Dans la passionnante biographie que lui consacre Jean-Dominique Brierre, le chanteur Alain Souchon revient sur une période trouble de sa vie. « Une tempête », concède-t-il, conséquence d’un triangle amoureux qui rend malheureux les trois personnes impliquées : sa femme, l’actrice Isabelle Adjani et lui.
L’épisode s’étend sur deux ans. Son biographe, curieux, lui demande comment il a géré la crise. «On n’y arrive pas», répond Souchon. Nous enfilons la cape. Un terme de navigation. Par mauvais temps, lorsque le bateau va quelque part parce qu’il y a beaucoup de vent, nous abaissons toutes les voiles et les amarrons. Cela ralentit un peu. Il réduit le roulis et le tangage. »
J’aime la métaphore (surtout en plein Vendée Globe). C’est l’image que j’ai du Canadien depuis deux semaines. Après les bouts de 8-2 et 6-3 contre le Seattle Kraken et les Capitals de Washington, l’équipe a baissé les voiles. Renforcement de la défense, pour réduire les coups de vent. La stratégie a fonctionné.
En revanche, en attaque, le club commençait à faire du surplace. Les défaites se succèdent. Trois, quatre, cinq, six d’affilée. Le bateau a résisté aux chocs, vague après vague. Lundi après-midi, le Tricolore se dirigeait vers une septième défaite de suite à Buffalo, lorsqu’en fin de deuxième période, le capitaine Nick Suzuki et ses coéquipiers ont décidé qu’ils en avaient assez.
Les gars ont choisi de relever les voiles. Se précipiter dans la tempête. Cole Caufield a marqué deux fois, non pas depuis son bureau dans le cercle de mise au jeu, comme à son habitude, mais à distance de respiration du gardien de but. Le Tricolore a terminé la rencontre après trois buts consécutifs, en route vers une victoire de 7-5.
Le Canadien avait besoin de cette victoire. Sinon, la semaine allait être très, très difficile.
Car en plus d’être sur la route, le club ne jouait pas avant jeudi soir. Cela a laissé beaucoup de temps à chacun pour suranalyser les problèmes de l’équipe, particulièrement le travail de l’entraîneur-chef Martin St-Louis, qui a été fortement critiqué cet automne pour les échecs de son équipe. Il s’est d’ailleurs montré soulagé lundi lors de son point presse d’après-match avec les journalistes.
“Ce soir, c’est comme si les garçons se sont dit : on en a assez, là. Je suis fier d’eux”, a-t-il déclaré. Puis il a ajouté : « J’ai dit aux garçons après le match : Je me souviens qu’en tant que joueur, parfois, je pensais que je n’aurais jamais [droit à] un autre match de championnat. Il y avait des moments où je pensais que je n’avais plus d’importance [de but] en ligue. Et en tant que jeune entraîneur, je vous jure que récemment, je me suis dit : est-ce que je vais gagner un autre match dans cette ligue ? La ligue est difficile. Parfois, ce n’est pas nécessairement la façon dont vous jouez. Ce sont les résultats qui vous bouleversent émotionnellement. »
Souvent, au cours des deux dernières semaines, j’ai semblé dépassé par la succession des échecs. Son optimisme a moins bien plu aux supporters. Pas tous les supporters, évidemment. De nombreux irréductibles se sont convaincus que tout cela faisait partie du plan de reconstruction. Que le club est exactement là où il veut être.
Euh… non.
Perdre six matchs de suite, soit 10 sur 12 si tôt dans l’année, ne faisait partie d’aucun plan. Même pour un club en reconstruction. Être au milieu d’une tempête aussi puissante provoque des dégâts dont tous les membres de l’équipe auraient pu se passer. La confiance de plusieurs éléments clés de l’organisation a été ébranlée. Je soupçonne que c’est le cas des deux gardiens. Pour Juraj Slavkovsky. Pour Kirby Dach. Pour Martin St-Louis aussi.
Vais-je gagner un autre match dans cette ligue ?c’est à peu près le comble du doute pour un entraîneur-chef. On a beau répéter que ses liens avec ses patrons le rendent intouchable, il n’en reste pas moins que depuis quinze jours, plus personne sur la croisière ne s’amusait.
Les léthargies, c’est bien connu, sont un terrain fertile pour les rumeurs.
Lundi midi, l’ancien joueur canadien Georges Laraque en a lancé une sur BPM Sports. Selon son récit, une de ses sources aurait vu Martin St-Louis et son patron Kent Hughes en conversation avec l’ancien entraîneur Gérard Gallant dans un café de Toronto la fin de semaine dernière. Information démentie 10 minutes plus tard par Hughes, dans une courte entrevue avec mon collègue Guillaume Lefrançois, à Buffalo. Hughes a même déclaré qu’il n’avait jamais parlé à Gallant de sa vie. La porte de la rumeur est fermée.
Cependant, au fond, le Tricolore devrait envisager d’embaucher un entraîneur adjoint ou un conseiller ayant plus d’expérience dans la LNH.
Quelqu’un qui a fait face à sa part de joueurs abattus. Quelqu’un qui a survécu à des séquences de défaites. Plus généralement encore, quelqu’un avec un regard neuf, sans aucun lien préalable avec le groupe qui dirige le Canadien depuis trois ans.
Des éléments de cette reconstruction méritent d’être interrogés. Il n’est pas normal qu’après 16 matchs, Cole Caufield ait marqué à lui seul plus de buts cette saison (12) que tous les joueurs acquis par l’administration actuelle depuis le début du projet (10).
La reconstruction est bonne. Mais soyons clairs. Cela ne justifie pas à lui seul tous les échecs de l’équipe cette saison.
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