cette écrivaine prête sa plume aux familles endeuillées – Édition du Soir Ouest-

Isabelle Pasquereau, écrivaine publique, met sa plume au service des familles endeuillées. Ses éloges affrontent la mort mais racontent aussi l’histoire de la vie, « parce que l’un met en valeur l’autre ».

Isabelle Pasquereau est une tricoteuse de mots. Comme on tisse minutieusement un point, elle manie le ton, le verbe, la formulation. Et au fur et à mesure que les lettres s’additionnent, elle donne la parole à ceux dont les paroles ne viennent pas. « Soutenir les autres, c’est ma passion. » souligne la quinquagénaire de sa voix ronde, sereine et englobante.

Dans sa maison de Bain-sur-Oust (Ille-et-Vilaine), assise devant un vieux bureau en bois, l’écrivain public griffonne sur une feuille blanche. La seule chose qui résonne dans cette pièce murée de livres, c’est le bruit du crayon sur le brouillon. « Quand je travaille, c’est toujours comme ça : un silence monastique, pas une once de musique et je reste ici des heures. »

In her house in Bain-Sur-Ouest, in Ille-et-Vilaine, Isabelle works on her writing. (Photo: Vincent Michel / Ouest-)

“Il n’y a pas de vie insignifiante”

Près de douze ans que cette auto-entrepreneuse, membre du Groupe des écrivains-conseils, met sa plume à disposition. « Pour biographies, ateliers d’orthographe, thèses, soutien administratif… » Mais aussi, et c’est plus surprenant, pour les éloges funèbres : « Je ne connais pas vraiment de collègue qui le propose. Beaucoup trouvent que parler de la mort est triste, sombre, qu’il faut vraiment être fou pour s’engager dans cette voie. Au contraire, je crois que parler de la mort, c’est parler de ce qu’il y a de plus essentiel dans la vie. elle sourit, ses yeux verts et marron illuminés par un timide soleil d’automne.

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Parce que le chagrin assèche souvent les mots, parce que le poids du deuil étouffe parfois les idées, « familles, conjoints, amis » call on Isabelle Pasquereau. « Nous discutons lors des entretiens et je leur demande de me parler du défunt. J’essaie de trouver un fil conducteur, de comprendre quel a été son rapport au monde et ce qu’il a laissé derrière lui. » Le professionnel s’imprègne, « écoute beaucoup »sans jamais hésiter. « Certaines histoires me touchent, c’est sûr, mais je les gère bien. Pour être un écrivain public, il faut faire preuve d’empathie tout en étant capable de garder une bonne distance. »

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La rédaction du texte, ouverte aux commentaires de ses clients, varie en fonction des commandes. « Pour une heure d’entretien, cela représente en moyenne cinq heures de retard de travail. L’erreur est de vouloir trop mettre son cachet, il faut que cela reste le reflet de la personne. » Avec la clé, et pour environ 250€, Isabelle livre plusieurs draps d’une histoire sur mesure, destinée à être lue lors des funérailles. « Il ne faut pas tomber dans le mélodramatique. Je cherche plutôt à extraire la lumière de cette existence, à célébrer la vie de celui qui fut. Vous savez, même les voyages les plus simples disent quelque chose sur leur époque, sur la société, sur l’Histoire… Il n’y a pas de vie insignifiante. La transmission et l’humanité sont au cœur de mes textes. »

L’écrivain public écrit des biographies, des thèses, mais aussi des éloges funèbres. (Photo : Vincent Michel/Ouest-France)

Côtoyer l’innommable

“L’humain”, c’est le fil conducteur d’Isabelle Pasquereau. Il y a plusieurs années, cette diplômée d’un BTS assistante de gestion s’est retrouvée, un peu par hasard, formatrice au Greta (structures de l’Éducation nationale qui organisent des formations pour adultes) puis conseillère en insertion professionnelle, et a même fait une incursion dans le médico-social. « J’ai travaillé avec beaucoup de gens, des analphabètes, des analphabètes, des jeunes, des malades… » elle se souvient.

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Parallèlement, Isabelle Pasquereau écrit parce qu’elle “j’aime ça”. Chaque discours écrit, pour un mariage ou une réunion de famille, suscite des compliments. « Ils m’ont dit : ‘tu devrais en faire quelque chose’. Mais je me sentais complètement illégitime. » Et au détour d’un bilan de compétences, l’évidence frappe à la porte : « En fonction de nos idéaux, de nos centres d’intérêt, ils nous ont défini des recommandations d’orientation. Pour moi c’était : bonne sœur ou écrivain (rires). L’idée a fait son chemin, j’ai essayé et ça a marché. »

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Proposer des services funéraires prend alors tout son sens : « Ce qui a été décisif, c’est d’animer des ateliers dans les Ehpad. Je suis tombé amoureux des personnes âgées. Et je suis également bénévole pour accompagner les patients en fin de vie à l’unité de soins palliatifs de Saint-Nazaire. »

« Il faut faire preuve d’empathie tout en étant capable de garder une bonne distance », estime le professionnel. (Photo : Vincent Michel/Ouest-France)

Isabelle Pasquereau, qui rédige déjà des biographies hospitalières, ambitionne désormais de développer son activité, en créant « testaments spirituels » pour permettre aux personnes âgées de transmettre leurs dernières volontés. “Je reste convaincu que faire taire la mort et éluder la question de notre finitude n’élimine pas l’angoisse mais la nourrit, souligne l’écrivain. En discuter aide à apaiser et à libérer. »

L’industrie funéraire reste cependant en marge de son activité. « C’est vrai que je fais très peu. Probablement parce que c’est peu connu et qu’il existe encore un tabou. Mais j’insiste : parler de la mort n’a jamais fait mourir personne. »

 
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