Rappelons-le, c’est fin 2015 que la communauté scientifique célébrait le 100e anniversaire de la formulation par Einstein de sa théorie de la gravitation. Ce que certains chercheurs savaient déjà – mais gardaient secret – c’est que peu de temps auparavant, les détecteurs d’ondes gravitationnelles Ligo aux États-Unis avaient fait la première détection directe sur Terre du passage d’un flux d’ondes gravitationnelles. Ils déforment la géométrie de l’espace-temps comme le ferait une onde à la surface de l’eau ou dans un milieu élastique, comme celle de l’intérieur de notre planète bleue au passage des ondes sismiques.
Au début de l’année suivante, la noosphère a finalement appris que l’ère de l’astronomie des ondes gravitationnelles avait commencé le 14 septembre 2015 avec la détection sur Terre de la Source d’ondes gravitationnelles GW150914, GW signifiant Onde gravitationnelle, En anglais. L’analyse du signal avait été réalisée par des membres de la collaboration Ligo, mais aussi de Virgo en Europe. Le signal détecté par Ligo provient des derniers événements lorsque deux trous noirs de masse stellaire, formant un couple binaire, se rapprochent en spirale, puis fusionnent en une seule étoile compacte (voir les vidéos ci-dessous). Rappelons que la France et l’Italie sont très impliquées théoriquement et observationnellement dans l’étude des ondes gravitationnelles avec le détecteur Virgo, comme en témoigne l’attribution d’une des médailles d’or du CNRS à Alain Brillet et Thibault Damour, ainsi que l’existence de grandes équipes travaillant dans des laboratoires comme le LAPP (Laboratoire de Physique des Particules d’Annecy) ou celui de l’Observatoire de la Côte d’Azur (OCA) à Nice, Artemis.
Une vidéo de présentation de la Vierge et de la chasse aux ondes gravitationnelles. © CNRS
De Ligo à Kagra et vers le futur eLisa
Futura en a profité pour interviewer à plusieurs reprises l’un des membres d’Artemis, l’astrophysicien Olivier Minazzoli, travaillant également au centre scientifique de Monaco. Il nous avait par exemple apporté plusieurs explications concernant la possibilité de tester la théorie des supercordes avec Virgo et Ligo ainsi que la possibilité d’obtenir des preuves extrêmement convaincantes de l’existence de trous noirs en mettant en évidence l’influence de ce qu’on appelle leur quasi- modes normaux sur le spectre des ondes gravitationnelles résultant de la fusion de deux trous noirs.
Les créateurs de Ligo aux États-Unis, les physiciens américains Rainer Weiss, Kip S. Thorne et Barry C. Barish ont reçu le prix Nobel de physique peu de temps après – on peut les voir présenter leurs découvertes et réalisations dans les deux vidéos ci-dessous. Ligo et Virgo allaient, dans les années qui allaient suivre, détecter plusieurs sources de collisions d’ondes gravitationnelles, fusions de deux trous noirs, collisions entre deux étoiles à neutrons, et plus rarement collisions entre trous noirs et étoiles à neutrons. Ce ne sont pas encore des événements impliquant des trous noirs supermassifs ou de masse intermédiaire, il faudra attendre l’horizon des années 2030 avec le détecteur dans l’espace eLisa.
Entre chaque campagne de recherche, les détecteurs sont mis à niveau pour devenir plus sensibles, donc capables de détecter des événements plus lointains et d’en tirer des informations plus précises concernant ces événements comme les masses, les moments angulaires de rotation propre sur eux-mêmes des trous noirs. et enfin poser de nouvelles contraintes sur les théories relativistes de la gravitation alternatives à la théorie d’Einstein.
Ces mises à niveau nécessitent des pauses et en raison de la pandémie de Covid-19, Ligo, Virgo ainsi que leur cousine japonaise, Kagra, n’avaient plus rien vu depuis 2020. La chasse aux vagues. Virgo sera un peu en retard sur son emploi du temps puisqu’il ne rejoindra Ligo dans ses recherches qu’à la fin de l’été, voire au début de l’automne 2023. Kagra a lui aussi repris sa chasse, le même jour que Ligo, c’est à dire ce 24 mai 2023.
Ligo et la chasse aux ondes gravitationnelles I. Pour obtenir une traduction française assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez “Français”. © LIGO Lab Caltech : MIT
Fusions de trous noirs mais aussi de supernovae
La sensibilité de Ligo a donc été augmentée, de sorte que les machines doivent pouvoir détecter les collisions de trous noirs tous les deux ou trois jours en moyenne au lieu d’une fois par semaine.
---Les chercheurs espèrent désormais détecter les ondes gravitationnelles émises lorsqu’une étoile entame l’effondrement qui la conduira à exploser en supernova. Cette détection est actuellement limitée à la Voie lactée, mais nous avons de bons espoirs de détecter un tel événement probablement avant 2050, avec un peu de chance.
Le programme d’étude comprend également la détection des ondes émises par les étoiles à neutrons en rotation en raison de la présence de « montagnes » à leur surface. Une sphère parfaite ne pourrait pas émettre ces ondes selon la théorie d’Einstein.
Ces dernières avancées ont notamment été rendues possibles par l’utilisation de faisceaux laser à ondes électromagnétiques « compressées ». Il s’agit de techniques de préparation d’un faisceau laser de photons en limitant au maximum le flou quantique résultant notamment des fameuses inégalités de Heisenberg.
Ligo et la chasse aux ondes gravitationnelles II. Pour obtenir une traduction française assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez “Français”. © LIGO Lab Caltech : MIT
Pour conclure cet article, rappelons un livre destiné aux enfants, qui parle de l’astronomie des ondes gravitationnelles. Nous le devons à deux spécialistes reconnues de cette nouvelle science : Tania Regimbau et Mairi Sakellariadou. Voici leur courte présentation du livre.
“ L’idée de ce livre est née sur une plage de Nice en septembre 2017, deux ans après la première détection d’ondes gravitationnelles. Cette découverte a secoué le monde scientifique, étant l’ultime confirmation de la théorie d’Albert Einstein mais aussi parce qu’elle a marqué le début d’une nouvelle ère en astrophysique. La détection des ondes gravitationnelles a reçu le prix Nobel de physique 2017.
En tant que membres de la collaboration qui a fait cette découverte, nous avons ressenti le désir de la transmettre aux enfants. Nous avons alors imaginé un conte spatial mettant en scène deux stars jumelles qui s’aimaient tellement qu’elles ont fusionné pour rester ensemble à jamais.
De là est née la première histoire de ce livre qui a marqué le début d’une nouvelle aventure pour nous, puisque trois autres histoires ont suivi… “.