Conseils d’un ancien dirigeant à Ivan Gazidis – .

Conseils d’un ancien dirigeant à Ivan Gazidis – .
Conseils d’un ancien dirigeant à Ivan Gazidis – .

Peuple-Vert.fr :Philippe, peux-tu nous parler un peu de ta situation actuelle ? Que fais-tu en ce moment ?

Philippe Lyonnet: J’ai plusieurs activités. Après avoir quitté l’AS Saint-Étienne, j’ai été approché par différentes écoles de commerce et entreprises pour dispenser des formations en marketing, communication et management. Je me suis pris au jeu. De plus, je développe une agence de communication axée sur la promotion des marques, mettant en avant leur culture et leur rôle social. Les sponsors des clubs et organisations sportives ont de réelles attentes en la matière pour se rapprocher des communautés de supporters des clubs avec lesquels ils souhaitent entrer en relation.

Aujourd’hui, la communication des marques n’est plus seulement commerciale ou centrée sur le produit. C’est le rôle social de la marque qui compte, c’est-à-dire sa personnalité, sa culture et la valeur ajoutée qu’elle apporte à la société. La stratégie de Red Bull en est un bon exemple. La marque est impliquée dans les sports médiatiques comme le football, le cyclisme ou la Formule 1 et s’associe ainsi aux plus grands événements sportifs mondiaux. La communication de Red Bull est basée sur les événements. La marque parle très peu de ses boissons énergisantes. Red Bull s’impose comme un champion du développement personnel et du divertissement.

« Je m’implique dans des activités qui me tiennent à cœur. »

Alors, un retour à la communication en tant qu’agence, mais aussi un retour au monde sportif, non ?

Exactement. Je suis toujours dans le monde du sport. Par ailleurs, je siège à la Ligue de Football Professionnel, au sein de la commission sociale et d’entraide qui accompagne les anciens joueurs, entraîneurs et arbitres en situation de reconversion ou en grande difficulté sur le plan social. Le soutien est vraiment important pour moi. Je m’implique dans des activités qui me tiennent à cœur.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi, quelle était exactement votre mission à Saint-Étienne ?

J’ai occupé le poste de Directeur Général Adjoint, en charge de la communication, de la marque et de la stratégie RSE. L’enjeu était de préserver l’identité du club, de respecter et de promouvoir son ADN. L’AS Saint-Étienne s’est développée sans se couper de ses racines, qui sont celles d’un club populaire, profondément ancré dans son territoire. Les supporters se définissent comme Stéphanois et expriment un attachement fort à un territoire. Ils attendent du club qu’il joue un rôle social. C’est autour de ces éléments que s’est construite la communication du club, au-delà des résultats sportifs et des discours des dirigeants, entraîneurs et joueurs.

« Dans les situations tendues, le club devient une bulle »

Pensez-vous que ces valeurs et cette identité sont toujours présentes dans la communication actuelle du club ?

Oui, je pense. L’ADN du club est toujours là, comme l’ont montré la saison dernière des résultats sportifs plus que satisfaisants et la montée du club en Ligue 1. Il y a de vraies personnes derrière cette équipe, qui se reconnaissent dans ses valeurs et son identité. L’AS Saint-Étienne n’a pas perdu ce qui la différencie des autres clubs, sa ferveur, sa dimension sociale et territoriale, et le mérite en revient aussi aux dirigeants, Roland Romeyer et Bernard Caïazzo, qui ont compris que la vraie richesse de l’ASSE était son identité.

A un moment, la communication du club a été externalisée auprès de JPMA/SB et Denis Chaumier a également prodigué ses conseils aux dirigeants. Pour quoi faire ?

Je ne peux pas répondre précisément, car je n’étais plus au club à cette époque et je n’ai pas été consulté. Pourtant, de nombreuses entreprises et clubs, notamment ceux qui sont très exposés, font appel à des agences de communication pour bénéficier d’une expertise pointue et d’un regard extérieur. Si j’avais eu cette opportunité, je l’aurais saisie. Dans les situations tendues, le club devient une bulle. Le regard extérieur est alors précieux et porteur d’idées.

« Il est pratiquement impossible de garantir l’absence totale de fuites »

Comment assurer la confidentialité dans un club, notamment lors des périodes sensibles comme le mercato ?

Garantir l’absence totale de fuites est pratiquement impossible, surtout avec la vitesse à laquelle l’information circule sur les réseaux sociaux. Cependant, il est crucial que ce soit le club qui officialise l’information et mette de l’ordre dans le flot de rumeurs. Le club fournit un label d’authenticité et a le dernier mot.

