un pas de plus sur la voie de l’informatique quantique

un pas de plus sur la voie de l’informatique quantique
un pas de plus sur la voie de l’informatique quantique

Née en 2020, la deeptech Qubit Pharmaceuticals se consacre depuis au développement de nouveaux candidats médicaments plus sûrs et plus efficaces. Pour ce faire, elle travaille également, en parallèle, sur des travaux de recherche plus fondamentaux, axés notamment sur l’informatique quantique. Un domaine dans lequel elle a récemment réalisé des avancées majeures, comme l’ont révélé son PDG et son directeur scientifique lors d’une conférence de presse organisée cet été.

Robert Marino est P.-DG de Qubit Pharmaceuticals depuis sa création en mai 2020. © Qubit Pharmaceuticals

« Nous nous dirigeons pas à pas vers l’informatique quantique. » C’est le constat que nous présentait, début 2021, par Robert Marino, PDG de la jeune entreprise Qubit Pharmaceuticals. Depuis sa création en 2020, la deeptech parisienne a concentré ses efforts autour de la simulation et de la modélisation moléculaire accélérées par le calcul hybride – une approche combinant le calcul haute performance (HPC[1]) et informatique quantique – avec un objectif central : découvrir de nouveaux médicaments.

Face à cette perspective de croissance de l’informatique quantique évoquée par son directeur, la start-up a, depuis ses débuts, choisi de prendre les devants… « Nous avons besoin aujourd’huipréparer aujourd’hui la transition quantique, pour pouvoir répondre aux besoins de nos clients, le moment venu », nous expliquait en effet, toujours en 2021, le même Robert Marino.

Près de quatre ans plus tard, force est de constater que Qubit Pharmaceuticals a vu juste, comme en témoignent les avancées majeures qu’elle a réalisées et sur lesquelles elle a levé le voile l’été dernier, dans le cadre d’une conférence de presse organisée au sein de la Pépinière Paris Biotech Santé Cochin qui l’héberge. “ Des résultats tout à fait exceptionnels, qui permettent désormaisenvisager, à court terme, lal’utilisation duinformatique quantique en production », comme l’a annoncé, en préambule de cette rencontre estivale avec la presse, Robert Marino.

Émulation : les qubits avant les qubits

En complément de ses travaux de recherche appliquée, axés sur la co-conception de molécules thérapeutiques aux côtés du CRO[2] Français (lire dans l’encadré ci-dessous), l’entreprise qui compte aujourd’hui une soixantaine de salariés poursuit un important programme de recherche plus fondamentale dans le domaine du calcul haute performance et de l’informatique quantique, et possède son propre grappe centre de calcul, situé au nord de Paris. Un outil particulièrement puissant – composé de plus de 200 GPU[3] – qu’elle utilise à la fois pour ses besoins en matière de calcul haute performance et de formation d’algorithmes d’IA, mais aussi pour une application directement liée à l’informatique quantique : l’émulation de qubits.

« Il est en effet possible d’émuler un ordinateur quantique sur un ordinateur classique », schématise Jean-Philip Piquemal, professeur à Sorbonne Université, co-fondateur et directeur scientifique de Qubit Pharmaceuticals. Une possibilité qui a conduit la deeptech à développer son propre émulateur : Hyperion-1. “ Il nous semblait important de ne pas attendre et de commencer dès maintenant à développer les logiciels qui fonctionneront, demain, sur de véritables ordinateurs quantiques. », underlines Jean-Philip Piquemal.

Grâce à cet outil, l’entreprise a notamment réussi, comme elle l’avait annoncé en fin d’année dernière, à émuler 40 qubits dits « logiques », ces assemblages de qubits physiques permettant de corriger les erreurs – et elles sont nombreuses – survenant notamment du phénomène de décohérence quantique.

40 qubits logiques… Encore très loin des quelque 250 attendus qui seraient nécessaires pour résoudre avec précision l’équation de Schrödinger et ainsi réussir à déterminer, aussi fidèlement que par expérience, certaines propriétés de petites molécules comme le dihydrogène (H2), ou l’hydrure de lithium (LiH). “ C’est ce qu’on appelle la précision chimique : obtenir un résultat de calcul impossible à distinguer de l’expérience. », explains Jean-Philip Piquemal.

