« Chiller à Montréal », réalisé par Valérie Amiraux, s’intéresse au comportement des jeunes dans les lieux publics.
Crédit : Alexandra-Dion-Fortin
Les PUM lancent une collection de bandes dessinées. Les deux premiers volumes abordent les problématiques d’accès à la vaccination pendant la pandémie et la sociologie des jeunes dans l’espace public.
Une nouvelle collection intitulée « Enquêtes scientifiques » paraît cet automne aux Presses de l’Université de Montréal (PUM), proposant une approche originale et accessible de diffusion des démarches scientifiques sous forme de bande dessinée. Animé par Valérie Amiraux, professeure de sociologie et vice-rectrice aux partenariats communautaires et internationaux à l’Université de Montréal, et Laurence Monnais, professeure d’histoire de la médecine et de santé publique à l’Institut des sciences humaines en médecine de l’Université de Lausanne et professeure agrégée Au Département d’histoire de l’UdeM, la collection met en valeur des recherches éclectiques et fait appel au talent de deux bédéistes québécoises pour les premiers volumes, Alexandra Dion-Fortin et Carolina Espinosa.
Refroidisseur à Montréal, réalisé par Valérie Amiraux et illustré par Alexandra Dion-Fortin, qui porte sur le comportement des jeunes dans les lieux publics, et Ces vaccinations qui (n’ont pas) eu lieu : pandémie chronique, de Laurence Monnais et Carolina Espinosa, qui abordent les enjeux d’accès aux soins révélés par un projet de recherche-action mené pendant la pandémie de COVID-19, inaugurent la série.
Une nouvelle collection chez PUM
La collection « Enquêtes Scientifiques » est née d’une réflexion sur la manière de diffuser la connaissance scientifique au-delà des formats habituels. Valérie Amiraux, passionnée de romans graphiques et de bandes dessinées, avait déjà testé la bande dessinée avec Salomé et les hommes en noir, co-écrit avec Francis Desharnais (Bayard, 2015). Elle trouve dans cette forme d’écriture un moyen d’accéder à un public plus large, mais aussi d’incarner autrement les résultats de travaux de recherche. « Le mouvement vers différents modes de diffusion des résultats de la recherche s’observe davantage depuis une dizaine d’années dans les sciences humaines et sociales, parfois dès le mémoire de maîtrise ou la thèse de doctorat », constate-t-elle. .
La collection vise à inciter les chercheurs à réfléchir à ces nouvelles manières de présenter leurs travaux tout en restant fidèles aux presses universitaires. « C’est une autre forme de langage, une autre façon de traduire et de transmettre ses recherches. Les PUM nous offrent un cadre de choix et ont accepté de prendre le risque de se lancer dans quelque chose de complètement nouveau sans renoncer à la rigueur de leur travail éditorial », déclare Valérie Amiraux. La collection s’adresse à un public qui n’est peut-être pas spontanément attiré par des conférences ou la lecture d’articles scientifiques, mais qui se trouverait séduit en feuilletant un tel ouvrage dans les rayons d’une librairie locale. « Cette nouvelle collection PUM se concentre, pour le dire autrement, sur l’accessibilité : le format, le prix, le travail de montage, tout a été pensé pour que ces œuvres soient accessibles », poursuit-elle.
Illustrer le fonctionnement d’une enquête scientifique
Page de « Chiller à Montréal », réalisé par Valérie Amiraux et illustré par Alexandra Dion-Fortin
Crédit : Alexandra-Dion-Fortin
La série promeut le processus d’enquête. Valérie Amiraux et Laurence Monnais souhaitent montrer comment les scientifiques mènent leurs recherches, de la formulation d’hypothèses à la validation des résultats en passant par la collecte de données, tout en intégrant les doutes, erreurs et ajustements propres à la démarche scientifique.
Valérie Amiraux explique : « La pandémie m’a fait prendre conscience, de manière brutale, à quel point le rôle de la science est contesté dans les sphères médiatique et politique, sur tous les fronts, quelle que soit la discipline. Le travail scientifique est souvent non seulement mal compris, mais aussi dévalorisé. Cette collection, centrée sur le processus d’investigation, explique comment les scientifiques travaillent, comment se construisent leurs découvertes, et comment leurs hypothèses sont vérifiées ou non. Il est très important pour moi de montrer que la recherche scientifique n’est pas une question d’opinion ou d’idéologie, mais qu’elle repose sur un processus d’investigation rigoureux.»
Elle insiste sur l’importance de rendre visible ce processus : « Enquête, mot simple souvent associé aux policiers ou aux journalistes, illustre bien cette idée de progression par étapes, de réflexion guidée par des hypothèses et nourrie par l’interprétation d’indices. Certains résultats ouvrent parfois d’autres pistes qui n’ont pas été envisagées, ce que montre Laurence [Monnais] et Caroline [Espinosa] dans leurs travaux sur les hésitations à la vaccination en contexte pandémique, analysés en urgence et qui ont permis de se rendre compte à quel point la sous-vaccination dans certains endroits n’avait pas grand-chose à voir avec la réticence à la localisation du produit bio. Il est essentiel de rendre accessible ces travaux et de valoriser ces démarches pour nous aider à penser collectivement notre monde commun.
