Qui n’a jamais soulevé une pierre enfouie dans la terre pour découvrir un monde grouillant de vie ? C’est ce qu’a fait une équipe de chercheurs à 2 515 mètres de profondeur au large des côtes d’Amérique centrale, au niveau de la dorsale Pacifique Est.
Sous cette chaîne de montagnes sous-marines, qui traverse l’océan Pacifique du nord au sud, deux plaques tectoniques s’éloignent l’une de l’autre, créant entre autres des bouches hydrothermales par lesquelles circule l’eau chauffée par le magma et chargée de composés chimiques.
Ces oasis sous-marines, dont l’existence n’a été découverte que dans les années 1970, abritent une biodiversité unique. Les vers tubicoles géants (qui construisent un tube dans lequel ils vivent) et les moules s’y développent sous une pression 250 fois supérieure à celle de la surface et dans l’obscurité totale, en symbiose avec des bactéries qui produisent des nutriments à partir de minéraux.
L’équipe de scientifiques a cherché à comprendre comment les larves du ver tubicole se déplacent et colonisent rapidement de nouveaux champs de sources hydrothermales après une éruption.
Nous avons émis l’hypothèse que les larves (…) pourraient être transportées avec de l’eau froide depuis les profondeurs de la croûte, où cette eau se mélange au fluide des cheminées avant d’être expulsée à la surface et de s’y installer.
— Monika Bright, professeur de biologie marine à l’Université de Vienne et co-auteur de l’étude.
Des écosystèmes uniques méritant une protection particulière
Pour collecter des échantillons à une telle profondeur, l’équipe a utilisé un véhicule sous-marin télécommandé conçu pour explorer les profondeurs marines, équipé de caméras, de bras manipulateurs et d’un grand burin pour percer et retourner les roches.
“J’essaie d’en récupérer”poursuit Mme Bright, “on a découvert qu’il y avait des cavités en dessous” et que ceux-ci étaient richement peuplés : microbes et larves, mais aussi vers adultes, patelles (sorte de mollusque) et animaux mobiles comme les polychètes (sorte de ver annélide) ou les gastéropodes (escargots marins).
Notre découverte montre que des découvertes inattendues peuvent être faites, même sur notre planète, dans des endroits spécifiques étudiés depuis plus de 30 ans, tout simplement parce que personne n’avait pensé auparavant à chercher des animaux dans la croûte..
Dans ces grottes d’environ 10 cm de hauteur, dont une abritait des vers mesurant jusqu’à 41 cm de long, on retrouve des conditions proches de celles de la surface à proximité des cheminées et propices au développement des larves : « une température atteignant 25°C, de l’oxygène et du sulfure d’hydrogène toxique en concentrations modérées »explique-t-elle.
Il semble ainsi que “Les larves peuvent se disperser dans des cavités pour potentiellement coloniser les fissures de lave et le fond de l’océan, ou même s’y installer et grandir à l’âge adulte, devenant ainsi une faune permanente dans des cheminées souterraines peu profondes.”écrivent les auteurs de l’étude.
« Nous pensons que les animaux ne peuvent pas être trouvés très profondément, car nous supposons que les conditions deviennent plus extrêmes à mesure que l’on descend : des températures plus élevées, moins d’oxygène, des concentrations plus élevées de sulfure d’hydrogène et une acidité accrue. Cependant, nous pensons que l’extension horizontale pourrait être assez étendue.souligne Mme Bright.
« Il est important de savoir qui vit là et où, afin de pouvoir les protéger de l’exploitation minière en haute mer. Cette faune est unique et doit être protégée »prévient-elle.
Article initialement publié le 16 octobre.
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