« Ma peur, c’était de voir du sang… » Trois jours plus tard, la vie reprend cours normal sur les quais

« Ma peur, c’était de voir du sang… » Trois jours plus tard, la vie reprend cours normal sur les quais
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LL’insouciance a repris ses droits. Ce samedi 13 avril au soir à Bordeaux. Une chaleur estivale baigne les quais, avec des pelouses transformées en aire de pique-nique. A perte de vue, des groupes s’installent au détour de la rivière. Difficile de croire que 72 heures plus tôt, ce même endroit a été le théâtre d’une explosion de violence qui a mis la ville en alerte : cris, coups de couteau, rafales d’armes automatiques, gyrophares bleus et circulation fermée entre les deux rives. Deux morts : un Algérien poignardé par un réfugié afghan qui l’accusait de consommer de l’alcool en pleine Eid ; et l’agresseur, abattu par un policier armé d’un fusil d’assaut.

L’enquête se poursuit, la vie est déjà revenue à la normale. Notes de guitare, rires et cliquetis de canettes qu’on ouvre. Cependant, personne ici n’ignore ce qui s’est passé mercredi. « C’est vrai qu’on y a pensé en s’installant tout à l’heure », confie Amélie, qui fête ce soir ses 23 ans avec un pique-nique d’anniversaire avec quelques amis. « Ma crainte était de voir du sang ou quelque chose du genre si je n’avais pas la chance de m’asseoir à l’endroit exact où cela s’est produit. Savez-vous où c’était ? « .

Le soir des faits, elle dînait dans un restaurant sur pilotis situé sur la rive opposée, juste en face. « On a vu les lumières, on s’est demandé ce qui se passait et on a compris en allant regarder sur les réseaux sociaux. Pour repartir, le pont étant fermé, nous avons dû prendre un Uber. »

” On ne sait jamais… “

Un peu plus loin, voici un groupe de vieux copains d’école. Ils sont arrivés vendredi de Montpellier et de la région parisienne, ayant choisi Bordeaux pour célébrer, solidaires, un enterrement de vie de garçon. Après avoir bu du vin tout l’après-midi, ils font une pause avec des bières blanches bien fraîches.

« Ne dit-on pas que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit ? »

« Même si nous ne sommes pas d’ici, nous le savons, bien sûr », explique Vincent. Mais franchement, ce n’est pas un attentat terroriste, il n’y a aucune revendication… Il n’y a donc aucune raison que cela se reproduise ou de s’inquiéter. » ami Florian ajoute, avec philosophie : « Ne dit-on pas que la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit ? »

Deux personnes, un peu plus loin, ne partagent pas cette philosophie. Nisrine et Baraka, 23 et 22 ans, sont étudiants à l’université Bordeaux-Montaigne. « J’ai vraiment pensé à ce qui s’est passé quand nous sommes arrivés plus tôt », avoue Nisrine, occupée sur un panneau de toile, un pinceau aquarelle à la main. « Vous ne le diriez pas, mais je reste sur mes gardes : on ne sait jamais, on pourrait être des victimes. En plus, nous sommes des femmes, une arabe et une noire, voilées… Nous cochons tous les critères ! », lâche-t-elle avec un sourire ironique.

En parler ou pas ?

Son ami Abdelkader tempère. «, franchement, j’avais déjà oublié ce qui s’était passé», avoue le costaud. Mais il faut dire que ce genre de chose arrive dans toutes les grandes villes. Partout, il y a des gens qui ne vont pas bien… et de toutes origines : blancs, noirs, arabes, portugais, italiens… »

« Ce genre de chose arrive dans toutes les grandes villes. Partout, il y a des gens qui ne vont pas bien.

Presque autant que le drame lui-même, les débats qu’il a suscités ont laissé des traces. C’est notamment le cas au sein de ce groupe, réuni autour d’un jeu de cartes appelé le cactus. «Quand on est arrivés, on s’est dit qu’il y aurait peut-être moins de monde que d’habitude à cause de ce qui s’est passé», reconnaît Cantin. Mais très vite, on n’y a plus pensé : on s’est concentré sur le rôle qu’on jouait. »

« Dimension politique »

Ces trentenaires prennent soin de bien peser leurs propos, comme on réfléchit avant de jouer une carte : « Plus on parlera de ce qui s’est passé, plus on soulèvera le Rassemblement national : il y a une dimension politique », Place Marie. “Et si vous ne nous l’aviez pas demandé, nous n’en aurions pas parlé !” Les médias ont une grande responsabilité», ajoute Silvio. Joueurs de cactus épineux.

Enfin, la seule nouvelle qui a laissé une trace visible sur les quais est la crise agricole : depuis son aspersion de lisier par les bonnets jaunes membres de la Coordination rurale Lot-et-Garonne, le Miroir d’Eau reste complètement à sec. Et c’était vraiment le moment de tremper ses pieds pour oublier le coup de chaleur.

 
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