu ?

MJ : En France, il y a 55 000 ambulanciers, et il manque 15 000, dont la moitié en Île-de-France. Nous devons être un peu moins de 20 000 dans la région, ce qui veut dire que, si nous voulons fonctionner au mieux, nous devrions être 27 000. En tout cas, je peux vous dire que si, demain, j’avais la possibilité d’embaucher 50 personnes, je le ferais sans hésiter.

Notre territoire regorge de petites structures. Le chef d’entreprise est aussi sur le terrain, le temps qu’il pourrait prendre pour informer, il le consacre à prendre soin de ses collaborateurs et de ses patients.

Actualités parisiennes : Nous sommes à un peu moins de cent jours des Jeux olympiques. Comment abordez-vous l’été qui s’annonce très compliqué en termes de transports ?

MJ : Bien sûr, les gens quitteront la région pendant l’événement, mais notre verre est déjà plein et nous ne savons toujours pas, à l’heure actuelle, si nous ferons partie des véhicules accrédités pour emprunter les itinéraires olympiques. Il nous manquerait plus qu’une petite goutte d’eau, comme en cas de canicule, et ce serait une catastrophe. Cela se passera comme lors du Covid-19 : nous y arriverons, car nous savons comment réagir, et nous devons le faire. Notre profession est réglementée, nous sommes responsables devant l’État, mais l’inverse n’est pas forcément vrai.

Actualités parisiennes : Police, hôpital, RATP… Des mouvements sociaux ont déjà été annoncés pour perturber les JOP. Et les ambulanciers ?

MJ : Faire grève avant les JO, je ne sais pas si ce sera judicieux, et si ce sera possible, car notre profession n’est pas très bien organisée. Elle est composée d’un tas de petites structures qui, en cas de grève, ne prendront plus en charge leurs patients. Si on est ambulancier, c’est parce qu’on aime cette relation humaine avec le patient, on ne va pas le lâcher. Il doit aller en dialyse, il ira en dialyse, car s’il n’y va pas, ce sera une urgence qui mettra sa vie en danger.

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