L’ancien premier ministre du Canada Jean Chrétien prend la plume pour répondre aux « insultes et insultes totalement inacceptables ». [aux] menaces sans précédent » de Donald Trump
Jean chrétien
Premier ministre du Canada de 1993 à 2003
Aujourd’hui c’est mon 91e anniversaire.
C’est l’occasion de célébrer avec ma famille et mes amis. Pour revenir sur la vie que j’ai eu le privilège de mener. Et réfléchir à la façon dont ce pays que nous aimons tous tant a grandi et changé au cours des neuf décennies que j’ai passées sur cette terre.
Cette année, j’ai aussi décidé de m’offrir un cadeau d’anniversaire. Je vais faire dans ce texte quelque chose que je ne fais plus très souvent : m’exprimer sur un enjeu majeur qui touche l’état de la nation et qui me préoccupe profondément comme tant d’autres Canadiens. Bien sûr, ce sont des insultes totalement inacceptables et des menaces sans précédent contre notre souveraineté de la part de Donald Trump.
J’ai deux messages très clairs et simples.
À Donald Trump, d’un vieil homme à l’autre : réveillez-vous ! Qu’est-ce qui vous fait penser que les Canadiens abandonneraient un jour le meilleur pays du monde – et ne vous y trompez pas, c’est ce que nous sommes – pour rejoindre les États-Unis ?
Je peux vous dire que les Canadiens apprécient leur indépendance. Nous aimons notre pays. Nous avons construit ici quelque chose qui fait l’envie du monde entier – dans la compassion, la compréhension, la tolérance et la recherche d’un moyen pour que des personnes d’origines et de croyances différentes vivent ensemble en harmonie.
Nous avons également construit un solide filet de sécurité sociale – en particulier dans le domaine des soins de santé publics – dont nous sommes très fiers. Ce n’est pas parfait, mais cela repose sur le principe selon lequel les plus vulnérables d’entre nous doivent être protégés.
Ce n’est peut-être pas la « manière américaine » ou la « manière Trump ». Mais c’est la réalité dont j’ai été témoin et vécue tout au long de ma longue vie.
Si vous pensez que nous menacer et nous insulter va nous faire changer d’avis, vous ne nous connaissez vraiment pas. Vous ne savez pas que lorsqu’il s’est agi de combattre dans deux guerres mondiales pour la liberté, nous nous sommes engagés – à chaque fois – des années avant votre pays. Nous nous sommes battus et nous avons fait d’énormes sacrifices.
Nous avons également eu le courage de dire non à votre pays lorsqu’il a tenté de nous entraîner dans une guerre totalement injustifiée et déstabilisatrice en Irak.
Nous avons bâti une nation sur le territoire le plus accidenté et le plus difficile qu’on puisse imaginer. Et nous l’avons fait contre toute attente. Nous pouvons paraître faciles à vivre et doux. Mais ne vous y trompez pas, nous sommes déterminés et durs.
Un message à nos dirigeants
Et cela m’amène à mon deuxième message, à tous nos dirigeants, fédéraux et provinciaux — et à ceux qui aspirent à diriger notre pays :
Commencez à montrer cette détermination et cette ténacité. C’est ce que les Canadiens veulent voir, c’est ce dont ils ont besoin. C’est ce qu’on appelle le leadership. Les Canadiens sont prêts à suivre. Vous devez montrer la voie.
Je sais que l’esprit est là. Depuis les attaques de Trump, tous les partis politiques se sont prononcés en faveur du Canada. En fait, à ma grande satisfaction, même le Bloc Québécois défend le Canada !
Mais on ne gagne pas un match de hockey en jouant seul en défense. Nous savons tous que même si nous répondons à une demande, le président Trump en reviendra avec une autre, plus importante. Ce n’est pas de la diplomatie, c’est du chantage.
Nous avons besoin d’une autre approche. Une approche qui brisera ce cycle.
