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Il s’agit d’une anecdote historique qui devrait vous faire relativiser l’ampleur des horreurs que subiront vos propres adolescents.
En 1776, la reine Marie-Antoinette se change les idées en faisant une promenade en calèche près de Louveciennes. Mariée depuis trois ans à un Louis XVI qui ne semblait pas pressé de produire un héritier, la jeune femme de 17 ans était la cible des moqueries de la cour de Versailles. Souffrant du manque d’attention de son mari, elle aspire à devenir mère.
Au milieu d’un hameau, le conducteur tire brusquement sur les rênes pour éviter de peu un petit garçon qui s’est précipité sur son chemin sans prévenir. Agé d’environ 3 ans, l’enfant blond blé écarquille ses grands yeux bleus d’étonnement. Sa grand-mère se précipite hors d’une maison modeste en entendant les exclamations. La scène est rapportée en détail par Henriette Campan, dame d’honneur et confidente de la reine, dans ses mémoires publiées en 1823.
Alors que la grand-mère s’apprête à attraper le petit fauteur de troubles, la jeune souveraine s’exclame en lui tendant les bras que l’enfant est à elle, puisque le destin l’a placé sur son chemin. Il présente même des similitudes physiques avec la reine, blonde aux yeux bleus.
Les vêtements ne font pas un prince
Le petit Jacques (né François-Michel) Gagné a perdu sa mère quelques mois plus tôt. Comme ses quatre frères et sœurs, il a été confié aux soins de sa grand-mère, qui peine à survivre. Marie-Antoinette voit définitivement la main du destin ! “Je vais prendre celui-ci et soutenir les autres, si ça te va ?”
“Ah Madame, ils ont beaucoup de chance”acquiesce la femme. “Mais Jacques est un sale gosse”prévient-elle. “J’espère qu’il restera avec toi!” Marie-Antoinette la rassure : elle saura l’amadouer. L’enfant se retrouve aussitôt à genoux dans le carrosse de la reine, direction Versailles. Absolument paniqué, il crie et s’agite tellement, donnant des coups de pied à la reine et à ses dames d’honneur, qu’il faut interrompre le parcours.
L’arrivée à Versailles ne semble pas l’intimider. Sous les yeux d’une cour étonnée, l’« Autrichienne » elle-même tient la main de la petite, toujours vêtue de ses vêtements pudiques et sales, qui pleure en appelant sa grand-mère, son frère Louis et sa sœur Marianne. Une nounou prend le pauvre petit Jacques à part pour qu’il se calme. Deux jours plus tard, il a été « rendu » à sa nouvelle mère.
« Une tenue blanche bordée de dentelle, une ceinture rose à franges argentées et un chapeau orné de plumes remplacent désormais le bonnet de laine, la petite tunique rouge et les sabots de bois »commente Henriette Campan, qui retrouve Jacques “vraiment beau”.
Alias Armand de Bourbon
Louis XVI et Marie-Antoinette semblent sous le charme. Le petit Jacques Gagné est officiellement adopté la même année et renommé Armand de Bourbon.
Avec lui, Marie-Antoinette oublie sa frustration. Armand continue d’être récalcitrant et ses accès de colère sont redoutés par l’entourage des souverains (cette gravure d’époque le représente en plein « caprice »). Elle le comble d’attention et l’appelle “mon enfant”. Le petit Armand lui est amené tous les matins à 9 heures pour qu’elle puisse prendre son petit déjeuner en sa compagnie. Elle dîne également avec lui tous les soirs, et il n’est pas rare que le roi se joigne à eux.
Ce dernier décide d’assurer sa descendance. Huit ans après la cérémonie, le mariage était enfin consommé. En décembre 1778, Marie-Antoinette donne naissance à Marie-Thérèse, qui sera plus tard connue sous le surnom de Madame Royale. Absorbée par l’éducation de sa fille, la reine se lasse d’Armand et de son comportement capricieux. À la cour, on dit qu’il a été trop gâté par Marie-Antoinette, accusée de satisfaire tous ses caprices.
Le couple royal a cependant tenu parole et pourvu à l’éducation de ses frères et sœurs. L’un d’eux, Denis, devient violoncelliste du roi en 1787. Leur sœur Marie-Madeleine Gagné, au moment de son mariage, disposait selon son contrat de la somme de 3 000 livres – ce qui équivaudrait aujourd’hui à plus de 30 000 euros.
Tuer la mère
De multiples sources témoignent que Marie-Antoinette s’est occupée des enfants Gagné jusqu’en 1792. Même en prison, elle a continué à prendre des dispositions pour assurer leur sécurité et leur envoyer de l’argent. Elle fit de même avec les trois autres enfants (Zoé, Jean et Ernestine), qu’elle adopta après Armand et qui furent élevés comme compagnons de ses enfants naturels à Versailles.
Mais cette enfance de privilèges forcés a toujours beaucoup inquiété Armand. Lorsque le peuple commence à se révolter, il craint que sa position de favori de la reine ne lui apporte les pires ennuis. C’est ce qui l’incite à rejoindre les rangs des révolutionnaires en 1789.
Devenu, selon Henriette Campan, “le terroriste le plus sanglant de Versailles”, il meurt le 6 novembre 1792 lors de la bataille de Jemmapes. Ce jour-là, les Français remportent le conflit face aux troupes autrichiennes. Un Œdipe drôle…