Femme forte, juge et prophétesse, qui est Déborah ? – .

Louis-François Cassas (1756-1827), Vue du mont Thabor en Galilée prise du côté de la route de Nazareth (1822, plume et encre de Chine, aquarelle gouache, 48 x 66 cm), Collection particulière. Domaine public.

Dieu suscite des juges pour sauver et gouverner son peuple

La semaine dernière, nous avons regardé le début du Livre des Juges, rappelant que l’histoire commence avec l’oubli de Dieu et le péché généralisé du peuple d’Israël. Encore ici:

« Les enfants d’Israël firent encore ce qui déplaît à YHWH » (Jg 4,1)

Dieu suscite alors un « juge » pour rectifier la situation et sauver son peuple. Ainsi, Otniel, Ehud et Shamgar se succèdent dans la liste.

Et voici qu’apparaît le quatrième Juge, ou plutôt « la » quatrième Juge, parce qu’elle est une femme : Déborah (également écrit Débora).

« Et Débora, la prophétesse, épouse de Lappidot, jugeait Israël à cette époque-là. » (Jg 4, 4)

Détail important : Déborah n’est pas seulement juge, mais aussi prophétesse. Or, le rôle d’un prophète n’est pas de gouverner, mais de transmettre la parole de Dieu au peuple. Déborah a donc cette double casquette !

En hébreu, Deborah signifie « abeille ». Pour l’instant on en reste là, c’est un détail. Nous y reviendrons plus tard.

Salomon de Bray (1597-1664), Yaël, Déborah et Barak (1635, huile sur panneau de bois, 87 x 72 cm), Musée du Couvent Sainte-Catherine, Utrecht (Pays-Bas). Domaine public.

Baraq le lâche et Déborah la courageuse

Contrairement à ses prédécesseurs, Déborah n’est pas une juge chargée de mener la bataille. Car Déborah est une prophétesse : son rôle est donc de parler au nom de Dieu et non de se sauver.

Le général de l’armée d’Israël s’appelle Baraq – signifiant « éclair/éclair » en hébreu. Bref, l’étymologie hébraïque suggère symboliquement sa mission… Si quelqu’un est chargé de mener la bataille et de diriger les affaires militaires, c’est bien lui !

Mais Baraq manque de courage et de foi. Ainsi, tout au long de cette histoire :

  • c’est Déborah qui incarne l’autorité,
  • tandis que Baraq se démarque avant tout par sa peur.

Le texte biblique prend également grand soin de souligner ce décalage : le personnage le plus courageux n’est pas un homme (Baraq) mais une femme (Déborah). S’il faut dissiper les idées reçues…

” [Déborah] envoya appeler Baraq et lui dit :
— N’est-ce pas l’ordre donné par YHWH le Dieu d’Israël ? Allez, allez au Mont Thabor et emmenez avec vous dix mille hommes […].
Et Baraq lui dit :
— Si tu viens avec moi, j’irai. Et si tu ne viens pas avec moi, je n’irai pas. » (Jg 4, 6-8)

Par peur et par manque de courage, Baraq n’accepte de partir au combat qu’à une seule condition : que Déborah l’accompagne. Notons au passage la fermeté de Déborah : c’est elle qui donne les ordres à Baraq, lui le chef militaire !

Déborah accompagne donc Baraq sur le lieu de bataille, autour du mont Thabor. Mais elle lui dit clairement que c’est une femme qui aura l’honneur de la victoire (ce sera Yaël). Bis répéter, s’il le faut remettre en place quelques machos…

“J’irai avec toi.” Mais dans l’expédition que vous allez faire, la gloire ne sera pas pour vous car [c’est] entre les mains d’une femme [que] YHWH délivrera Sisera. » (Jg 4, 9)

Léon Cogniet (1794-1880), Yael tuant Sisera (vers 1870, peinture à l’huile sur panneau, dimensions inconnues), Collection particulière. Domaine public.

Yaël, une femme complètement marteau

Face à la faiblesse et à la lâcheté du lâche Baraq, Deborah réagit avec un impératif vigoureux : ” se lever “ (Jg 4,14). Après cette harangue de Débora pour envoyer Barak mener les troupes au combat, la victoire est donnée au peuple d’Israël.

