Dénichée sur YouTube par l’homme politique et influenceur d’extrême droite Damien Rieu, une vidéo montrant un homme prénommé Mertel B. et proposant une formation pour obtenir l’allocation adulte handicapé (AAH) a suscité l’indignation sur les réseaux sociaux. L’homme se vante de toucher près de 1 800 euros d’aide sociale « sans rien foutre ».
La viralité de cette vidéo, largement partagée depuis lundi 18 septembre, a fait réagir la ministre des Solidarités, Aurore Bergé, qui a annoncé mardi sur X (anciennement Twitter) avoir « a immédiatement procédé à une inspection de la Cnaf [Caisse nationale des allocations familiales, ndlr] et entre à la MDPH [Maison départementale pour les personnes handicapées]« . Aurore Bergé assure qu’en quelques heures, cet individu a été identifié. “Si la fraude est avérée, des poursuites judiciaires seront immédiatement engagées et les aides indûment perçues seront récupérées.”
L’homme, qui propose une formation à 300 euros pour bénéficier de l’aide sociale aux personnes handicapées, met en avant sa propre expertise en la matière : «Je suis handicapé sur le papier. Je vous rassure je suis en très bonne santé, alhamdoulilah, je suis en très bonne santé. J’ai mes jambes, je marche, j’ai mes yeux, je vois, je respire. J’ai fait valoir un point – alors je ne vais pas entrer dans les détails car je garde mon dossier médical privé. Mais j’ai réclamé mon handicap, un handicap invisible, à la MDPH, qui a reconnu mon handicap et pour lequel je perçois une allocation adulte handicapé.
Obsédé par le commerce électronique
Le « plan » qui vous permettrait d’atteindre “931 euros par mois sans rien foutre”, consiste selon lui à faire valoir un handicap psychologique « invisible », dû à un burn-out ou à une dépression, et à trouver un médecin discret qui produira les attestations permettant d’obtenir cette aide sociale. Face caméra dans une vidéo partagée sur une plateforme publique, il affirme (sans VérifierActualités n’a pas encore pu vérifier la véracité de ses affirmations) cumulent plusieurs prestations sociales simultanément : « Je perçois l’accumulation des AAH, des AAS [en fait ASS, allocation de solidarité spécifique]PLA [Aide au logement] jusqu’au 31 décembre 2026, soit 1 800 euros net par mois qui tombent sur mon compte sans rien foutre, sans travailler. Longue vie à la France !”
Pris en flagrant délit d’incitation à la fraude sociale, l’homme à l’origine de ces images a supprimé la plupart de ses publications sur les réseaux sociaux. Cependant VérifierActualités a pu retrouver de nombreuses traces de sa vie numérique.
Agé de 39 ans, Mertel B. est un homme obsédé par le e-commerce, qui cherche à s’enrichir grâce à la vente de formations. Il est également à la tête de plusieurs sociétés de commerce en ligne, enregistrées à Trappes dans les Yvelines et spécialisées dans la vente de produits Apple. Au dos d’un de ses livres (auto-édité et en vente sur Amazon) proposant de devenir riche grâce à la vente en ligne, il se décrit comme « un pur produit de la banlieue parisienne »OMS « lors d’un voyage au Japon, voulant s’isoler de ses banlieues pessimistes, […] découvert par hasard comment fonctionne le e-commerce”.
Vendant sa légende, il assure qu’à son retour en France, “il essaie de postuler, avec plus ou moins de succès” ce qu’il a appris au Japon “jusqu’à ce qu’il adapte le modèle économique du dropshipping”. Se vantant d’avoir triplé son salaire en trois mois et d’avoir généré ses premiers 500 000 euros de chiffre d’affaires en à peine un an, il assure avoir dit la vérité à son patron avant de se faire virer sur-le-champ. -champ. “Mais comme Mertel aime à le dire, c’est lui qui a viré son patron”s’exclame-t-il au dos du livre.
Sous le pseudonyme « Dropmarket Empire » sur YouTube, Mertel B. promeut le « drop-shipping », cette pratique de vente sur Internet, pour laquelle le vendeur est uniquement responsable de la commercialisation et de la vente de la marchandise. Elle ne s’occupe pas de l’expédition du produit qui est effectuée directement par le fournisseur jusqu’au consommateur final. Pour s’assurer un maximum de revenus, le vendeur achètera des produits bon marché auprès de fournisseurs chinois qu’il revend à un prix bien plus élevé à ses clients. Populaire sur les réseaux sociaux, où pullulent les formateurs promettant de devenir facilement millionnaire, cette pratique est considérée comme légale par la DGCCRF.
