ENTRETIEN. « Nous voulions que les personnes interceptées aux Etats-Unis soient jugées ici » Serge Puccetti, directeur général des douanes

ENTRETIEN. « Nous voulions que les personnes interceptées aux Etats-Unis soient jugées ici » Serge Puccetti, directeur général des douanes
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Le directeur général des douanes, Serge Puccetti, était l’invité du Morning Coffee jeudi 18 avril. Il est revenu sur l’augmentation des saisies de glace depuis le début de l’année.

Ibrahim Ahmed Ahzi : Nous avions pour objectif cette année d’atteindre des chiffres très significatifs en matière de saisies de glace. Les spécialistes affirment que pour sept kilos saisis, une douzaine parviennent à passer entre les mailles du filet, les fameux « kilos évadés », comme on dit. Cela signifie qu’environ 50 kilos seraient devenus incontrôlables cette année. Que pensez-vous de la situation actuelle ?

Serge Puccetti : Le constat est clair. Il y a une forte augmentation des importations de glace. Ce qui inquiète tout le monde, puisque l’on voit bien les conséquences que ce trafic peut avoir sur la société polynésienne et qui la transforme profondément. Plus de violence, plus de vols, des organisations qui se structurent, qui se professionnalisent, qui imprègnent toute la chaîne de la société et qui frappent durement les jeunes.

Y a-t-il plus de trafic ? Est-ce pour cela que nous saisissons davantage de drogue ?

C’est donc la grande question. Y a-t-il plus de trafic ou les douaniers sont-ils meilleurs ? En fait, c’est les deux. C’est sûr, il y a plus de trafic. Il y a, comme je l’ai dit, cette professionnalisation, cette arrivée de plus en plus massive. Les chiffres sont également importants aux Etats-Unis. Mais il y a aussi le travail quotidien des services des douanes, de la gendarmerie, de la police, mais aussi de la justice, du Haut Commissariat, et enfin de tous les services qui œuvrent pour lutter contre ce trafic, qui veillent à ce qu’il y ait davantage de saisies. […].

Nous voulions absolument que les personnes interceptées aux États-Unis puissent être jugées ici.

Serge Puccetti, directeur régional des douanes

L’invité du café, jeudi 18 avril 2024

Lorsqu’un trafiquant est arrêté aux États-Unis et expulsé, est-il systématiquement jugé ici ?

Donc c’est quelque chose qu’on voulait justement changer, parce que ce n’est absolument pas moral que des trafiquants qui ont été privés de leur glace aux Etats-Unis, qui sont expulsés des Etats-Unis, arrivent ici, je dirais, sans incident. , d’une manière tout à fait normale.

Est-ce que c’est ce qui se passait ?

C’est ce qui nous arrivait. Nous voulions absolument changer cela et faire en sorte que ces personnes puissent être interceptées et jugées ici.

Les trafiquants, à travers des produits premium, à petites doses qui ne coûtent pas cher, corrompent petit à petit de plus en plus cette jeunesse polynésienne.

Serge Puccetti, directeur général des douanes

L’invité du café jeudi 18 avril 2024

L’attrait financier, avec 300’000 francs le gramme de Ice, est plus fort que tout. Est-ce uniquement cela qui explique cette augmentation du trafic ?

Il y a bien cet attrait lucratif. On multiplie le prix d’achat presque par mille, donc c’est très intéressant. Et puis, il y a ce phénomène d’addiction puisque c’est une drogue qui crée une dépendance excessive et donc qui fait des ravages. Les trafiquants, à travers des produits premium, à petites doses qui ne coûtent pas cher, corrompent petit à petit de plus en plus cette jeunesse polynésienne.

Ils veillent à ce que nous développions cette dépendance à la glace, toujours avec cette préoccupation derrière elle, qu’il y a de la glace, mais qu’il peut se passer des choses encore plus dangereuses derrière.

Alors face à cette augmentation des trafics, demandez-vous plus de moyens ?

Ce qu’il nous faut avant tout, c’est être plus efficaces, plus ingénieux pour lutter contre l’ingéniosité des trafiquants. On voit bien qu’au début, le trafic se faisait simplement dans les bagages. Puis, petit à petit, les trafiquants ont développé des moyens de plus en plus sophistiqués pour cacher la glace, comme on l’a vu dans la dernière affaire réalisée par les douanes, il y a une dizaine de jours. Les sept kilos de glace étaient cachés dans les bagages et nécessitaient des moyens techniques.

La douane est une administration technique. On analyse les flux, on les regarde aux rayons X. Nous sommes sur tous les vecteurs. Alors pour lutter contre ces trafics, il faut effectivement développer l’ingéniosité et développer tous les moyens techniques et la coopération avec d’autres services, la gendarmerie, la police, la justice, mais aussi avec tous les services du Pacifique et notamment les services américains.

Et c’est justement parce que nous avons montré que nous étions efficaces, que nous avions des résultats, que les Américains ont de plus en plus développé leurs contrôles sur la Polynésie.

Serge Puccetti, directeur général des douanes

L’invité du café – Jeudi 18 avril 2024

Cette coordination fonctionne-t-elle bien ?

