« Le prix des panneaux photovoltaïques s’est effondré de plus de 50 % au cours des 12 derniers mois »

« Le prix des panneaux photovoltaïques s’est effondré de plus de 50 % au cours des 12 derniers mois »
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Dans une interview au MondeÉnergieJulien Chirol, président de la filiale française de BayWare Solar Systems, évoque la possible pénurie de panneaux photovoltaïques qui pourrait toucher la France.

Le monde de l’énergie —Officiellement, les stocks de panneaux photovoltaïques disponibles dans l’Union européenne sont importants, ne laissant craindre aucune rupture d’approvisionnement. Quel est l’état de ces stocks et pourquoi vous semblent-ils trompeurs ?

Il faut d’abord préciser qu’aucun organisme indépendant ne collecte de données sur l’état des stocks d’équipements photovoltaïques.

La société de conseil norvégienne Rystad Energy a d’abord estimé le nombre de panneaux solaires stockés dans les entrepôts européens à 40 GWc en juillet 2023, avant de relever son estimation à 80 GWc à la fin de l’année. Un chiffre absolument massif, qui laisse présager un excédent d’offre, puisque la capacité installée en 2023 en Europe était de l’ordre de 60 GWc.

Ces spéculations ne sont sans doute pas sans fondement : il est vrai que les constructeurs chinois ont massivement expédié des panneaux vers l’Europe à partir de 2022, dans un contexte où l’augmentation des capacités a stimulé l’offre de matériaux, quand la guerre en Ukraine et les retards de livraison ont renforcé la demande.

Mais ces évaluations nous semblent biaisées : certains stocks sont comptés plusieurs fois lorsqu’ils passent d’un entrepôt à un autre. Surtout, ils ne prennent pas en compte les spécificités du marché français : seule une minorité de panneaux y est adaptée.

Le monde de l’énergie —Comment la majorité de ces PV ne sont-ils pas adaptés au marché français ?

Les fabricants ne conservent pas de stock de panneaux adaptés aux particularités du marché français, isolé du marché européen par deux spécificités.

Sur les moyennes et grandes toitures, pour les installations supérieures à 100 kWc, les panneaux doivent avoir une empreinte carbone inférieure à 550 kg CO2 eq/kWc pour bénéficier de l’obligation d’achat. Seuls les panneaux destinés au marché français disposent de ce Bilan Carbone Simplifié, réalisé par Certisolis.

Sur le marché résidentiel, la spécificité française est cette fois fiscale. En effet, la TVA sur les installations solaires est réduite à 10 % en dessous d’une puissance de 3 kWc, entraînant un effet de seuil sur cette puissance. Pour optimiser la performance financière des projets, les installateurs privilégient les installations de 7 panneaux de 425 Wc. Ce qui constitue une niche.

On aura donc peut-être des stocks abondants de panneaux 72 cellules, type P d’ancienne génération, chez des constructeurs de deuxième ou troisième catégorie. Mais ce matériau sera commercialement peu adapté.

Le monde de l’énergie —Quels sont les facteurs qui risquent de provoquer une pénurie de photovoltaïque de bonne qualité sur le marché français ?

Dans un contexte de baisse des prix, les installateurs avaient tout intérêt, tant que les stocks restaient élevés, à acquérir leur matériel au dernier moment pour bénéficier des meilleurs prix. De nombreux projets de centrales au sol ont ainsi été reportés pour économiser sur l’achat de panneaux.

En raison des conflits maritimes en cours en mer Rouge, des délais supplémentaires de deux à six semaines sont désormais nécessaires pour que les panneaux solaires atteignent l’Europe.

Cette situation entraîne désormais un effet de ciseau auquel le marché français est particulièrement vulnérable. Les risques de tensions ou de pénuries pourraient conduire à opter pour des panneaux de qualité inférieure.

Le monde de l’énergie —Pour éviter ce type de pénurie, ne devrions-nous pas essayer de nous débarrasser de notre dépendance à l’égard de la Chine ? Quelle part du photovoltaïque utilisé en France et dans l’UE est fabriquée dans des usines chinoises ?

La Chine détient 84 % de la chaîne de valeur de fabrication de panneaux photovoltaïques. Elle produit même 96 % des tranches de silicium selon l’Agence internationale de l’énergie. La part des panneaux chinois sur le marché français est donc cohérente avec ces chiffres. Même s’il existe des usines d’assemblage en France, près de 100 % du silicium installé provient de Chine.

Cette domination du marché est le résultat d’une politique volontariste, de fortes subventions publiques au secteur et du dynamisme de son marché local : la Chine a installé environ 220 GW rien qu’en 2023… plus que l’Europe en 30 ans. Selon Wood Mackenzie, un module fabriqué en Europe coûte deux fois plus cher que son équivalent « fabriqué en Chine ».

De ce fait, les panneaux photovoltaïques chinois sont les moins chers du marché. La baisse des prix du silicium a atteint un point bas historique fin 2023. Le prix des panneaux s’est effondré de plus de 50 % au cours des 12 derniers mois, défiant les prévisions de tous les analystes, dont aucun n’avait imaginé un tel effondrement.

Mais aussi ceux de meilleure qualité, puisqu’ils ont développé une industrie mature avec la R&D la plus compétitive au monde.

Le monde de l’énergie —Où sont les projets de relocalisation de cette industrie ? Quels sont les obstacles à ce mouvement ?

L’enjeu de la délocalisation, qui est un enjeu de souveraineté énergétique, est donc de produire du matériel de qualité équivalente à celle des panneaux chinois, à un prix acceptable par le marché. C’est un défi difficile à relever, compte tenu de l’avancée des constructeurs chinois et de leur volume de production.

Nous disposons d’usines d’assemblage de panneaux en France. Des initiatives comme celles de Carbon ou Holosolis sont intéressantes, mais les volumes resteront marginaux par rapport à ceux produits en Asie.

Deux critères seront essentiels à court terme pour rendre compétitifs les panneaux fabriqués en Europe : une empreinte carbone, et/ou une protection du marché européen, sur le modèle de l’IRA (Inflation Reduction Act) américain.

Aucune n’est sans inconvénients ni efficace à court terme et se fera au prix d’une diminution de la compétitivité de l’énergie photovoltaïque, qui est pourtant le premier levier de réduction des émissions de gaz à effet de serre selon le GIEC.

N’oublions pas que l’essentiel de la valeur ajoutée du photovoltaïque ne réside pas dans les panneaux, mais dans les travaux liés à leur installation et à leur maintenance. Et l’énergie compétitive qu’ils produisent.

 
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