comment le bal dans un village de la Drôme a tourné au drame

comment le bal dans un village de la Drôme a tourné au drame
comment le bal dans un village de la Drôme a tourné au drame

Après l’incommensurable tragédie du bal de Crépol, qui a fait un mort et plusieurs blessés, dont deux grièvement, ce week-end dans la Drôme, l’agitation semble s’être apaisée dans les rues du village de 500 âmes. Les abords de la salle des fêtes qui accueillait samedi près de 400 personnes, une soirée accessible sur inscription-réservation ou à défaut après paiement d’un droit d’entrée le soir même, sont déserts. Une soirée avec quatre agents de sécurité privés pour le filtrage et la surveillance des entrées.

Les entrées des établissements publics ont été scellées avec des rubans rouges par les enquêteurs. Ce lundi matin, seuls quelques passants se sont arrêtés devant le bâtiment où des bougies formant un cœur à la mémoire de Thomas, le lycéen de 16 ans mortellement poignardé, avaient fini de s’éteindre dans la nuit. “Repose en paix petit ange”, lit-on sur l’un d’eux.

VIDÉO. “Ils ont aveuglé les gens” : ce que l’on sait des violences qui ont tué Thomas, 16 ans, dans la Drôme

« Tout le monde est sous le choc. C’est inconcevable de voir ça à Crépol», souffle Jocelyne, une Drômoise qui a passé quelques minutes devant le petit autel éphémère. Deux promeneurs suivent quelques instants plus tard : « Ma petite-fille de 12 ans était au bal, elle est partie 10 minutes avant que les choses ne dégénèrent. Me dire qu’elle aurait pu mourir ce soir-là me hante », imagine Jeanne. Son amie ajoute que son petit-fils de 16 ans, également présent à la fête, « s’est retrouvé avec un couteau sous la gorge et il n’arrive pas à dormir ».

Après la stupeur, l’incompréhension et la colère

La journée se passa ainsi, rythmée par ces quelques allées et venues discrètes. Dans un silence seulement rompu par le bruit d’une machine agricole dans une noyeraie au loin, ou par l’église Saint-Étienne dont le clocher qui sonne l’Angélus surveille la salle des fêtes sur fond de couleurs automnales. Derrière les murs de galets des maisons, typiques de la région, l’étonnement des habitants a laissé place à l’incompréhension et à la colère.

« J’ai l’impression de vivre un cauchemar », confie l’une des organisatrices de la soirée, Emmanuelle Place. Avec sa mère, à côté d’elle, elle est l’un des piliers du comité des fêtes. « Ma famille participe à l’organisation d’événements villageois depuis quarante ans. Nous n’avions jamais connu une telle violence, poursuit Emmanuelle. J’étais dans la pièce quand c’est arrivé. C’est au moment où le DJ annonça la fin de la soirée. Les jeunes se sont dirigés vers les sorties mais se sont retrouvés bloqués. Alors je suis allé regarder dehors et c’est là que j’ai vu le carnage. »

« Je ne veux pas entendre le mot bagarre. C’était une attaque »

Selon son récit, les jeunes assaillants avaient déjà fait beaucoup de dégâts et poignardé des personnes. « Alors je pars à la recherche de mon fils de 17 ans qui participait à la fête, et là, je vois un blessé sur une chaise qui se fait masser cardiaque », se souvient-elle, la voix étranglée par les larmes. . Elle reprend son souffle et continue de décrire l’horreur dont elle a été témoin.

«Je vais ensuite dans la cuisine et cette fois c’est Thomas qui est à terre et qu’on essaie de sauver», témoigne encore Emmanuelle Place. J’ai continué à appeler les pompiers car avec le temps, de plus en plus de personnes ont été découvertes. Dans les toilettes, un autre avait été poignardé dans le dos. J’ai eu l’impression d’attendre longtemps la police. Tout le monde s’est réfugié dans la pièce car nous ne savions pas si les assaillants nous attendaient toujours dehors. Il y avait du sang partout. Partout. »

Un autre témoin a décrit à notre journal une scène de « chaos ». «C’était un bain de sang. Des jeunes de la ville encerclaient la salle des fêtes et des gens aveuglés. Le videur a eu les doigts coupés», rapporte-t-il, même si les auteurs n’ont pas été identifiés, ni le lieu d’où ils venaient.

