La politique étrangère de la France est-elle cohérente ? (1/2) – .

La politique étrangère de la France est-elle cohérente ? (1/2) – .
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Emmanuel Macron est resté fidèle aux principes de la France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qu’il décline selon les circonstances.

Jean-Louis Bourlanges

Modem Président de la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale

Toute politique étrangère naît d’une confrontation entre des principes et des circonstances. Les principes sont figés et reflètent une vision du monde qui gagne à n’être ni instable ni incertaine. Les circonstances changent et déterminent des relations de pouvoir et des modes d’organisation de l’action en constante évolution.

Une politique étrangère est dangereusement rigide si elle ignore la variabilité des circonstances et ridiculement incohérente si elle oublie les principes sur lesquels elle est fondée. La cohérence n’exclut pas le mouvement car, comme le disait le Bernin : “l’homme n’est jamais plus lui-même qu’en marchant”.

Chez Emmanuel Macron, les principes sont fondamentalement les mêmes que ceux qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, guident la France. Ce sont – permettez-moi cette référence – ceux d’un « centrisme sans frontières » combinant ce qu’il y a de meilleur dans une droite affranchie des tentations nationalistes et dans une gauche arrachée à ses excès autoritaires. Les principes se résument essentiellement à la volonté de faire émerger une Europe suffisamment libre, unie et respectée pour sortir de ce vide historique dans lequel l’avait plongée la séquence tragique des deux guerres mondiales.

Emmanuel Macron est animé par une conviction simple et forte : fonder l’avenir de l’Europe au service de la paix, du droit et de la liberté, garantir le rétablissement d’une autorité politique et morale perdue dans le rejet de ce qu’il y avait de pire en elle : la la tentation prédatrice, l’écrasement des hommes par l’État, la violence entre nations souveraines érigée en principe de vie international, l’indifférence bien partagée du capitalisme et du socialisme aux déséquilibres et au pillage écologique.

Depuis 1945, nous nous efforçons de suivre cette feuille de route et certains ont pu croire, il y a une trentaine d’années, que nous avions enfin gagné contre la barbarie du fascisme, du stalinisme et des guerres colonialistes. Mais c’était une illusion. Les circonstances sont là qui nous confrontent à une nouvelle phase de « brutalisation » du monde. Nous découvrons qu’après avoir cultivé ce qu’il y a de meilleur en nous – les valeurs universelles de liberté et d’égalité – nous sommes menacés par leur exact contraire : l’avidité et le mépris, le désir de dominer, d’humilier et d’écraser.

La montée de la fragmentation, du ressentiment et de la violence « aux quatre coins du monde » nous oblige à adapter constamment et douloureusement nos approches stratégiques. On redécouvre l’obligation d’être fort pour être juste. Nous comprenons que le chemin vers l’universalité passe par la défense géopolitique de l’Europe particulière dont nous sommes les héritiers et les garants.

Emmanuel Macron qualifie ce processus d’abandon de la « naïveté ». À quel point naïf ? Le sien peut-être, le nôtre sans doute qui nous a fait ignorer l’injonction du général de Gaulle : « La vie est un combat, le succès coûte des efforts et le salut exige la victoire. »

Le chef de l’Etat peine à tirer les leçons des changements du monde et a fragilisé la position de notre pays en réduisant ses ressources.

Cécile Cukierman

Président au Sénat du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste-Kanaky

Les agitations du président de la République et ses multiples « coups d’éclat » en matière de politique étrangère – plus s’apparentant à des coups d’épée dans l’eau – permettent de masquer l’affaiblissement du rôle de la France dans son action diplomatique. Cela est d’abord dû en partie à l’insuffisance des moyens de notre réseau diplomatique, à laquelle s’ajoute la rupture de confiance provoquée par Emmanuel Macron dans sa remise en cause du modèle de recrutement et du statut de notre corps diplomatique.

Par ailleurs, la multiplication des missions et le lancement de grands projets sans cohérence budgétaire sont légions. Dernière en date : la lutte contre les inégalités mondiales résultant d’une loi de 2021 dont l’objectif était d’atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2025 n’a pas échappé au coup dur, trois ans plus tard, de 800 millions d’euros dédiés à l’aide publique au développement.

Mais, au-delà des problèmes de moyens et du risque réel d’affaiblissement de notre diplomatie qui en résulte, les incohérences du président de la République nous montrent une chose. Aucune leçon ne peut être tirée des changements intervenus dans le monde actuel. En Afrique, l’échec de notre politique africaine est constaté avec la fin de « Barkhane » sans remettre en cause les fondamentaux politiques qui nous y ont conduits.

Comment expliquer le maintien des sanctions imposées au peuple malien, ainsi que la suspension de notre aide publique au développement alors même que les pays membres de la CEDEAO ont pour leur part annoncé la levée des sanctions financières ? En Ukraine, nous passons d’un président qui voulait œuvrer à une solution politique à un président qui endosse le rôle de chef de guerre des Européens.

En Palestine, le président maintient timidement dans ses déclarations des principes conformes aux résolutions de l’ONU mais, en pratique, notre action diplomatique reste muette lorsqu’il s’agit d’œuvrer concrètement à imposer le cessez-le-feu à Israël. Aucun levier sur les ventes d’armes, le commerce ou même la reconnaissance unilatérale de l’État palestinien n’a été actionné, signifiant ainsi notre « double standard » et l’impuissance complice de la France dans ce conflit.

Derrière ces confusions et improvisations du président se cache l’isolement croissant de l’Occident dans le monde et, avec lui, de la France. Dans un monde hypercompétitif mettant à mal la solidarité et déclenchant des insécurités alimentaires, sanitaires, voire migratoires, notre pays devrait placer sa diplomatie comme la pièce maîtresse de notre stratégie de promotion de la paix mondiale, plutôt que de l’utiliser comme un simple outil. Communication.

Cette relégation de notre diplomatie se manifeste dans l’asymétrie spectaculaire des trajectoires budgétaires respectives de nos moyens militaires et diplomatiques. En pensant compenser l’affaiblissement de la voix de la France par le bruit de ses canons, nous ne faisons que nous éloigner un peu plus de l’exigence de dialogue que réclame le monde d’aujourd’hui et renforçons notre isolement.


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