L’informatique hybride, un pari gagnant

Et pourtant, Qubit Pharmaceuticals a réussi, comme elle l’a révélé lors de cette rencontre avec la presse organisée en juillet dernier. Et ce, d’ailleurs, sans même exploiter tout le potentiel de son émulateur Hyperion-1 : une vingtaine de qubits lui suffisaient en effet – une trentaine, tout au plus, pour certaines molécules – comme nous l’explique son directeur scientifique : « Tout le monde pensait qu’il faudrait des centaines, voire des milliers ou des dizaines de milliers de qubits… Avec la technologie hybride d’Hyperion – qui permet de trier les différentes sous-parties d’un calcul complexe. et de les orienter, selon l’intérêt que cela peut avoir en termes de rapidité d’exécution, soit vers le HPC, soit vers l’informatique quantique – nous avons cependant montré que cela était possible avec dix fois moins de qubits que prévu « . Une sorte de « raccourci » sur le chemin qui mène à la précision chimique via le calcul quantique, pour reprendre le titre d’une prépublication décrivant en détail ces résultats et la méthode utilisée par les chercheurs de Qubit Pharmaceuticals et de Sorbonne Université pour y parvenir. ” Toutefois, si atteindre 200 qubits dans une machine reste un véritable défi, il l’est moins pour une vingtaine ! », underlines Jean-Philip Piquemal.

Cette avancée a permis à la deeptech d’obtenir un financement de 8 millions d’euros dans le cadre du plan 2030. De quoi poursuivre le développement d’Hyperion-1 et ainsi continuer à tracer la voie vers des solutions qui tourneront, demain, sur de véritables ordinateurs quantiques. “ L’émulation Qubit nous permet de ne pas avoir à attendre la disponibilité de ces machines « physiques » pour développer nos algorithmes. », rappelle en effet encore Jean-Philip Piquemal. Mais ce n’est pas tout : comme le conclut le professeur de Sorbonne Université, « cela nous permet aussi de participer, aux côtés de leurs constructeurs, à la conception de ces futures machines, en définissant dès maintenant le nombre de qubits dont nous aurons réellement besoin. ».

Conception assistée par ordinateur de molécules thérapeutiques : une approche en pleine accélération

Au cours de la dernière décennie, l’utilisation d’outils de conception assistée par ordinateur de molécules thérapeutiques – basés notamment sur des algorithmes d’IA – a connu un réel essor, comme en témoigne le PDG de Qubit Pharmaceuticals, Robert Marino : « Aujourd’hui, près de 10 % des molécules faisant l’objet d’essais cliniques ont été découvertes grâce à des outils d’IA et, plus largement, de conception assistée par ordinateur. ».

La technologie développée par Qubit Pharmaceuticals permet de simuler les interactions entre molécules. © Qubit Pharmaceutique

Une montée en puissance qui s’accompagne d’un changement d’approche : utilisés hier a posteriori pour comprendre l’effet – ou l’absence d’effet – d’une molécule à partir de données expérimentales, ces outils sont aujourd’hui davantage utilisés a priori, avant les synthèses.

Même si la manière dont elle est mise en œuvre évolue donc sensiblement, la conception assistée par ordinateur de molécules thérapeutiques reste malgré tout assez largement centrée autour de cibles traditionnelles, à commencer par les protéines, comme les kinases. Des biomolécules pour lesquelles les données expérimentales – essentielles à l’entraînement des algorithmes d’IA – sont en effet abondantes. Un état de fait que Qubit Pharmaceuticals a décidé de prendre à contre-pied… » Notre positionnement consiste en effet à rechercher de nouvelles cibles – notamment l’ARN – pour lesquelles nous disposons actuellement de très peu de données, alors qu’il existe un fort besoin médical non satisfait.dénoncer Robert Marino. Pour ce faire, nous avons développé des méthodes basées sur trois piliers technologiques très complémentaires – calcul haute performance, IA et calcul quantique – qui permettent, d’une part, de simuler et de valider des molécules, mais aussi, d’autre part, pour en générer de nouveaux. »

De quoi réduire, selon le responsable, d’un facteur 10 à 20 le nombre de synthèses et de tests biologiques nécessaires à la validation de nouvelles molécules thérapeutiques. Des candidats médicaments qui, dans le cadre des travaux menés par Qubit Pharmaceuticals, sont principalement destinés, pour l’instant, au traitement de certains cancers et maladies inflammatoires chroniques.


[1] Versez le calcul haute performance.

[2] Organisme de recherche sous contrat, ou société de recherche sous contrat : entreprise spécialisée dans la prestation de services dans le domaine de la recherche biomédicale destinée notamment à l’industrie pharmaceutique.

[3] Unité de traitement graphique : processeur graphique.

 
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