Tout ce que les égouts peuvent dire sur les Français

Les réseaux de traitement des eaux usées sont appelés à tort « le réseau d’égouts ». À tort, car vous ne pouvez pas et ne devez pas jeter tout et n’importe quoi dans vos toilettes. Même si plusieurs collectivités diffusent régulièrement des guides de bonnes pratiques, mènent des campagnes et lancent des alertes, force est de constater que les mauvaises habitudes ont encore la vie dure, notamment chez les professionnels de la restauration, secteur producteur de plus en plus de graisses.

Pour les particuliers, ce sont les lingettes et, là encore, leur nombre de plus en plus important qui posent problème. « Avec différents opérateurs, nous sommes arrivés au même constat. Celui d’une consommation importante de lingettes qui encrassent les collecteurs et obligent les services de la direction de l’eau et de l’assainissement (DEA) à multiplier les interventions”, explique un acteur de Seine-Saint-Denis.

En France, 233 lingettes sont utilisées chaque seconde. Cependant, ils gênent les collecteurs.

Ainsi, à l’entrée des eaux usées de la station de Valenton (Val-de-Marne) qui collecte celle du 93, entre 3 et 5 tonnes de lingettes sont collectées tous les trois jours. En France, 233 lingettes sont utilisées chaque seconde, soit 7,3 milliards par an. Et pourtant, ils ne représentent que 0,05 % de nos déchets domestiques. Équation écologique difficile à maintenir.

Des traces de cannabidiol remontant à des siècles

L’eau des égouts est si perméable qu’elle est étudiée, scrutée et collectée depuis de nombreuses années par des chercheurs en quête d’informations. Que cherchent-ils ? Une retrace de nos habitudes alimentaires à travers l’histoire, y compris contemporaine. « Les sédiments qui s’accumulent au fond des égouts agissent comme des archives de la terre », souligne Jérémy Jacob, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) basé sur le site de Paris-Saclay.

Et ces sédiments sont (très) bavards. Au-delà des habitudes alimentaires, ils racontent la végétation passée, les changements climatiques et mettent en avant de nouvelles molécules permettant de détecter de nouvelles drogues de synthèse par exemple. Pour éviter de cibler ou de stigmatiser un département, une ville ou un quartier, les prélèvements sont effectués de manière anonyme. Ceci afin de ne pas avoir un quartier de cannabis, un autre de cocaïne ou un tiers d’ecstasy.

« Cependant, les archives sédimentaires sont difficiles à lire ; les résultats doivent être interprétés avec prudence », prévient le chercheur. Pour preuve, il explique avoir découvert des traces de cannabidiol remontant à plusieurs siècles. Cela signifie-t-il que les agriculteurs français se sont adonnés au cannabis récréatif après la récolte ? « Jusqu’en 1850, avant d’être remplacé par le coton, le chanvre était très présent dans la fabrication notamment des cordages pour la Royal Navy », explique Jérémy Jacob.

Batman et les tortues Ninja

Son autre terrain de jeu : les chambres à sable. Ces sites de rétention, qui évitent d’obstruer les canalisations, recèlent des trésors d’informations. «On peut détecter les régimes alimentaires des populations au fil des siècles, mais aussi les modes de construction», explique-t-il. Des traces de zinc ont par exemple été trouvées à proximité d’immeubles haussmanniens, un matériau qui servait à recouvrir les toitures, même si le lien n’est pas formellement établi. »

Parallèlement, le chercheur rappelle la fascination qu’exercent les égouts sur l’imaginaire collectif, comme en témoignent Batman ou les Tortues Ninja. « Tout au long de l’histoire et de la littérature, ils ont toujours été présents, comme lors de la Résistance lorsqu’ils servaient de lieu de refuge. »

Plus récemment, ces prélèvements ont permis de cartographier l’évolution du Covid-19 selon les territoires. Tout comme pour les médicaments, les résultats des travaux n’ont pas été communiqués pour ne pas pointer du doigt les villes volontaires comme étant des lieux propices au développement du virus. “Cette information pourrait avoir des conséquences fâcheuses, notamment en termes de tourisme ou de prix des logements”, confie Jérémy Jacob.

Passionné par ses recherches, il se concentre désormais sur le présent et mène actuellement une expérience vivante multipartenariale sur une partie du XXe siècle.e Quartier parisien (voir interview ci-dessous). « Nous pouvons connaître, au jour le jour, les habitudes alimentaires et médicamenteuses. » L’occasion de capter, un peu plus, ce que nos égouts ont à nous apprendre sur nous-mêmes.

En quoi consistera cette expérimentation menée dans l’Est parisien ?

Nous avons contacté des institutions parisiennes et des associations citoyennes pour leur proposer, de manière participative, de modifier leurs habitudes alimentaires sur des périodes données. Concrètement, nous avons demandé aux habitants d’augmenter significativement les quantités de fruits et légumes afin de pouvoir identifier, avec les scientifiques, les traceurs qui sont analysés dans les eaux usées lors de la recherche-action. Nous menons cette campagne sans a priori, ni avec la certitude que les sédiments collectés contiendront des traces exploitables.

