Manque de stratégie d’accompagnement, irrégularité des compétitions…(2/3)

Pape Serigne Diène, directeur technique national (Dtn), a pour sa part exprimé de vives inquiétudes quant au manque de moyens dont souffrent les sportifs. Selon lui, cette situation entrave la capacité du Sénégal à produire une élite compétitive sur la scène internationale. La Dtn indique que les sportifs doivent souvent se débrouiller pour se procurer leur équipement, comme les chaussures de compétition, ce qui représente un défi pour ceux issus des clubs les moins aisés. Il appelle à un soutien accru de l’État pour permettre aux athlètes de réaliser leur potentiel et d’améliorer les performances du pays dans les compétitions internationales.

« Les sportifs sénégalais, pour la plupart des élèves et étudiants sans ressources, se retrouvent souvent sans moyens financiers pour subvenir à leurs besoins et pratiquer l’athlétisme dans des conditions apaisées. Issus majoritairement de milieux défavorisés, ces jeunes talents sont confrontés à des défis de taille, tant sur le plan personnel que sportif. De plus, les clubs manquent de ressources et peinent à leur proposer un accompagnement efficace. Et, ni l’État ni la Fédération n’ont mis en place une politique structurée pour soutenir les sportifs en général, et les sportifs en particulier. « Cette absence de stratégie d’accompagnement est aggravée par le manque de compétitions régulières, notamment de rencontres d’athlétisme qui pourraient permettre aux athlètes de progresser et de vivre dignement de leur discipline », note Diène.

Quant à Fatou Diabaye, la directrice technique régionale (Dtr) de Dakar, elle appelle également à revoir les primes et indemnités versées aux athlètes pour mieux récompenser leurs performances et leur engagement. Les infrastructures sportives dédiées à l’athlétisme, souvent insuffisantes ou mal entretenues, limitent les possibilités d’entraînement des pratiquants. Pour Diack Thiaw, sélectionneur national, le manque d’infrastructures est notoire à Dakar. « Alors que les stades Iba Mar Diop et Léopold Sédar Senghor sont en cours de rénovation, il n’y a aucun espace d’entraînement pour les clubs, la ligue de Dakar ou la fédération. Nous sommes en train d’occuper des espaces pour pouvoir au moins entraîner les athlètes», déplore-t-il.

Pour la directrice technique régionale (Dtr) de Dakar, Fatou Diabaye, l’ouverture, au plus vite, du stade Léopold Sédar Senghor, est devenue une urgence pour sauver la saison. « Nous avons en ligne de mire les Jeux olympiques et les championnats du monde seniors, des compétitions qui ne peuvent pas être préparées en un an », rappelle-t-elle. Afin de pallier ces différents problèmes, plusieurs solutions ont été proposées. Il est crucial, selon le Dtn Pape Serigne Diène, de créer un fonds national de soutien et d’octroyer des bourses sportives. Les clubs doivent bénéficier de subventions pour leur renforcement. Le développement des compétitions, notamment à travers l’organisation de rencontres nationales et la facilitation de la participation internationale, sont également souhaités. Un soutien social et éducatif, notamment des bourses universitaires, est nécessaire. Enfin, une politique nationale du sport avec des incitations fiscales pour les entreprises doit être mise en place pour soutenir ces initiatives.

Les primes de la discorde

Aux Jeux olympiques de 1968 à Mexico, Amadou Gakou réalise un exploit qui lui permet de rentrer à jamais dans une légende. Avec un temps de 45s 01, il a établi un record (celui du Sénégal) sur 400 m, en finale, au Stade olympique universitaire de Mexique. Ambassadeur du Sénégal à cet événement olympique, le sprinteur n’a reçu que 100 000 FCFA, soit 25 000 FCFA pour chacune des quatre courses qu’il a complétées. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et la situation est restée telle qu’elle est. Les primes accordées continuent de semer la zizanie et les sportifs continuent d’exprimer leur amertume. Champion d’Afrique du 110 m haies en juin dernier, à Douala au Cameroun, Louis François Mendy n’a pas caché sa frustration après avoir reçu la prime pour récompenser sa performance. Il avait donné un coup de pied à la fourmilière. « Être champion d’Afrique pour remporter une prime de 50 000 FCFA du ministère des Sports ; “En plus d’une somme de 30 000 FCfa ajoutée à cette dernière par le président de la Fédération, il vaut mieux aller jouer au football, car Sadio Mané ou Gana Guèye n’auraient jamais accepté cette somme… Il est temps que ça arrête”, a-t-il écrit sur son blog. Compte Instagram.