« Régime fiscal »
Pour des sommes allant de 197 euros (pour une formation) à 697 euros (pour la même formation et sept heures de coaching), Mertel B. propose d’apprendre « faire du e-commerce sans site internet et sans budget publicitaire» et ainsi vous lancer dans le drop-shipping. Parmi les différents modules proposés, le formateur enseigne également « création de société offshore aux Etats-Unis », « le régime fiscal pour être résident fiscal français et ne pas payer d’impôts », “Obtenez un financement en actions lorsque vous êtes interdit d’activité bancaire” ou “obtenir un prêt quand on n’a pas de revenus”.
Outre ces formations, disponibles sur un site à son nom, Mertel B. proposait également de vendre ses connaissances sur d’autres plateformes comme le site de vente de services Come Up (où il vendait sa formation pour frauder l’AAH) ou le site de recrutement freelance. plateforme Malt, où il est vendu sous le nom «Consultant en médias de détail et expert du marché» pour 2 000 euros par jour. Sur Malt, il se présente comme diplômé depuis 2022 d’un Master de Commerce de l’Université Paris-Est Créteil et d’un diplôme d’économie et de gestion de l’IAE Gustave Eiffel, école de management située à Créteil.
Ne limitant pas sa diffusion de connaissances aux vidéos publiées sur YouTube, Mertel B. est également l’auteur de plusieurs e-books. À l’arrière de Zones franches urbaines : paradis fiscal en France. Comment payer jusqu’à 0 euro d’impôts en France en s’installant en ZFUil dit que« il exerce des activités entrepreneuriales dans lesquelles il a dû prendre des dispositions fiscales (sic) pour réduire ses impôts. Afin de minimiser son impôt sur les sociétés, il a déménagé dans une ZFU à Trappes. Dans une de ses vidéos, il assure que son entreprise Mapomverte bénéficie de l’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale ». Contacté par VérifierActualitésMertel B. n’a pas répondu à nos demandes.
Ce mercredi, Bercy a réagi à la vidéo de Mertel B. Sur Sud Radio le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, a annoncé vouloir présenter « un délit d’incitation à la fraude » dans le projet de loi de Finances 2024 « condamner avec la plus grande fermeté ceux qui favorisent la fraude fiscale et sociale ». Dans le cas de Mertel B, il se pourrait aussi que l’homme soit non seulement un spécialiste de la fraude au handicap social, mais aussi de la fraude fiscale. En effet, suite à la publication de cet article, Tris Acatrinei du site Projet Arcadia, qui suit l’actualité parlementaire, nous a informé que Mertel B. applique les mêmes conseils d’évasion fiscale qu’il propose dans sa formation.
Lorsqu’il a enregistré sa société Smart Business en 2021 en France, l’homme a indiqué avoir bénéficié d’un apport de 200 000 euros de la part d’une société baptisée IPADESTOCK, enregistrée au Nouveau-Mexique aux Etats-Unis. Plusieurs formations drop-shipping recommandent aux entrepreneurs se lançant dans le e-commerce de créer une société offshore aux Etats-Unis sous la forme d’une Limited Liability Company (LLC) « faire en sorte que les bénéfices soient déclarés sur le territoire où ils sont peu ou pas imposés ». Ils conseillent d’ouvrir une telle société dans certains États, comme le Wyoming, le Delaware ou le Nouveau-Mexique, en présentant la LLC comme fiscalement avantageuse pour éviter de payer de nombreux impôts et qui garantirait l’anonymat auprès du fisc français (ce qui ne va pas). D’autres cours recommandent de créer une entreprise au Royaume-Uni pour les mêmes raisons.
Cependant, en quelques clics, nous pouvons découvrir que Mertel B. a enregistré les sociétés IPADESTOCK LLC au Nouveau-Mexique (États-Unis) en décembre 2018 et IPADESTOCK LTD au Royaume-Uni en avril 2021. est une société enregistrée aux États-Unis par ce même Mertel B. Reste à savoir si l’homme a correctement déclaré ses revenus au fisc français. Après un contrôle par la CNAF, elle pourrait donc être contrôlée par le Trésor public.
mercredi, à le parisienl’avocat du YouTubeur a affirmé que l’aide sociale reçue par son client avait « en aucun cas le résultat d’une tromperie ». « Cette vidéo n’est en aucun cas une reconnaissance effrontée d’une escroquerie à l’aide sociale.s’est défendu Me Hakim Chergui, « mais des preuves de vulnérabilités psychiatriques importantes » par Mertel B. « Les pathologies prétendument invisibles qui le touchent ont été constamment diagnostiquées et traitées par le corps médical : l’incohérence de cette provocation sur YouTube en offre une triste démonstration » ajouta le conseil.
EDIT : ajout de la réaction de l’avocat de Mertel B. le 21 septembre à 7h10
ajout de paragraphes concernant les sociétés enregistrées aux États-Unis et au Royaume-Uni, le 21 septembre à 9h40