« Refroidir à Montréal », réalisé par Valérie Amiraux et illustré par Alexandra Dion-Fortin
« Chiller à Montréal », une œuvre dirigée par Valérie Amiraux, professeure à l’Université de Montréal
Crédit : Alexandra Dion-Fortin
Refroidisseur à Montréal explore le comportement des jeunes dans les parcs publics de la ville à travers quatre histoires. Que font les jeunes dans les parcs la nuit ? Quelles sont leurs expériences de ces lieux ? Quelle place leur est accordée ? Les réponses à ces questions apparaissent au fil des histoires.
Basé sur des investigations ethnographiques menées en équipe dans le cadre du projet TRYSPACES : jeunes, espaces et transformations, ce travail est le fruit d’une collaboration multidisciplinaire réunissant des chercheurs en géographie, sociologie, anthropologie et études urbaines. Ils ont observé les jeunes dans les parcs, de Montréal-Nord à Pointe-aux-Trembles, pour mieux comprendre les interactions entre eux et les lieux publics urbains, apportant ainsi une nouvelle perspective sur un sujet souvent débattu.
Valérie Amiraux souligne l’importance de dépasser les opinions simplistes concernant les jeunes. « La science n’est pas une opinion. Il ne s’agit pas d’affirmer, par exemple, que ce que font les jeunes est conforme ou non à certaines valeurs, attentes, règles. Après des centaines d’heures d’observation dans les parcs, Nathalie Boucher et Sarah-Maude Cossette dressent, dans l’un des quatre récits, le constat simple mais politiquement puissant que les adolescentes n’ont pas de place pour « être » dans l’espace public. En raison de la conception du mobilier urbain – pour les très jeunes enfants – ou de l’agencement des lieux – pour les sports collectifs, pour les hommes », précise-t-elle.
Le choix de l’équipe de recherche d’opter pour le terme refroidisseur dans le titre du livre, un mot issu du langage des jeunes devenu courant, reprend ce constat transversal aux quatre récits : «Refroidisseur, c’est être dans l’espace public sans forcément avoir une activité spécifique. Ce n’est pas une démonstration sportive ou musicale, c’est simplement « être là ». Mais cet état d’être se heurte aux contraintes sociales, aux réalités urbaines, aux différences de genre et d’origine sociale. Tout le monde n’a pas la possibilité de flâner dans un parc le soir ou de se déplacer facilement dans des quartiers différents du sien », précise Valérie Amiraux. Ce livre cherche à offrir un nouveau regard sur la réalité quotidienne de nombreux jeunes montréalais en révélant des dynamiques souvent invisibles ou incomprises dans l’espace public.
“Ces vaccinations qui (n’ont pas) eu lieu : pandémie chronique”, par Carolina Espinosa et Laurence Monnais
« Ces vaccinations qui (n’ont) pas eu lieu : chronique pandémique », de Laurence Monnais et Carolina Espinosa, aborde les questions d’accès aux soins révélées par un projet de recherche-action mené pendant la pandémie de COVID-19. .
Credit: Les Presses de l’Université de Montréal
Ces vaccinations qui (n’ont pas) eu lieu : pandémie chronique s’inscrit dans la continuité des travaux de Laurence Monnais, notamment Vaccinations : le mythe du refus, publié par PUM en 2019. Cet ouvrage propose une réflexion approfondie sur les enjeux contemporains liés à la vaccination à travers l’expérience de la pandémie de COVID-19 telle qu’elle a été vécue et comprise par les communautés les plus vulnérables, et les plus invisibles, de Montréal. Les auteurs abordent la complexité des décisions individuelles en matière de vaccination, complexité qui, dans une certaine mesure, s’est particulièrement révélée dans l’urgence de la campagne lancée au début de l’année 2021 et qui, en même temps, est restée largement ignorée dans les décisions. prises de parole et discours publics.
La bande dessinée revient ainsi sur des expériences collectives susceptibles d’avoir alimenté une certaine méfiance entre plusieurs communautés. Mais surtout, les auteurs soulignent les conséquences des obstacles économiques, géographiques, administratifs et culturels à la vaccination. « Il ne suffit pas qu’un vaccin soit gratuit pour qu’il soit accessible », rappelle Laurence Monnais et c’est une réalité historique qu’on continue d’oublier.
« Ce qui m’intéressait vraiment en tant qu’historienne de la santé, c’était d’essayer de comprendre comment les expériences passées, de violence médicale ou de négligence étatique notamment, avaient pu influencer certaines résistances et appréhensions face à la vaccination », explique-t-elle. À la base du livre se trouve une critique du discours public qui a stigmatisé les personnes non vaccinées. Laurence Monnais insiste sur la nécessité de reconnaître l’hétérogénéité des positions et surtout de chercher à comprendre les raisons de ces non-vaccinations dans un contexte de pandémie et d’urgence sanitaire mais aussi au-delà. Autrement dit, pour elle « il est urgent d’aborder les questions d’accessibilité et les préoccupations légitimes ».
À travers leurs travaux, Laurence Monnais et Carolina Espinosa proposent de renouveler les modalités de travail de la santé publique auprès des individus et des groupes les plus invisibles de l’espace public et médical. Laurence Monnais conclut en disant que “cette bande dessinée permet de mieux réfléchir pour mieux faire la prochaine fois car il y aura d’autres pandémies et d’autres campagnes de vaccination massives”.
Précédent Retour sur l’activité « Hubert Reeves et le pouvoir de l’émerveillement » 10 octobre 2024
Related News :