Pour Emmanuelle Place, l’organisatrice du bal, « les agresseurs sont venus piéger les gens gratuitement ». LP/Thomas Pueyo

Selon Emmanuelle, il n’y a jamais eu de bagarre : « Je ne veux pas entendre le mot bagarre. C’était une attaque ! Les assaillants sont venus piéger les gens gratuitement, insiste-t-elle. Tout ce que je veux, c’est que les responsables soient retrouvés et punis. Ils sont venus à la fête avec des couteaux de cuisine et de boucher mesurant au moins 20 cm. Il y avait déjà un petit groupe qui était entré dans la salle et avait payé l’entrée (4 euros). Les gardes les avaient quand même désarmés parce qu’ils portaient des couteaux. Personnellement, je ne porte pas de couteau. »

L’enquête pour « homicides et tentatives en bande organisée » s’annonce longue

De son côté, le procureur de Valence utilise le terme de « bagarre ». « Dans la nuit, au moins dix individus non inscrits à cette manifestation se sont présentés à l’entrée pour y participer. À la fin de la soirée, un incident s’est produit entre l’un des quatre agents de sécurité et l’un des individus non enregistrés. Cet incident a dégénéré en violences à l’arme blanche, l’agent de sécurité a été blessé, et les dix individus arrivés de nuit ont alors formé un groupe hostile. Des participants inscrits à la soirée sont ensuite venus soutenir les agents de sécurité et une rixe s’est ensuivie qui s’est poursuivie à l’extérieur”, a expliqué Laurent de Caigny dans un communiqué ce lundi soir.

L’enquête pour « homicides et tentatives en bande organisée » confiée aux gendarmes s’annonce longue. Il y a plus de 450 témoignages à recueillir auprès des personnes présentes à la soirée, une tâche rendue d’autant plus difficile que de nombreuses personnes sont parties rapidement après le drame. D’autres sont sous le choc de la violence de cet événement.

Lundi après-midi, plus de 50 auditions avaient déjà été réalisées. Quelques gendarmes parcouraient encore les rues de Crépol pour récupérer les enregistrements des caméras de surveillance dont sont équipés certains commerces du village. Leur exploitation se poursuit. Il en va de même pour de nombreuses analyses de connexions aux relais téléphoniques.

« Il faut rester prudent sur l’origine des assaillants »

“Des éléments concordants sont collectés qui ciblent d’éventuels suspects et des techniques d’identification sont utilisées pour présenter des panneaux photographiques aux témoins”, précise encore le procureur. « A ce stade il faut rester prudent sur l’origine des agresseurs », prévient une Source proche de l’enquête, alors que certains évoquent d’emblée le quartier de la Monnaie, un quartier compliqué de Romans-sur-Isère.

Le procureur de Valence, au vu de l’avancement de l’enquête, souligne que « la précision du déroulement des faits doit permettre de mieux comprendre le mobile de cette rixe, aux détours de laquelle un mineur qui se rendait seulement au le ballon de sa commune a été tué. Au vu de ces avancées, il est cependant faux d’affirmer que le groupe hostile serait constitué d’individus tous originaires de la même ville et du même quartier. Les liens qui peuvent exister entre les suspects potentiels et ceux en cours d’identification ne semblent pas reposer sur de telles logique territoriale. »

Alors que la nuit enveloppe la Drôme, les bougies se rallument au pied du mur de la salle des fêtes de Crépol. « On a de la haine, reconnaît Léo, qui a connu Thomas du rugby : « Une grande famille. C’est comme si mon frère avait été attaqué. Personnellement j’ai un sentiment de violence incontrôlable. Tout le monde veut savoir qui est coupable et qu’il paie pour le malheur qu’il a causé. »

Pour sa mère, originaire du quartier de la Monnaie, la violence ne doit pas conduire à la violence. « Il ne faut pas stigmatiser tout un quartier où la majorité des habitants sont de bonnes gens. » Comme un souhait d’apaisement après la sauvagerie des événements de samedi.

 
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