Revenant sur votre période à l’AS Saint-Étienne, quelles étaient vos relations avec le triumvirat, notamment avec Jean-François Soucasse ?

J’ai travaillé près de 15 ans avec Roland Romeyer et Bernard Caïazzo, et seulement quelques mois avec Jean-François Soucasse. Avec le recul, je vois beaucoup de choses positives au cours de ces 20 années de présidence. Le club a énormément évolué : doubler les effectifs, rachat du centre de formation, développement de l’outil de formation, ouverture du Musée des Verts, création de l’association ASSE Coeur-Vert, plusieurs places dans le Top 5 de la Ligue 1, une victoire en Coupe de La Ligue… Et il ne faut pas oublier que l’ensemble des matches de l’UEFA Europa League disputés entre 2007 et 2019 représentent près de la moitié des rencontres européennes disputées par l’ASSE dans toute son histoire. Tout cela a été réalisé avec l’identité populaire qui caractérise l’ASSE. Le prix des places les moins chères était toujours parmi les plus bas de L1. C’était un choix des dirigeants qui ont su préserver cette identité.

« Connaître l’environnement de l’ASSE est un facteur clé de réussite »

Quels ont été les meilleurs et les pires moments de votre passage à l’ASSE ?

Les moments forts ont été nombreux, mais pour rester lucide, il ne faut pas se laisser emporter ni se laisser guider par l’émotion. J’ai vu les moments difficiles comme des opportunités pour trouver des solutions. Chaque situation apporte ses propres défis et leçons.

Le club vient d’être racheté. Ivan Gazidis arrive dans votre bureau. Vous êtes à l’AS Saint-Étienne et vous êtes responsable de la communication. Quel est le premier conseil que vous lui donnez à son arrivée à Saint-Étienne ?

Plus qu’un ou plusieurs conseils, ce serait un échange sur l’environnement, l’histoire et l’ADN de l’AS Saint-Étienne. Comprendre l’environnement est un facteur clé de réussite. Une stratégie qui a bien fonctionné ailleurs ne sera pas nécessairement gagnante ici car elle ne sera pas adaptée à l’environnement culturel et économique. Je me souviens de mes nombreuses discussions avec Christophe Galtier. L’une des clés de sa réussite a été sa très bonne compréhension de l’identité du club. A Saint-Étienne, Galtier était quelqu’un de très accessible et chaleureux, il parlait à tout le monde. C’est une des raisons de sa longévité. Cela n’a peut-être pas été décisif sur le plan purement sportif, mais pour lui, c’était extrêmement important de comprendre le milieu dans lequel il évoluait. D’ailleurs, sa vision de l’ASSE nourrissait parfois ses propos.

Alors, si je devais donner un simple conseil de communication à Gazidis, ce serait de comprendre comment fonctionne ce club, pourquoi il est différent et suscite un tel attachement. Pour réussir dans n’importe quel secteur, il est crucial de comprendre votre environnement, tant externe qu’interne. Que ce soit à l’AS Saint-Étienne, à Arsenal ou ailleurs, la priorité doit être de comprendre la culture du club, ce qui le différencie des autres.

« L’identité de l’ASSE doit rester intacte »

Lors de cet entretien, pensez-vous avoir communiqué ?

Sans aucun doute… J’ai communiqué en étant sincère et en essayant d’expliquer pourquoi il fallait regarder différemment le bilan des présidents. J’ai essayé de mettre les choses en perspective, ce qui faisait partie intégrante de mon rôle de communicant à l’ASSE. La communication a aussi une dimension pédagogique.

Un mot pour les supporters ?

J’espère que les supporters continueront à se reconnaître dans leur club. Si la réputation peut fluctuer en fonction des échecs, des dysfonctionnements ou des succès, l’identité du club doit rester intacte. Voir autant de jeunes dans les tribunes montre que le club représente quelque chose de plus grand que de simples victoires de matchs puisque ces jeunes ont connu plus de bas que de hauts ces trois dernières années. Mais c’est l’image d’une ville qui souffre, se relève, trouve des ressources. L’ASSE est un club qui rassemble toutes les couches sociales d’une région. On peut ne pas être d’accord sur un mercato, sur le contenu d’un match, mais chaque supporter a les mêmes mots pour décrire la passion qui le lie au club. C’est ce qui fait la particularité de l’AS Saint-Étienne et qu’il faut préserver tout en innovant et en modernisant le club.

 
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