« On peut dire que nous ne pensons pas à travers les choses elles-mêmes, mais à travers les représentations de ces choses. » C’est ainsi que le commissaire de l’exposition décrit cet hommage sensible au dessin. Recommencez. Échouer mieux a été imaginée par Manuel Monténégro et montée au Kunstmuseum d’Olten par ce dernier, Marco Bakker et Dorothee Mesmer. Il présente une sélection de croquis, de dessins préliminaires ou d’esquisses d’idées et de stratégies de conception architecturale. Exposées par paires, celles-ci permettent d’apprécier le cheminement d’une pensée, le mouvement qui s’opère entre l’œil et la main à la recherche d’une stratégie de projet. D’abord une esquisse, parfois un énoncé sommaire, une idée schématisée. Puis un plan ou une coupe, montrant un premier état élaboré d’un projet en cours.
Ce tour de force est le fruit du patient travail de recherche d’un chercheur et conservateur passionné, qui a extrait ces paires d’images d’une cinquantaine de fonds des collections de Drawing Matter en Angleterre, de la gta Archive de l’ETH Zurich, l’Archivio del Moderno. de l’Academia di Architettura Mendrisio, des Archives de la construction moderne de l’EPFL, de la Fondazione Archivi Architetti Ticinesi et du Studio Vacchini. Les dessins sont présentés par ordre alphabétique de leurs auteurs, c’est-à-dire sans ordre, afin d’éviter toute hiérarchie. Ils datent de la Renaissance à nos jours, même si la plupart datent de la seconde moitié du XXe siècle.e siècle. La galerie Archizoom de l’EPFL a investi toute son énergie pour réunir cette précieuse collection éphémère avant qu’elle ne se disperse à nouveau.
La sélection est complétée par une cinquantaine de dessins envoyés par des architectes suisses, jeunes et moins jeunes, actuellement en exercice. Répondant à l’appel, ils ont participé au même jeu en envoyant deux dessins, entre l’embryon et le maître d’oeuvre qui les guidera vers le projet. Tous nous invitent à nous immerger dans le patient exercice de projection – qu’on appelait autrefois conceptionsoit la conception, soit le dessin. Avec quelques centaines
paires de dessins, l’exposition atteint un objectif subtil : ne pas faire l’apologie béate du génie démiurgique de l’architecte ; L’objectif est ici d’explorer les mécanismes de création, en exploitant ces documents comme une archive de la pensée en mouvement.
Didactique du dessin
Une telle exposition pourrait utilement s’adresser à des personnes peu familiarisées avec la « recherche patiente » et la difficulté de créer un projet à partir d’une feuille blanche. Nous regrettons cependant qu’il manque au système certaines informations, voire des photographies des projets réalisés, afin de fournir des références indispensables aux non-initiés. Malgré l’intelligence et la précision du sujet, l’exposition ne risque de concerner que les architectes, qui ne parviennent décidément à intéresser que ceux qui la pratiquent déjà dans leur art. L’exposition devrait en revanche trouver un bon écho à Archizoom, dans un cadre qui lie recherche académique et mission pédagogique, notamment auprès des étudiants qui doivent apprendre à projeter – c’est-à-dire à douter – que ce soit la plume à la main. , ou en appuyant sur un clavier. Dans tous les cas, le projet est une question de doute, et de doute collectif.
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Vadémécum: les cahiers d’Álvaro Siza. Article par Manuel dans TRACÉS, juin 2022
Même s’il est possible d’apprécier Dirigéou la caractéristique d’une ligne tracée à la main et qui est propre à chaque architecte, tel n’est pas l’objectif central de l’exposition. Certes, une esquisse reflète une démarche, une main, un auteur. Mais un dessin, dit Monténégro, est toujours enraciné dans une constellation de collaborations que les architectes entretiennent avec leurs collègues : « Toutes les lignes tracées sont imprégnées d’innombrables histoires, expériences et connaissances partagées, acquises au fil des visites effectuées, des livres lus et des problèmes résolus. » Certains premiers croquis sont des relevés de villages, de ruines ou de bâtiments existants.
