En Turquie, l’inflation continue de frapper les ménages

En Turquie, l’inflation continue de frapper les ménages
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L’augmentation des prix à la consommation a atteint 68,5% en mars sur un an en Turquie. Mais ce chiffre est contesté par un groupe d’économistes indépendants, qui estiment la hausse des prix à 124,6% sur douze mois. (les archives)

ATS

A peine l’effervescence des élections municipales retombée, l’inflation qui a précipité la débâcle du camp présidentiel en Turquie revient dans toutes les conversations.

Selon les chiffres officiels publiés mercredi, la hausse des prix à la consommation a atteint 68,5% en mars sur un an, soit une hausse supplémentaire de 3,2% sur un mois.

Ce chiffre est contesté par un groupe d’économistes indépendants qui calculent la hausse des prix à 124,6% sur douze mois.

Malgré une hausse drastique des taux d’intérêt depuis juin, la hausse des prix “ne s’arrête pas, elle continue”, souligne l’économiste Murat Sagman, fondateur de la société de conseil en stratégie Sagam.

Devant le marché aux épices d’Istanbul, Osman Karakoç, 64 ans, peine à vendre ses épis de maïs grillés qu’il revend 30 livres (0,85 franc) aux passants.

« Au marché, il y a un prix le matin et un autre le soir. Je ne peux pas gagner ma vie si je vends moins cher», se défend-il. « C’est un produit local, mais les gens ont du mal à se le permettre », déplore-t-il.

Talon d’Achille

Au pouvoir depuis 2003, le président Recep Tayyip Erdogan a bâti ses succès électoraux sur ses promesses de prospérité depuis vingt ans.

Mais l’économie est devenue son talon d’Achille et est mise en avant comme la principale cause de la défaite de son parti AKP (islamo-conservateur) aux élections municipales de dimanche dans les plus grandes villes du pays.

L’inflation, supérieure à 35% en Turquie depuis fin 2021, porte la marque de sa politique monétaire passée.

Contrairement aux théories économiques classiques, le chef de l’Etat a longtemps défendu la baisse des taux d’intérêt même lors des poussées d’inflation en invoquant à plusieurs reprises les préceptes de l’Islam, qui interdit l’usure.

Réélu en mai 2023, il a nommé en juin une équipe d’experts à la tête des finances publiques et a laissé la banque centrale relever son principal taux directeur à 50% en mars.

Mais la dévaluation de la livre turque, qui a perdu 40 % de sa valeur face au dollar en un an, et les augmentations répétées du salaire minimum continuent d’alimenter la flambée des prix.

Pour Murat Sagman, réduire les dépenses publiques est « le seul moyen de ralentir l’inflation ».

Le ministre turc de l’Economie, Mehmet Simsek, qui a fait cette suggestion, a réaffirmé mercredi que le gouvernement ferait “tout ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de stabilité des prix”.

Nicholas Farr, analyste chez Capital Economics, prédit « un nouveau resserrement monétaire ». « Un effort plus concerté pour resserrer la politique fiscale sera également nécessaire », dit-il.

“C’est assez”

Les acheteurs du marché aux épices d’Istanbul, qui viennent acheter des olives, du fromage ou du poisson, disent tous subir l’inflation de plein fouet.

Parmi eux, un certain nombre de retraités qui perçoivent une pension mensuelle inférieure à 300 euros.

“Je vote pour Erdogan depuis aussi longtemps que je me souvienne… nous lui avons fait confiance et avons fermé les yeux sur tout, mais ça suffit”, déclare Leyla Duman, une femme au foyer portant un foulard, des lunettes de soleil et un long manteau.

« Ils donnent 10 000 livres (290 euros) aux retraités : est-ce que les gens doivent payer leur loyer ou leurs factures avec ? elle demande.

Son mari Serif, 63 ans, employé des travaux routiers, affirme ne pas prendre sa retraite « par peur » car la pension de base « n’est pas suffisante ». « Notre argent fond de jour en jour », insiste-t-il.

“Atterrissage en douceur”

Le président Erdogan a quatre ans avant la prochaine élection, la présidentielle de 2028. Cette fenêtre pourrait lui donner le temps de prendre des mesures douloureuses.

“Nous avons le temps de mettre en œuvre toutes les réformes structurelles (mais) nous assisterons à un ralentissement de l’économie” en raison des taux d’intérêt élevés et d’un resserrement des dépenses, prédit Murat Sagman.

Pour la banque centrale et le ministère de l’Economie, l’enjeu sera « d’aller vers un atterrissage en douceur », estime-t-il.

Ce qui implique de choisir entre lutter contre l’inflation sans ralentir totalement l’activité et des mesures plus drastiques, au risque de déclencher une récession.

Pendant ce temps, Hasan Yildiz, un mineur de charbon à la retraite, continue de voir les prix monter en flèche.

« Le fromage que nous avons acheté 60 livres est passé à 250, 280, 300 livres », raconte-t-il. “Au lieu d’acheter un demi-kilo, on en achète la moitié… ça devient très difficile.”

AFP

 
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