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Un coup de gueule qui a créé une polémique devenue virale et qui a poussé le ministère des Sports à réagir et promettre de rectifier le tir. Pour Louis François, les primes restent un sujet complexe et l’essentiel pour lui est de rester concentré sur sa performance et ses objectifs. « Mon énergie est principalement concentrée sur ce que je peux contrôler : mon entraînement, ma préparation et l’impact que je veux laisser. Cela dit, j’ai confiance dans les efforts de ceux qui travaillent à faire rayonner notre discipline et ses athlètes. » Championne d’Afrique du triple saut 2024 en juin dernier à Douala, Saly Sarr ne cache pas son scepticisme. « Nous n’apprécions pas les primes qui nous sont versées. C’est même un manque de respect que de donner à un athlète médaillé aux championnats du monde une prime de 80 000 FCFA. Cela ne couvre même pas ses frais de déplacement et il ne peut même pas acheter de chaussures d’entraînement.

Pour le sauteur, le Sénégal doit soutenir davantage ses athlètes en les récompensant à leur juste valeur. « Le talent est là et les jeunes veulent le prouver, mais on ne leur en donne pas l’opportunité », déplore-t-elle. S’il apprécie les primes venant du ministère des Sports en guise de reconnaissance de leurs efforts, Frédéric Mendy soutient néanmoins que « celles-ci ne peuvent même pas soutenir un athlète sur une saison ».

Pour le spécialiste du 400 m plat, « la Fédération sénégalaise d’athlétisme, au-delà de son rôle fédérateur, devrait également s’efforcer d’offrir des bourses financières pour encourager les sportifs de haut niveau et de haut niveau et les aider à trouver des sponsors ». Les athlètes qui expriment de grandes attentes en matière de primes, surtout lorsqu’ils investissent des années d’efforts pour atteindre l’élite, dénoncent la discrimination et l’énorme écart avec d’autres disciplines comme le football, le basket-ball. Ils apprécient les efforts du gouvernement pour augmenter ces montants, mais soulignent également que cela doit s’accompagner d’une régularité des paiements. Les primes ne doivent pas seulement récompenser les performances, mais également soutenir leur développement continu dans le sport.

Le sponsoring, un enjeu majeur

L’absence de sponsors constitue un défi majeur pour les athlètes d’athlétisme, notamment ceux qui ne sont pas encore confirmés. Les entreprises sont souvent plus attirées par les sports à forte visibilité médiatique comme le football, le basket ou la lutte. Cela limite les opportunités pour les athlètes moins connus qui doivent souvent jongler entre emploi à temps plein et entraînement. Aujourd’hui, la question des sponsors reste un défi pour les sportifs. Selon Louis François Mendy, il faut beaucoup de travail, de patience et de communication pour que les partenaires comprennent l’impact de notre discipline. « Malgré tout, je suis reconnaissante du soutien que je reçois, qu’il soit institutionnel ou privé. Chaque aide compte pour continuer à viser l’excellence », affirme le champion d’Afrique du 110 m haies. Saly Sarr est d’accord. « Obtenir des sponsors est un véritable défi, ce qui rend souvent difficile la préparation des athlètes aux compétitions internationales. Le manque de soutien financier limite les opportunités pour les athlètes qui ne peuvent pas se concentrer pleinement sur leur entraînement et leurs performances », explique Saly Sarr. La situation actuelle nécessite, selon elle, « une prise de conscience collective afin d’améliorer les conditions de travail des sportifs et d’encourager davantage d’investissements dans le sport au Sénégal. Pour moi, l’absence de sponsors dans l’athlétisme sénégalais est due au manque de visibilité, de compétition internationale, car l’athlète sénégalais est rarement présent dans les grands événements internationaux.

 
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