Ainsi Karl Moser, esquissant déjà les proportions de l’Antoniuskirche de Bâle en s’appuyant sur une basilique florentine flanquée de son clocher.
Ainsi Hans Hollein, esquissant un petit village de l’Arizona pour composer les masses d’un centre de communication étrangement futuriste.
Ainsi Alberto Ponis, suivant minutieusement les lignes de son carnet rigoureusement quadrillé pour arriver à un plan totalement organique : une de ses célèbres villas nichée au creux des falaises sardes (qui l’aurait cru ?).
Le dessin, de l’angoisse au réconfort
« Le processus de dessin, explique Manuel Monténégro, vise à rendre l’inconnu, sinon le connu, du moins contrôlable d’une certaine manière. C’est ce que racontent ces paires de croquis rassemblés qui, bien que s’étendant du 16e au 21e siècle, sont similaires : le passage d’un état d’anxiété à la maîtrise de problèmes concrets.
Les thèmes de la répétition et de l’échec auraient été inspirés par une conversation avec Alvaro Sizá sur l’état d’anxiété que ressent l’architecte portugais au début de chaque projet. Cette anxiété, explique-t-il, est progressivement apaisée par les premières notes puis les dessins, les variantes et les alternatives qui peu à peu renforcent sa confiance, et le mettent dans un état de « confort » lorsque ces notes et ces dessins s’enrichissent. par le dialogue, avec ses clients et ses collègues.
C’est ainsi que Manuel Monténégro s’est intéressé à rythmes de pensée, qui peut être « rapide » ou « lente », comme le titre du best-seller de Daniel Kahneman. La pensée rapide, instinctive, pratiquée automatiquement, ne parvient pas à innover, explique le psychologue ; tandis que la pensée lente (utilisée dans un contexte que nous ne contrôlons pas), avance par essais et erreurs, avec prudence.
Ceci explique le titre énigmatique Recommencez. Échouer mieuxemprunté à un poème de Samuel Beckett qui glorifie l’échec – mais aussi, peut-être, la création. Cette épigraphe nous encourage à comprendre cette sélection de dessins comme une apologie des essais et des erreurs dans le projet. Les dessins exposés nous apprennent que les architectes inscrivent d’abord leur projet dans un corpus de connaissances familières, s’accrochant à des choses connues, des solutions partagées, testées ailleurs. Ils créent ainsi petit à petit sur le papier un environnement de confiance dans lequel on peut, dans un second temps, tenter quelque chose de nouveau, avec prudence, en exploitant l’échec et le renouvellement constant de traits qui peu à peu figent une idée naissante.
Ainsi Alphonse Laverrière, esquissant des contours expressionnistes verticaux dignes des gratte-ciel de Chicago avant de donner à la future tour Bel-Air Métropole ses proportions plus modestes, vers 1930.
Ainsi Hans Leuzinger, architecte de refuges alpins légendaires, passant au crible un territoire avec toutes sortes de mesures d’arpentage avant d’oser se lancer, d’une main sûre, dans un rendu à l’encre du refuge Tödi, au Sandpass, en 1929.
Ainsi Lux Guyer, plaçant des petits caissons colorés dans les pièces du plan qu’elle dessine pour que les espaces prennent vie.
Recommencez. Échouer mieux est l’une des rares expositions qui permet de comprendre ce qu’est l’acte de projeter. Allez le visiter avec vos amis qui parlent d’architecture sans jamais avoir tenu un crayon. Prenez le temps de leur expliquer ce qu’est ce métier : chercher, échouer, recommencer, chercher encore. Dessiner.
EXPOSITION du 5 novembre au 2 décembre 2024
Recommencez. Échouer mieux
Vernissage – lundi 4 novembre à 18h00jeIntroduction de Marco Bakker et Manuel Monténégro.
Discours “Sur Les débuts » par Sophie Delhay, Pier Vittorio Aureli, Jo Taillieu, Catherine Gay, Nicola Braghieri, Charlotte Truwant.Visite guidée – mardi 12 novembre 17h00
Sur inscription, en anglaisVisite guidée – mardi 19 novembre, 18h30
Sur inscription, en françaisArchizoom EPFL
archizoom.ch
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