Que faites-vous des résultats ?

Une fois les échantillons analysés, les résultats seront présentés et discutés avec la population. J’insiste sur l’aspect participatif de ce projet qui mobilise les écoles, les associations de quartier et tous nos partenaires, notamment le service public d’assainissement d’Île-de-France (SIAAP) et la ville de Paris. Ces actions de recherche, dans lesquelles les citoyens sont directement impliqués, constituent une première mondiale.

Quelles seront les prochaines étapes du projet ?

Toujours dans ce quartier de la rue des Pyrénées, nous retournerons dans les écoles et maisons de quartier pour expliquer l’intérêt de ce travail à travers notamment des actions culturelles avec les artistes Elvire Danchin et Araks Sahakyan, mais aussi avec l’aide d’un étudiant en sociologie de Picardie. L’objectif est vraiment de faire prendre conscience aux habitants qu’ils peuvent influencer directement la qualité de l’eau rejetée. C’est aussi l’opportunité pour nous, scientifiques, de combiner les sciences de l’environnement et les sciences humaines et sociales. Une véritable interdisciplinarité qui rappelle la différence entre recherche et savoir établi.

Commentaires recueillis par JK

En quoi consistera cette expérimentation menée dans l’Est parisien ?

Nous avons contacté des institutions parisiennes et des associations citoyennes pour leur proposer, de manière participative, de modifier leurs habitudes alimentaires sur des périodes données. Concrètement, nous avons demandé aux habitants d’augmenter significativement les quantités de fruits et légumes afin de pouvoir identifier, avec les scientifiques, les traceurs qui sont analysés dans les eaux usées lors de la recherche-action. Nous menons cette campagne sans a priori, ni avec la certitude que les sédiments collectés contiendront des traces exploitables.

Que faites-vous des résultats ?

Une fois les échantillons analysés, les résultats seront présentés et discutés avec la population. J’insiste sur l’aspect participatif de ce projet qui mobilise les écoles, les associations de quartier et tous nos partenaires, notamment le service public d’assainissement d’Île-de-France (SIAAP) et la ville de Paris. Ces actions de recherche, dans lesquelles les citoyens sont directement impliqués, constituent une première mondiale.

Quelles seront les prochaines étapes du projet ?

Toujours dans ce quartier de la rue des Pyrénées, nous retournerons dans les écoles et maisons de quartier pour expliquer l’intérêt de ce travail à travers notamment des actions culturelles avec les artistes Elvire Danchin et Araks Sahakyan, mais aussi avec l’aide d’un étudiant en sociologie de Picardie. L’objectif est vraiment de faire prendre conscience aux habitants qu’ils peuvent influencer directement la qualité de l’eau rejetée. C’est aussi l’opportunité pour nous, scientifiques, de combiner les sciences de l’environnement et les sciences humaines et sociales. Une véritable interdisciplinarité qui rappelle la différence entre recherche et savoir établi.

Commentaires recueillis par JK

En quoi consistera cette expérimentation menée dans l’Est parisien ?

Nous avons contacté des institutions parisiennes et des associations citoyennes pour leur proposer, de manière participative, de modifier leurs habitudes alimentaires sur des périodes données. Concrètement, nous avons demandé aux habitants d’augmenter significativement les quantités de fruits et légumes afin de pouvoir identifier, avec les scientifiques, les traceurs qui sont analysés dans les eaux usées lors de la recherche-action. Nous menons cette campagne sans a priori, ni avec la certitude que les sédiments collectés contiendront des traces exploitables.

Que faites-vous des résultats ?

Une fois les échantillons analysés, les résultats seront présentés et discutés avec la population. J’insiste sur l’aspect participatif de ce projet qui mobilise les écoles, les associations de quartier et tous nos partenaires, notamment le service public d’assainissement d’Île-de-France (SIAAP) et la ville de Paris. Ces actions de recherche, dans lesquelles les citoyens sont directement impliqués, constituent une première mondiale.

Quelles seront les prochaines étapes du projet ?

Toujours dans ce quartier de la rue des Pyrénées, nous retournerons dans les écoles et maisons de quartier pour expliquer l’intérêt de ce travail à travers notamment des actions culturelles avec les artistes Elvire Danchin et Araks Sahakyan, mais aussi avec l’aide d’un étudiant en sociologie de Picardie. L’objectif est vraiment de faire prendre conscience aux habitants qu’ils peuvent influencer directement la qualité de l’eau rejetée. C’est aussi l’opportunité pour nous, scientifiques, de combiner les sciences de l’environnement et les sciences humaines et sociales. Une véritable interdisciplinarité qui rappelle la différence entre recherche et savoir établi.

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