En plein soleil, la température de la face exposée à la lumière d’un panneau peut avoisiner les 80°C. « Et comme la chaleur se diffuse dans cette structure, sa face arrière peut atteindre 60°C à 70°C, ce qui contribue au réchauffement de l’air et donc à un transfert d’énergie entre le panneau et la toiture en dessous. sous-jacent, malgré les ombres. Nous avons effectué nos simulations en prenant en compte tout, y compris l’impact sur l’humidité de l’air et les vents, et le verdict est sans appel : la multiplication des panneaux réchauffe les villes », explique le chercheur. Selon son étude, une couverture solaire à 100 % des toits de Calcutta ajouterait 1,5°C à la température diurne.
Surchauffe le jour, refroidissement la nuit
Mais une fois le soleil couché, les panneaux adoucissent la température urbaine de quelques dixièmes de degrés – 0,6°C à Calcutta, note l’étude – rendant les nuits plus faciles à supporter pour ces citadins. “Dans l’obscurité, compte tenu des matériaux qu’ils contiennent, les panneaux rayonnent vers l’espace en infrarouge et refroidissent plus rapidement que les toits, ce qui tend à tempérer l’air de la ville.”
Outre leurs nombreuses simulations ciblées sur Calcutta, les chercheurs ont étudié d’autres villes aux climats variés, comme Sydney (Australie), Austin (Texas, États-Unis), Athènes (Grèce) et Bruxelles (Belgique). Dans chaque situation, le constat est le même : une augmentation de la température urbaine le jour (de 1,1°C à 1,9°C) et une baisse plus faible la nuit (entre 0,8°C et 0,3°C). Des extrêmes qui correspondent à un taux de couverture solaire de 100% des toitures. Les impacts sont évidemment moindres avec des proportions plus faibles de panneaux solaires.
« Il est important de prendre en compte cet effet dans les politiques d’urbanisme », estime Matthaios Santamouris. Car une surchauffe peut engendrer un besoin supplémentaire de climatisation, ce qui efface une partie de la production solaire. On calcule que si les toits de Sydney étaient tous équipés de panneaux photovoltaïques, 40 % de cette électricité solaire serait utilisée pour une climatisation supplémentaire !
Combiner production d’électricité et d’eau chaude
Alors que de nombreuses villes, voire pays, poussent à multiplier ces installations solaires urbaines, peut-on imaginer atténuer leur impact sur leur microclimat ? « Oui, il y a des pistes », répond Matthaios Santamouris. La première consiste à installer des panneaux solaires hybrides, couplant la production d’électricité à celle d’eau chaude sanitaire. Des installations certes plus coûteuses mais qui permettent de doubler la quantité d’énergie solaire récupérée par mètre carré, tout en réduisant l’impact climatique local, puisque le panneau chauffe moins. “De plus, c’est bénéfique pour la production électrique des cellules solaires : celle-ci diminue lorsque le panneau chauffe.”
L’autre solution avancée par Matthaios Santamouris est le couplage du photovoltaïque avec des toitures « frigorifiques », ou plus précisément recouvertes d’un revêtement réfléchissant, de peinture blanche par exemple, ou verte. “En plus du bénéfice sur le climat ambiant, la production d’électricité augmente dans ce cas de 6 %.” Des recherches sont également en cours pour développer des dispositifs, de nouveaux matériaux capables de maintenir la température des panneaux en dessous de celle de l’air ambiant.
Des solutions qui rencontreraient beaucoup de résistances
Qu’attend-on pour adopter ces outils, du moins les plus matures d’entre eux ? « Le problème, c’est le quasi-monopole de l’industrie chinoise, qui fournit près de 90 % du photovoltaïque mondial », regrette Matthaios Santamouris. Une telle industrie n’aime pas les changements qui remettraient en cause les investissements colossaux qui ont conduit à cette domination ; De même, les installateurs préfèrent aller le plus simple possible, avec des systèmes qui peuvent être installés en très peu de temps. Il est vrai qu’un panneau photovoltaïque basique ne nécessite qu’un équipement minimaliste ; un panneau hybride nécessite que l’eau remonte sur la toiture et la rapatrie au cœur des bâtiments une fois chauffée. Ce n’est pas la même histoire.
Il existe une ville à laquelle cet ouvrage passionnant n’apporte pas de réponse. A Paris en effet, près de 60 % des toitures sont recouvertes de zinc, héritage de la transformation entreprise au XIXème siècle par Napoléon III sous l’égide du baron Haussmann. Or le zinc, quel que soit son métal, a une particularité : il absorbe beaucoup de rayonnement dans le spectre visible du soleil – ce qui le chauffe – et en émet peu dans l’infrarouge – ce qui l’empêche de se refroidir. En été, ces toits parisiens dépassent facilement les 80°C, au point qu’on peut facilement y cuisiner des omelettes !
« 60 % ? C’est en effet beaucoup, répond Matthaios Santamouris, cette fois en français. Nous n’avons pas étudié Paris, mais si la température de ces toitures est supérieure à celle des panneaux solaires, on peut imaginer que ces derniers rafraîchiraient l’air ambiant, même en pleine journée. De quoi, pour commencer, rendre la vie plus agréable aux occupants des fameuses « chambres de bonne », ces derniers étages surchauffés par le zinc qui se transforment en fours dès que le soleil pointe le bout de son nez.