Le président Trump a accompli une chose : il a uni les Canadiens plus que jamais ! Tous les dirigeants de notre pays sont unis dans la détermination de défendre les intérêts canadiens.
Lorsque je suis devenu premier ministre, le Canada était confronté à une crise d’unité nationale. La menace d’une séparation d’avec le Québec était bien réelle. Nous avons agi pour faire face à cette menace existentielle de manière à rendre les Canadiens, y compris les Québécois, plus forts, plus unis et encore plus fiers des valeurs canadiennes.
Il existe désormais une autre menace existentielle. Et nous devons encore une fois réduire notre vulnérabilité. C’est le défi de cette génération de dirigeants politiques.
Et vous n’y arriverez pas en utilisant les mêmes vieilles approches. Oui, dire aux Américains que nous sommes leurs meilleurs amis et leur plus proche partenaire commercial est une bonne chose. Il en va de même pour le lobbying intense à Washington et dans les capitales des États, soulignant que les droits de douane nuiront également à leurs économies. Concernant les tarifs de rétorsion : lorsque vous êtes attaqué, vous devez vous défendre.
Réduire notre vulnérabilité
Mais nous devons aussi jouer en attaque. Disons à Trump que nous avons nous aussi des problèmes de frontière avec les États-Unis. Le Canada a des lois strictes sur le contrôle des armes à feu, mais les armes illégales proviennent des États-Unis.
Nous devons lui dire que nous nous attendons à ce que les États-Unis agissent pour réduire le nombre d’armes à feu entrant au Canada. Nous voulons également protéger l’Arctique. Mais les États-Unis refusent de reconnaître le passage du Nord-Ouest traversant l’Arctique canadien comme des eaux canadiennes et insistent sur le fait qu’il s’agit d’une voie navigable internationale. Nous avons besoin que les États-Unis reconnaissent le passage du Nord-Ouest comme des eaux canadiennes.
Nous devons également réduire notre vulnérabilité en premier lieu. Nous devons être plus forts. Il existe plus de barrières commerciales entre les provinces qu’entre le Canada et les États-Unis.
Faisons un projet national pour éliminer ces barrières ! Renforçons les liens qui unissent ce vaste pays, par exemple en créant un véritable réseau énergétique à travers le pays.
Nous devons également comprendre que Donald Trump ne nous menace pas seulement, il cible également un nombre croissant d’autres pays ainsi que l’Union européenne elle-même. Il ne fait que commencer.
Le Canada devrait rapidement convoquer une réunion des dirigeants du Danemark, du Panama, du Mexique et de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour formuler un plan de lutte contre ces menaces. Chaque fois que M. Trump ouvre la bouche, il crée de nouveaux alliés pour nous tous. Organisons-nous ! Pour combattre un pouvoir brut et inadmissible, nous avons besoin de la force du nombre.
Respect de nos adversaires
Le défi n’est pas d’attendre dans la peur la prochaine décision de Donald Trump, mais de construire un pays et une communauté internationale capables de lui résister.
Les Canadiens me connaissent. Ils savent que je suis optimiste. Que je suis pratique. Et que je dis toujours ce que je pense. J’ai commis ma part d’erreurs au cours de ma longue carrière, mais je n’ai jamais douté un seul instant de la décence de mes concitoyens canadiens – ou de mes adversaires politiques.
La génération actuelle – et future – de dirigeants politiques doit se rappeler qu’ils ne sont pas des ennemis les uns des autres, mais des adversaires. Personne n’a jamais aimé autant que moi la dureté de l’arène politique. Mais j’ai toujours compris que chacun de nous essayait d’apporter une contribution positive pour rendre notre communauté et notre pays meilleurs.
Cet esprit est plus important que jamais alors que nous relevons ce nouveau défi. Ils devraient garder cela à l’esprit.
J’ai 91 ans aujourd’hui et je suis en bonne santé. Et je me tiens sur les remparts pour contribuer à défendre l’indépendance de notre pays, comme je l’ai fait toute ma vie.
Vive le Canada!
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