L’expression “la victoire est donnée” est d’ailleurs la formule la plus juste, car l’acteur principal de cette victoire n’est ni Baraq ni ses soldats ni même Déborah, mais… le Dieu d’Israël.

« YHWH mit en déroute Sisera, tous ses chars et toute son armée au fil de l’épée devant Barak, et Sisera descendit de son char et s’enfuit à pied. » (Jg 4, 14-15)

Sisera, le général ennemi, est mis en déroute et s’enfuit lâche de se réfugier dans un village neutre, chez Héber le Kénite. Un nouveau personnage apparaît alors : Yaël.

Sisera se réfugie dans la tente de Jaël. Ce qui suit est ce que certains commentateurs interprètent comme une une sorte de scène de viol inversée. En effet, plusieurs indices laissent penser que Sisera s’apprête à violer Yaël :

  • Le contexte plante le décor : un homme et une femme entrent dans une tente, un endroit clos et caché des regards.
  • Yaël quitte la tente et revient armé d’un marteau et d’un pieu, c’est-à-dire une longue tige cylindrique semblable à la forme du pénis masculin.
  • Finalement, Yael enfonce le pieu dans la tête de Sisera, en une scène de pénétration abominable de violences.
  • Symboliquement, c’est le violeur qui est violé.

« Jaël, femme d’Héber, saisit le pieu de la tente, et ayant pris le marteau dans sa main, elle s’approcha doucement de lui et enfonça le pieu dans sa tempe, qui pénétra dans la terre, car il dormait profondément, être accablé par la fatigue. – et il est mort. » (Jg 4, 21)

Dans l’histoire de l’art, cette scène violente et sanglante a donné lieu à de nombreux tableaux. Si vous croisez un personnage avec un marteau et un pieu dans les allées d’un musée, tu sais maintenant qu’il y a de fortes chances que ce soit Yaël !

Jan Speeckaert (vers 1540-1577), Yaël et Sisera (avant 1577, huile sur toile, 170 x 167 cm), Musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam (Pays-Bas). Domaine public.

Conclusion : Yaël et Déborah

Cet épisode particulièrement sanglant a toutes les raisons de nous choquer. Mais il convient de le replacer dans son contexte et de révélons un dernier détail pour comprendre le sens de cette histoire.

Tout d’abord, soulignons l’évidence. Cette histoire ne prône pas la violence, et encore moins la violence au nom de Dieu. Pour les chrétiens, ce texte est interprété symboliquement : Sisera est un symbole du péché, et l’action de Yael indique comment combattre le péché — et non comment tuer les ennemis de la nation.

Dernier détail, le nom Yael signifie ” chèvre “, et Jaël ne donne pas de l’eau mais du lait à Sisera. Vous ne voyez toujours pas ?

  • Déborah moyens ” abeille “
  • Et Yaël moyens ” chèvre “.

En fait, il faut réunir les deux personnages féminins de cette histoire pour comprendre le sens de cette histoire : entre elles, la chèvre (Yaël) et l’abeille (Déborah), elles donnent le lait et le miel qui caractérisent la Terre Promise.

Ces indices discrets permettent finalement de saisir l’essence de cette histoire : il s’agit de combattre le mal, symbolisé par l’envahisseur Yabin et son général Sisera. Et ce sont deux femmes qui mènent ce travail pour retrouver les promesses caractéristiques de la Terre Promise. — parce que l’expression « terre de lait et de miel » est presque une seconde définition de la Terre Promise, et apparaît dans le Livre de l’Exode dans la bouche de Dieu parlant à Moïse :

” [Dieu] dit : « J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et pour le faire monter de ce pays vers un pays riche et vaste, pour une terre où coulent le lait et le miel». » (Ex 3, 7-8)

Johann Spilberg (1619-1690), Yaël avec un marteau et un pieu (1644, huile sur toile, 77 x 68 cm), Gemäldegalerie, Berlin (Allemagne). Domaine public.
 
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