L’incontinence urinaire d’effort reste encore un sujet tabou dans le monde sportif. Or, selon certaines études, il s’agit d’une réalité vécue par un grand nombre de sportifs de haut niveau, et jusqu’à 80 % dans certains sports spécifiques.
Ces sportifs signalent des fuites urinaires non seulement lors de leurs entraînements, mais également dans leur vie quotidienne.
Meaghan Benfeito, triple médaillée olympique en plongeon et mère d’un jeune fils, connaît bien cette réalité.
Je pense qu’on n’en parle pas assez. Vous sortez de la piscine et parfois vous pouvez avoir des fuites d’urine. Cela arrive aussi bien aux hommes qu’aux femmes. C’est tout à fait normal. Ce n’est pas parce que nous sommes sportifs et en forme que cela ne nous arrive pas, bien au contraire.
Selon plusieurs recherches, de nombreux sports sont concernés, notamment ceux à fort impact. Les auteurs de l’un d’eux1 rapportent, par exemple, que 80 % des trampolinistes d’élite qu’ils ont étudiés ont connu des épisodes de fuites urinaires. Les auteurs d’une autre étude2 ont noté une prévalence de 50 % et 30 %, respectivement, chez les joueuses de basket-ball et de volley-ball.
Une autre étude3réalisée notamment par le Dr Carole Maître, gynécologue et médecin du sport ainsi que vice-présidente de la commission médicale de l’Institut français du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) et publiée en 2011, a constaté une prévalence de l’ordre de 50 % chez les femmes. athlètes en gymnastique, football, athlétisme et ski de fond.
Geneviève Tardif
Photo : Radio-Canada
Selon François Bieuzen, physiologiste et directeur des sciences du sport à l’UniversitéINS Au Québec, l’incontinence urinaire touche la majorité des sportifs. Ce phénomène est lié à la pression abdominale exercée lors de nombreux mouvements physiques. Plus le mouvement est répété, plus le risque est grand.
Cette pression peut surcharger le plancher pelvien qui soutient la vessie. Lors d’un effort intense, si les muscles abdominaux et le périnée ne sont pas bien sollicités, une pression excessive s’exerce sur la vessie, entraînant des fuites urinaires.
il explique.
Contrairement aux idées reçues, l’incontinence urinaire ne touche pas seulement les femmes plus âgées ou celles qui ont eu des enfants, mais aussi les jeunes sportifs de moins de 25 ans, souvent sans enfants. Parce que le sujet est encore tabou, de nombreux sportifs tentent de trouver par eux-mêmes des solutions pour éviter les fuites.
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L’incontinence urinaire touche une majorité de sportifs de haut niveau.
Photo : afp via getty images / GABRIEL BOUYS
Désormais fan de CrossFit, Meaghan Benfeito continue de vivre cette réalité, même en salle de sport, lors de certains exercices.
Il ne faut pas penser qu’on est faible parce qu’on a des fuites urinaires, insiste-t-elle. Je suis allé aux Jeux olympiques, j’ai gagné des médailles et j’ai eu des fuites urinaires toute ma vie sportive. Ce n’est pas un problème !
Heureusement pour elle, ses coéquipières et entraîneurs de plongeon ne l’ont jamais jugée. On en a ri, parce que c’était normal !
dit-elle.
D’autres athlètes aux prises avec ces fuites préfèrent se cacher, ce qui peut nuire à leurs performances et même les empêcher de s’entraîner ou de concourir.
Dans des sports comme la gymnastique ou la danse, où chaque mouvement est scruté, l’inconfort provoqué par ces fuites peut être déterminant dans une carrière.
mentions François Bieuzen.
Un article de France Informations4 publié en 2023 révèle également qu’un préparateur physique, Mathieu Pereira, a remarqué une étrange habitude chez les athlètes féminines de l’équipe nationale de trampoline : elles évitaient de boire de l’eau pendant l’entraînement. Intrigué, il leur a demandé pourquoi. La réponse : Parce que je ne veux pas me pisser dessus.
Ce qui en dit long sur le poids de ce tabou dans le monde sportif.
Prévention et éducation
La clé, selon François Bieuzen, réside avant tout dans la prévention. Ce manque d’éducation en amont constitue un réel problème. Nous n’éduquons pas les jeunes filles avant qu’elles ne deviennent adultes. Cela se produit souvent seulement après l’accouchement, alors qu’il serait essentiel d’aborder le problème plus tôt.
note-t-il.
Ce que je réalise, c’est que les sportifs sont mal informés sur leur corps !
Selon lui, il faut faire des exercices pour apprendre à renforcer le périnée et contrôler la vessie tout en intégrant des techniques de respiration et en mobilisant les muscles abdominaux. Un physiothérapeute peut être un allié précieux pour aider l’athlète à mieux comprendre son corps.
D’ailleurs, Égale Action, en partenariat avec leINS Québec, a récemment lancé une nouvelle brochure sur la physiologie du sport féminin, qui aborde des sujets comme la grossesse, les menstruations, mais aussi l’incontinence à l’effort.
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La brochure Physiologie du sport féminin, d’Égale Action et de l’INS Québec
Photo : Radio-Canada
En 2023, leINSEPen France, a lancé une série de vidéos informatives sur l’incontinence urinaire d’effort avec la participation d’athlètes de haut niveau comme la gymnaste Marine Boyer, l’escrimeuse Sara Balzer et la para-athlète Mandy François-Elie. François Bieuzen espère que ce type de campagne de sensibilisation sera également implanté au Québec, afin d’aider les athlètes à mieux comprendre cette réalité.
Et les hommes dans tout ça ?
L’incontinence urinaire d’effort touche davantage les femmes en raison de leur physiologie, mais les hommes ne sont pas épargnés.
Lors de certains exercices, comme craquements (relevages de buste, variation de redressements assis, NDLR), une mauvaise posture ou une trop forte pression sur le périnée peuvent aussi entraîner des fuites urinaires. Il est donc important d’inclure également les hommes dans cette éducation préventive
insiste François Bieuzen.
1 : Prévalence de l’incontinence d’effort chez les trampolinistes d’élite nulliparespar Eliasson et al, publié en 2002 dans le Journal scandinave de médecine et de science du sport
2 : Journal brésilien de médecine du sportdont les conclusions ont été publiées en 2011
3 : Incontinence urinaire chez le sportifde Carole Maître et Thierry Harvey, Carole Maître, Thierry Harvey, 2011
4 ; Dire « je me suis pissé dessus » est humiliant et honteux
: l’incontinence urinaire d’effort chez les sportifs de haut niveau, un tabou à lever