« Qui peut prétendre valoir 518 fois la valeur de son employé moyen ? – Libération – .

« Qui peut prétendre valoir 518 fois la valeur de son employé moyen ? – Libération – .
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36,5 millions d’euros sur un an, soit pas moins de 100 000 euros par jour. Ce mardi 16 avril, le conseil d’administration de Stellantis a validé avec 70% des voix la rémunération en forte hausse du directeur général Carlos Tavares. Indécent pour une partie importante de la classe politique et notamment la gauche mais pas plus que cela pour l’intéressé. « C’est une dimension contractuelle entre l’entreprise et moi. Quant à un footballeur et un pilote de Formule 1, il y a un contrat”, a-t-il expliqué à BFM Business. Le chef d’entreprise s’est également laissé aller à une petite provocation en lançant : “Si vous pensez que ce n’est pas acceptable, faites une loi”.

Pas grave. L’insoumis Matthias Tavel a annoncé le dépôt d’un projet de loi « fixer un salaire maximum dans les entreprises, en limitant à 20 les écarts entre la rémunération la plus élevée et le salaire le plus bas ». Idem pour les socialistes. Le groupe PS a sorti du placard un texte déposé en 2020 allant également dans ce sens. Pour le président du groupe rose à l’Assemblée Boris Vallaud, le moment est venu pour le législateur de se saisir de la question de la répartition des richesses dans les entreprises.

Le PDG de Stellantis, Carlos Tavares, devrait recevoir un salaire de 36,5 millions d’euros. Qu’est-ce que cela dit de l’époque ?

Il dit de l’époque qu’il y a une petite poignée de personnes qui ont perdu le contact avec le monde réel et qui sont dans une forme de sécession par rapport à celui-ci. Qui peut prétendre, quel que soit son talent, quel que soit son mérite, valoir 518 fois la valeur moyenne de son salarié ? L’année dernière, Carlos Tavares gagnait plus en une journée que son employé ne gagnait en moyenne en un an… Il y a en effet une forme de déraison, de déconnexion, à la fois éthique, économique et environnementale. C’est d’autant plus choquant quand on sait qu’il y a tant de gens qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts.

Comment changer cela ?

Si l’on veut retrouver une forme de décence commune, il faut s’attaquer non seulement à la distribution secondaire, mais aussi à la distribution primaire. C’est à dire la répartition des richesses au sein de l’entreprise, entre capital et travail mais aussi entre les travailleurs eux-mêmes. Pour ce faire, nous proposons de limiter les écarts salariaux de 1 à 20. C’est ce que proposent toutes les organisations syndicales en Europe, affirmant que dans une entreprise qui est une communauté de travail, personne ne peut prétendre à une réussite qui ne ferait que être personnel. Il faut une répartition plus juste et donner la priorité à la logique industrielle sur la logique financière. Il existe un désir de justice dans la société et dans les entreprises. Une société plus juste est aussi une société plus créative et productive. Il y a donc de la place pour le législateur.

Justement, vous avez déposé un projet de loi. Que contient-il ?

Nous proposons donc dans un premier temps de limiter les écarts salariaux de 1 à 20 dans les entreprises. Nous proposons également qu’au-delà d’un écart de 1 à 12, les rémunérations concernées et les cotisations qui y sont associées ne soient plus déductibles du calcul de l’impôt sur les sociétés. Notre texte vise également à taxer plus équitablement les hauts salaires en renforçant la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Actuellement limité au taux maximum de 4 % au-dessus de 500 000 euros de revenus, celui-ci peut désormais atteindre 15 % au-dessus de 20 millions d’euros de revenus.

Dans quelle mesure la limitation des écarts salariaux profiterait-elle aux plus démunis ?

Car cela permettrait une meilleure répartition des richesses dans les entreprises. Il n’y a que 0,32 % des salariés qui, en France, perçoivent plus de 12 fois le Smic, mais si l’on redistribue ces surrémunérations, on pourrait augmenter les 20 % de salariés les plus modestes de 233 euros net par mois. soit redistribuer 466 euros par mois aux 10 % des salariés du privé les moins bien payés. Depuis 2008, la rémunération des très hauts revenus a augmenté bien plus vite que celle des très faibles revenus. Cela ne peut pas continuer. C’est un non-sens sur le plan économique, sur le plan éthique et sur le plan environnemental. Cela génère notamment des modes de vie incompatibles avec la sauvegarde de la planète. Cependant, nous faisons un lien entre justice sociale et économie durable.

Carlos Tavares se défend souvent en se comparant aux footballeurs qui gagnent eux aussi plusieurs millions. Est-ce pertinent ?

Non. Il n’existe pas de marché international pour les grands patrons, pas de lien établi entre ces rémunérations et la performance économique. D’autant que les PDG évaluent seuls leurs salaires, dans une forme de collusion avec les principaux actionnaires parfois.

Avez-vous identifié un créneau pour l’examen de votre texte à l’Assemblée nationale ?

Nous allons défier nos collègues. Notamment ceux de la majorité pour savoir s’ils sont prêts à aller plus loin que les cris des orphelins. Bruno Le Maire s’est dit il y a quelques temps prêt à publier les écarts salariaux. Je dis encore un effort, Bruno !

 
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