Au volant de leur Toyota, Patrick et Clément Doby doivent parcourir les 7 246 km à travers l’Arabie Saoudite pour la 5e édition du Dakar classique, réservé aux véhicules anciens.
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L’appel vient de Riyad, en Arabie Saoudite. Au bout du fil, entre deux rugissements de voitures, Patrick et Clément Doby racontent leur aventure actuelle. « Nous venons tout juste d’arriver au bivouac. Nous avons déjà fait le plein du véhicule, nous devons rapidement aller monter nos tentes puis nous partons chez les mécaniciens environ deux heures pour entretenir la voiture. C’est seulement alors que nous pourrons manger et dormir. Depuis le début, nous avons des nuits très courtes. Demain départ à 5h30 dit Clément. Il l’admet, la compétition est éreintante. Mais malgré les difficultés, le ton trahit l’excitation de l’aventure. Un Dakar entre père et fils.
Car au volant, Patrick, le père, compte trois Dakar à son actif, en trois années consécutives. Sur le siège passager, son fils Clément, le copilote, c’est sa première aventure. Ensemble, ils doivent prendre leur Toyota HDJ 80 à partir de 1990 7 246 km de course à pied à travers l’Arabie Saoudite.
Pour cette 5ème édition de «Dakar Classique»la course réservée aux véhicules anciens, il existe un règlement particulier. “L’objectif n’est pas d’aller le plus vite possible mais plutôt de respecter un temps donné pour une distance donnée. Il ne faut ni aller trop vite ni être trop lent, sinon nous sommes pénalisés.» résume Clément. Des handicaps peuvent s’ajouter à certains secteurs, “spécial”. « Il s’agit par exemple de naviguer selon un cap précis ou de suivre des points GPS pour franchir des dunes » récapitule Clément. Les équipages qui se rapprochent le plus de l’objectif de temps fixé au départ obtiennent le plus de points. Un classement est ensuite établi après chaque étape. Ensuite, un classement général varie de jour en jour, en fonction des résultats quotidiens. “Nous venons de terminer la 8ème étape, il en reste 4. L’objectif est clair pour nous : terminer le Dakar. Il faut aller jusqu’au bout. Nous avons eu beaucoup de problèmes mécaniques, nous avons même dû abandonner deux spéciales, mais nous sommes repartis à chaque fois. dit Clément.
Si Patrick et Clément partent à chaque fois, c’est parce que cette année, ils sont entourés d’une équipe. A leurs côtés, trois autres 4×4 et un camion composent le “Team Pévèle”9 personnes au total, toutes originaires de Mons-en-Pévèle. Le seul camion du groupe participe à la fois à la course, mais aide également le “Team Pévèle” pour l’assistance mécanique. “C’est même la priorité” ajoute Patrick.
Le groupe d’amis propose également une assistance psychologique, nécessaire à toutes les aventures de cette intensité. « Le soir, on se retrouve pour débriefer la journée. On parle des performances de chacun, cela permet de décompresser et de se motiver. Il y a une très bonne ambiance et c’est important. La première année, je suis parti seul avec mon ami André comme copilote. Nous étions livrés à nous-mêmes, sans connaissances, il était parfois difficile de vivre avec nos amis. analyse Patrick. « Après, quand on roule, il y a vraiment un esprit de compétition. Nous nous entraidons, mais c’est toujours une course. se souvient Clément.
En plus du groupe d’amis, il règne une ambiance très particulière au camp. “Les équipes sont comme de petites tribus. Le soir, tout le monde se salue. Il y a aussi ces bruits de moteur, cette odeur particulière, le comportement des gens… C’est assez difficile à expliquer, mais par exemple tout le monde porte un costume. Et puis, nous traversons des paysages magnifiques, en plein désert. Il y a ce stress : réussir à passer les dunes, rouler dans le sable… Tout cela fait du Dakar une compétition très particulière. Une fois qu’on a vécu ça, c’est une case cochée, une aventure supplémentaire. » analyse Patrick.
C’est peut-être encore plus impressionnant pour Clément, le fils, dont c’est son premier Dakar. « Il faut imaginer : c’est comme une ville entière qui bouge chaque jour. Il y a 4 500 personnes dans le camp. C’est une énorme organisation. J’ai grandi dans le monde de la compétition et du pilotage. C’était logique qu’un jour je participe au Dakar. C’était juste une question d’opportunité. describes Clément.
Car bien que Patrick soit aujourd’hui à la retraite, Clément occupe le poste de directeur de l’innovation des vélos de la marque Decathlon. « C’est pour cela que je ne suis pas parti la première année avec mon père. C’était incompatible avec le travail de l’époque. Cette année, j’ai réussi à m’absenter trois semaines pour faire l’aventure. Pour sa première, Clément bénéficie également de l’expérience du père. Patrick dit : «Il y a trois ans, avant ma première participation, j’ai rénové le véhicule, j’ai tout changé. Je suis à la retraite, j’ai du temps libre, donc je travaille presque tous les jours. Avec des amis, nous avons renforcé le châssis, le moteur, tout démonté, tout repeint. Le véhicule a été mis à nu pour plus de sécurité, nous avons ajouté des arceaux de sécurité, un bloc moteur… »
Les détails mécaniques ainsi recensés trahissent la passion du père et du fils pour le sport automobile. Ce Dakar 2025 se fait sans sponsor, avec les fonds personnels de la famille. Ils ont investi environ 24 000 euros pour réaliser leur rêve cette année. “Frais d’inscription déjà 18 500 euros, les billets d’avion sont à notre charge, nous participons au camion d’assistance… ça compte vite. Et je ne compte pas l’achat de la voiture, c’était le prix il y a trois ans.» récapitule Patrick. Pour eux, il est clair que l’investissement en vaut la peine. « C’est certainement une expérience mémorable sur le plan mécanique. Hier, nous avons eu le malheur de casser les cadrans. Nous avons travaillé jusqu’à une heure du matin et nous nous sommes levés à 5 heures du matin, c’est aussi pour cela que cette compétition est une des légendes du sport automobile » confie Patrick. Une affaire de passionnés, coûte que coûte.
La famille est également habituée au frisson de la compétition et à l’addiction que procure la performance. Clément a été champion du monde de BMX. 20 années passées au plus haut niveau. « Mes parents me suivaient beaucoup à cette époque. Cette aventure me permet de retrouver les mêmes sensations, les mêmes émotions, et de les partager à nouveau avec mon père » describes Clément. « Nous avons vécu beaucoup d’émotions sportives ensemble. Et là, on s’est redécouverts” sourit Patrick. Et si, dans certaines familles, la communication père-fils peut parfois être compliquée, elle ne l’est pas tellement chez les Doby. « On est parfois enfermés dans le cockpit 9 heures d’affilée. Je parle pour le guider, lui donner de la vitesse, des indications. Il doit écouter et réagir. Et il écoute plutôt bien » plaisante Clément, le fils. « Je sais très bien que s’il me fait une remarque, c’est pour me corriger, pour que je fasse mieux. Avec les contraintes du pilotage, je peux commettre certaines erreurs, il me recentre. C’est un défi » admet le père.
Malgré la fatigue accumulée après deux semaines de compétition, la bonne humeur de leurs échanges trahit le véritable objectif de ce Dakar 2025. Plus que le désert, le bruit des moteurs, l’adrénaline… “C’est le concentré d’aventures humaines qui est le plus important” dit le fils. “Ce que j’aime, c’est vivre une expérience avec mon fils” conclut le père. Et si ce Dakar était en fait un bon prétexte pour créer des souvenirs père-fils ?