Oui, ça marche bien. Il y a une fluidité vraiment très très importante entre les services ici au Fenua, mais aussi avec les services américains. Et c’est justement parce que nous avons montré que nous étions efficaces, que nous avions des résultats, que les Américains ont de plus en plus développé leurs contrôles sur la Polynésie. […].

Il y a donc l’aéroport, il y a la route postale et puis il y a la route maritime. Avez-vous les moyens de contrôler tous les conteneurs arrivant en Polynésie ?

Non, ce n’est pas possible. Le secteur aérien est en effet un secteur très contrôlé. Par ailleurs, des dizaines de milliers de contrôles sont effectués chaque année dans le secteur « postal-express ». Concernant le vecteur maritime, c’est le vecteur qui importe le plus de marchandises en Polynésie. Et effectivement, c’est très compliqué. Mais là aussi, les douaniers connaissent leur métier.

Ils ont toutes les connaissances, les flux de travail avec les agents maritimes, tout le personnel portuaire, les autorités portuaires. Et nous analysons aussi très scrupuleusement tous les flux pour pouvoir appréhender les trafiquants. Mais c’est effectivement très compliqué sur le flux maritime, compte tenu de la masse.

Les trafiquants sont donc prêts à tout. Ils savent bien que les contrôles sont renforcés à l’aéroport de Tahiti, notamment avec les chiens. Et pourtant ils continuent de tenter leur chance, comme récemment avec cette danseuse venue des Etats-Unis qui s’apprêtait à embarquer avec trois kilos et demi. Comment expliquez-vous celà?

Il y a donc l’appât du profit. Mais il existe aussi des organisations criminelles qui se professionnalisent et qui parviennent aussi à corrompre des gens qui ne sont pas forcément destinés à cela et qui tentent leur chance justement par appât du profit. Et je pense que c’est ce qui est le plus dangereux, cette corruption qu’on peut avoir dans toute la société.

Y compris à la maison ?

Donc non […], information, attention du personnel, nous y sommes très vigilants. Les douaniers sont des personnes tout à fait honnêtes, qui luttent contre les trafics et qui ont tous pour valeur importante de protéger la société polynésienne contre ce type de flux.

Le cannabis permet aux trafiquants d’amasser un peu d’argent pour pouvoir acheter de la glace et la rapporter.

Serge Puccetti, directeur régional des douanes

L’invité du café, jeudi 18 avril 2024

Voilà donc la glace, mais vos hommes ne lâchent pas non plus la lutte contre le trafic de cannabis. L’un finance-t-il l’autre ?

C’est évident. Il y a bien ce premier produit qui est le cannabis, qui est ce premier croisement de l’interdit et qui permet éventuellement d’initier d’autres usagers à d’autres drogues.

Et puis, non seulement c’est un produit phare, mais c’est aussi un produit qui permet aux trafiquants de récolter un peu d’argent pour pouvoir acheter de la glace et la rapporter. Il y a donc tout un phénomène […]. On ne peut pas dire que les choses vont dans le bon sens.

Il existe malheureusement déjà d’autres drogues synthétiques qui inondent le marché régional américain, des drogues moins chères et plus dévastatrices. Avez-vous déjà attrapé autre chose que Ice ?

Alors oui, nous avons saisi de l’ecstasy, nous avons saisi évidemment des amphétamines, mais pas encore du fentanyl, puisque c’est de cette drogue dont vous parlez. Pas encore là, nous sommes très vigilants là-dessus et c’est vraiment quelque chose qui nous concerne, qui concerne toutes les autorités du pays, sur lesquelles nous sommes excessivement vigilants, notamment sur tous ces flux aériens et postaux que nous surveillons.

Tous les actes de violence, violence domestique, violence quotidienne, vol, violence contre les personnes, mais aussi violence routière, ont un lien étroit avec le trafic de drogue.

Serge Puccetti, directeur régional des douanes

L’invité du café, jeudi 18 avril 2024

À côté de l’augmentation du trafic, voyez-vous également croître une autre forme de délinquance ?

Je ne veux pas parler au nom de mes confrères policiers ou gendarmes, mais on voit bien cette délinquance à travers tous les actes de violences, les violences conjugales, les violences quotidiennes, les vols, les violences sur les personnes, mais aussi les violences routières. . On voit qu’il y a aussi un lien fort avec le trafic de drogue, puisque cette violence liée au trafic de drogue est très importante.

Par exemple, il y a quelques mois, il y a eu cette personne retrouvée au pied d’un arbre, assassinée pour trafic de drogue.

Un dernier mot peut-être sur le profil des personnes qui sont arrêtées avec Ice ?

Il ne faut donc pas croire qu’il existe un type particulier de personne, jeune, ainsi habillée, qui fait le trafic de glace. Non, la glace peut être partout, elle peut se cacher chez tous les hommes, dans tous les flux. On en a trouvé, y compris évidemment dans le fret, dans les pièces automobiles. C’est un profil très très diversifié. Il ne faut surtout pas avoir d’a priori sur un profil particulier de trafiquants.

 
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